L'ARRESTATION DE MARGA D'ANDURAIN EN 1946.
Marga d'Andurain, née Jeanne Amélie Marguerite Clérisse le 29 mai 1893 à Bayonne (Basses-Pyrénées) et morte le 5 novembre 1948 dans la baie de Tanger (Maroc), est une aventurière française.
MARGA D'ANDURAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Source de nombreux fantasmes, elle fut tour accusée d'espionnage, de meurtres, de trafic de drogue, de perles ou de diamants, mais elle a surtout marqué son temps pour avoir tenté d'être la première européenne à pénétrer dans la cité sainte de la Mecque. Elle fut assassinée à bord de son yacht, le Djéïlan, à 55 ans.
Voici ce que rapporta au sujet de son arrestation la presse nationale, et en particulier le
quotidien France Soir, le 4 janvier 1947 :
"Voici comment, à Palmyre, un soir de tempête, le vicomte d'Andurain est mort, lardé de coups de poignard... Je connais les instigateurs du crime. Je dirai leurs noms, par Marga d'Andurain.
Marga d’Andurain a raconté dans France-soir comment, après avoir été renvoyée de tous les couvents de la région de Bayonne et s’être mariée à quinze ans avec le vicomte Pierre d’Andurain, elle courut la grande aventure en Amérique du Sud, puis en Syrie. C'est là qu’elle devint Zeinab, chef de tribu arabe. Pour pouvoir se rendre dans la citadelle sacrée du Nedjd interdit aux Européens, elle devient musulmane en épousant un ami de son cuisinier, Soleiman, acheté 30 000 francs. Elle vit au harem mais, un soir elle s’enfuit, est accusée d’adultère, échappe de peu au supplice grâce à l’intervention du fils du consul de France. Elle regagne Palmyre. Un jour elle est accusée du meurtre d’un berger de sa tribu, Mohamed. Après trois autopsies, elle est déclarée innocente, mais des inconnus la poursuivent et cherchent à la tuer avec son mari.
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Le 5 novembre 1936, chose étrange, j'épousais mon mari d’avec qui j’avais divorcé quelques années plus tôt. Je réécoutais mon mari pour satisfaire au grand désir qu’il en avait lui-même et parce que sa famille jugeait notre situation scandaleuse. Après notre mariage, mon mari rentra à Palmyre. Moi, je restai à Beyrouth. Quelques jours avant la Noël, mon mari m’écrivit, et ce fut la dernière lettre que je devais recevoir de lui : "J’ai de fortes raisons de croire que X. n’en a plus pour longtemps, ce qui fera l’affaire de certains."
X. était l’homme que les gendarmes de Palmyre et nous-mêmes considérions comme l’assassin du berger Mohamed. Bien d’autres également le savaient. Entre quelles mains cette lettre était-elle tombée avant de venir dans les miennes ? La moitié de notre courrier disparaissait.
Cette lettre fut peut-être un témoignage qui précipita la fin de mon pauvre mari.
L'assassinat.
Le 24 décembre, Je quittai Damas pour Palmyre. J’allai vendre mes troupeaux puisqu’il nous était devenu impossible de les surveiller nous-mêmes.
Toute la nuit, nous devions entendre des pas et des chuchotements sous nos fenêtres. Mon mari voulait ouvrir. Je le suppliai de n’en rien faire, craignant le pire.
Le 26 décembre, nous vendîmes, le troupeau du Cheik Ahmed, un Ismaïlich, qui, par amabilité, surveillait nos propres troupeaux et que nous logions chez nous. Le soir, comme il allait tranquillement à l’écurie pour prendre sa jument, il revint en courant. Il nous dit qu’un homme grand et large était couché en face de la chambre de mon mari et qu’il s’était enfui à son approche après lui avoir donné de grands coupe de "haesa" (canne arabe).
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Mon mari et les domestiques ressortirent avec lui. Mais l’homme avait dû s’enfuir. Ils ne trouvèrent plus rien.
Pour bien comprendre les événements tels qu’ils vont se passer, il faut reconstituer dans ses grandes lignes le plan de la maison : l’écurie, la centrale électrique, qui alimente l’hôtel que nous gérions et les appartements de mon mari situés dans l’annexe forment un groupe distant de la maison même d’une centaine de mètres.
Le 26 et le 27 décembre se passèrent paisiblement. Le 28, nous attendions dix-sept professeurs de l’Université américaine de Beyrouth et nous manquions d’électricité.
Soudain, un vent violent s’éleva. Notre éolienne se mit à tourner avec violence et les accus enregistrèrent une forte charge. Nous pensions à nos hôtes, qui allaient venir, et nous étions bien satisfaits.
Dans l’office, les domestiques se chauffaient autour de la chaudière.
A 7 heures, mon mari retourne à l’éolienne. La tempête fait rage.
Malgré la pleine lune, qui, en général, éclaire les ruines comme en plein jour, la nuit est opaque. Il n’y a pas cinq minutes que mon mari était parti, que les domestiques entrent en courant dans le petit salon où j’attends, seule. Et ils se mettent à crier dans l’affolement :
— Madame, il y a un légionnaire qui veut entrer dans la cuisine !...
— Eh bien ! dis-je, renvoyez-le, fermez les portes et appelez Monsieur.
Mais la crainte me vient. Je retiens un domestique par le bras. Nous écoutions derrière la porte.
J’hésite quelques secondes à reconnaître la voix de mon pauvre mari, une voix étouffée par le sang. De ses deux poings, il frappe à la porte contre laquelle s’arcboute le domestique effrayé.
— Marga !... Ali !...
C’est Pierre. Et voilà que deux hommes amènent en le soutenant jusqu’à moi un être humain si terrifiant que personne ne peut en soutenir la vue. A peine la porte du petit salon a-telle été ouverte que l’Arabe, qui était resté avec moi, la repoussa brutalement. Je crie en arabe :
— Khawago !... (Monsieur !)
Il est là, tout droit, tout raide. Son masque abominable exprime la souffrance, la lutte, l’angoisse, le désespoir et d’une manière si profonde qu’il me semble impossible de le traduire. La paupière gauche, coupée, tient encore aux deux extrémités, et le sang coule à flots de cet œil crevé. Et de la bouche et du nez ce n’est que ruissellement.
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"Je vais mourir..."
Il regarde encore de son œil droit qui tourne effroyablement, et il reconnaît tout le monde. Il me fait signe de ne pas le quitter. Alors, je m’agenouille auprès de lui et je lui prends la main. Horreur ! Ma main enfonce dans la chair vive. Le pouce est sectionné de l’index : sur une profondeur de huit centimètres, dira-t-on plus tard, blessure défensive.
Il survivra encore pendant deux heures.
L’homme qui l’a attaqué est un Bédouin. Il était grand et fort. Il avait un revolver. Ce fut ce revolver dont mon mari parla le plus. Il est probable qu’il empêcha le Bédouin de s’en servir en lui tenant la main.
Je lui demande :
— Crois-tu que ce soit un voleur ?
Il réplique par saccades :
— Un voleur... aurait pu... s’échapper. Mais... il s’est acharné... Il... m’a... assassiné...
Le docteur réclame à ce moment l’ambulance pour emmener mon mari au poste de la Légion étrangère. Le dos est lardé de coups de poignard. Le docteur Cadi (qui fut parfait en cette circonstance), fait les pansements nécessaires, couvre les blessures d'agrafes pour arrêter les hémorragies.
Enfin, on installe mon mari gémissant sur un brancard, dans l’automobile sanitaire qui doit le transporter au terrain d’aviation. Le trajet est atroce. Il étouffe, rend du sang, et enfin, dans un dernier soubresaut :
— C’est trop ! s'écrie-t-il. Je vais mourir.
L’ambulance s’arrête. Dans le grand silence du désert, on entend ronfler le moteur de l’avion. Le docteur saute à terre, puis l’infirmier, puis moi. Un goujat, venu d’on ne sait d’où, s’approche de moi et me dit :
— Vous ne monterez pas dans l’avion.
— Impossible, dis-je. Mon mari exige ma présence auprès de lui. Il n’a confiance qu’et moi. Si je ne pars pas, il ne partira pas.
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