LE PRÉVENTORIUM D'ARBONNE EN 1923.
Dès juin 1918, l'Etat confie au Secours d'urgence le domaine de Pemartia pour reloger les populations de la Somme et de l'Oise, délogées par la Première Guerre mondiale.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 3
octobre 1923 :
"Son Comité de patronage s’est réuni hier à Biarritz.
Hier soir à quatre heures, le Comité de Patronage du Préventorium d’Arbonne s’est réuni à la mairie de Biarritz dans la salle des séances du Conseil municipal, sous la présidence de la Marquise douairière d’Arcangues.
A côté de Mlle Javal, la grande organisatrice de l’œuvre, et de Mlle Schwab, qui consacre tous ses instants aux fillettes d’Arbonne, avaient pris place : Mmes Petit, de la Baroja, Charpentier, la Vicomtesse de Gironde, de Bonnand, la baronne Portalis, Détroyat, MM. les Docteurs Peyret et Charpentier.
Mlle Javal met en quelques mots le Comité de patronage au courant de la situation du Préventorium.
Cet établissement commence à être avantageusement connu et plusieurs enfants du pays y sont actuellement soignés.
Mais les dépenses sont relativement élevées et on ne peut songer à les restreindre puisqu’il s’agit de la santé des enfants.
Pour le premier semestre de cette année, les dépenses ont été de 125 000 fr. et les recettes de 59 000 fr. ; d’où un déficit de 66 000 fr. qui a été comblé par l'œuvre du "Secours d’urgence".
La ville de Biarritz a voté une subvention de 5 000 fr. La vente aux enchères organisée récemment a produit une dizaine de mille francs.
Pour avoir un capital stable il y aurait lieu de créer un Comité dont les membres bienfaiteurs verseraient une cotisation annuelle de 500 fr., le chiffre de rachat étant fixé à 5 000 fr. ; les membres souscripteurs (cotisation 100 fr, rachat 1 000 fr.) ; les membres adhérents (cotisation 50 et 10 fr., rachat 500 et 100 fr.)
Quant au fonctionnement et à l’utilité de l’œuvre du Préventorium, en ne saurait en donner une idée plus exacte qu'en citant le rapport que le Dr Peyret, médecin traitant, avait préparé à cet effet. Nous sommes heureux de pouvoir le publier :
VUE AERIENNE VERS 1930 PREVENTORIUM D'ARBONNE |
Le fonctionnement du Préventorium.
Mlle Javal a demandé au médecin du Préventorium d'Arbonne de vous présenter cette maison, que, pour la plupart, cependant, vous connaissez déjà. La tâche en sera d’autant plus facile. Aussi bien s'agit-il, non pas d’un long rapport très documenté, mais d’une toute simple causerie.
Je vais donc, au lieu de vous emmener tous à faire une sorte d’inspection détaillée de la colonie, d’ouvrir devant vous des livres de compte et de vous aligner des statistiques de toutes sortes, je vais essayer plutôt de vous raconter en quelques mots ce que nous avons réalisé là-bas, qu'elle y est la vie des enfants, et comment nous croyons y faire oeuvre très utile.
Vous savez de quelle idée est née la maison. Elle est l’oeuvre du Secours d’urgence dans les Régions libérées, qui, après avoir pendant la guerre organisé dans le domaine séquestré d’Arbonne une colonie agricole pour réfugiés, n’a pas cru faire mieux, une fois les réfugiés retournés chez eux, que de transformer ce premier établissement pour y recevoir des enfants des pays dévastés ; — de ces pays où la vie est plus dure et plus difficile, et où, plus qu’ailleurs, manquent aux petits les conditions d’hygiène nécessaires pour "pousser" normalement à l’abri de ce fléau, là-bas particulièrement menaçant, de la tuberculose.
Son but.
Essayer de prévenir la tuberculose, voilà la raison d'être d'un Préventorium, et cela de deux façons, d’une part en empêchant chez certains sujets prédisposés l'éclosion d’une première atteinte, d’autre part en enrayant une tuberculose légère déjà existante.
JARDINAGE PREVENTORIUM D'ARBONNE |
"Certains enfants, en effet, peuvent être pâles, anémiés, chétifs, au thorax étroit, à l'appétit capricieux, porteurs même d’adénopathies trachéo-bronchiques banales, suite de coqueluche ou de broncho-pneumonie, ils ne sont pas forcément touchés par le bacille de Koch". Ils n’en présentent pas moins à la maladie un terrain préparé surtout si les conditions hygiéniques dans lesquelles ils vivent ne sont pas excellentes.
D’autres enfants sont également pâles, anémiés, mais présentent des signes indiscutables d’adénopathie trachéo-bronchique, cervicale, ou autre" ; ceux-là sont contaminés déjà, quoique non fébrécitants, apparemment "fatigués" seulement et non malades. "Atteints des formes initiales, latentes et curables de tuberculose non pulmonaire", porteurs de lésions bénignes, non contagieux encore, ils verront à peu près fatalement, dans un milieu défavorable, leur tuberculose faire des progrès et bientôt deviendront de vrais malades .
On le conçoit, il est particulièrement difficile de classer dans l'une ou dans l’autre de ces deux catégories, les enfants que, dans une école ou dans un dispensaire on montre périodiquement au médecin.
Les uns et les autres, au surplus sont intéressants au même titre et forment la clientèle d'un Préventorium. C’est du "tout-venant" qui y entre à chaque convoi.
CHAR A BOEUFS ET FILLETTES PREVENTORIUM D'ARBONNE |
Et c’est au Préventorium que s'opère le triage. Il ne peut s’opérer que là, par la surveillance attentive et prolongée des infirmières, et par des examens médicaux approfondis et répétés.
Les enfants reconnus indemnes de lésions tuberculeuses sont, après quatre mois de séjour renvoyés dans leur famille ; ils sont d’ailleurs à ce moment-là déjà transformés ; les couleurs et l'embonpoint sont revenus, leur peau s’est bronzée par le soleil ; ils se sont en somme refait un aspect normal.
Les autres prolongent leur séjour de deux, quatre mois et davantage, du moins si les parents, parfois trop impatients de revoir leurs enfants, n’exigent pas leur retour prématuré. Dans le cas contraire, nous ne les laissons repartir que lorsqu’ils nous paraissent tout à fait d’aplomb, avec une santé bien solide... et le conseil de venir nous revoir au moins quelques mois chaque année... pendant plusieurs années.
Ses résultats.
Deux cent cinquante enfants environ sont passés à Arbonne. Sur ce nombre la moitié y a séjourné plus des quatre mois réglementaires ; un quart y ont passé huit mois et davantage. Cela fait donc environ cent vingt-cinq tuberculeuses, atteintes, rappelons-le, légèrement mais indubitablement, qui ont été par Arbonne, rendues à la santé ; et cent vingt-cinq autres fillettes, en imminence de tuberculose, qui sont venues y chercher des forces pour mieux lutter après contre les premiers assauts du mal.
REPOS SOUS LES PINS PREVENTORIUM D'ARBONNE |
Et, puisque j'ai cité quelques chiffres, je ne puis résister au plaisir de vous donner une idée des bienfaits d’Arbonne, en vous disant les gains de poids obtenus. La moyenne en est de 5 kilos en été, et de 3 kilos en hiver, pour un séjour de quatre mois. Ces chiffres n’ont pas besoin d’être commentés.
Les méthodes ? "Soumettre les enfants à un régime hygiénique, avec alimentation surveillée, aération continue, repos, instruction et entraînement physique respectivement donnés par la collaboration d’un médecin et d’un pédagogue" ; programme dressé par Léon Bernard pour les œuvres de ce genre, et dont nous nous efforçons de ne pas nous écarter, d’une ligne.
Allez au Préventorium d’Arbonne ; allez-y à n'importe quel moment ; c’est la maison de verre, c'est la maison où tout se fait au grand jour... Allez-y deux fois, dix fois, vous les trouverez toujours dehors, nos fillettes, soit qu'elles prennent leurs récréations, à l’ombre des grands platanes, soit qu’elles travaillent, sous la surveillance d'une monitrice, à leurs exercices rythmés dans la vaste prairie qui sert de terrain de jeux, ou qu'elles montent à l'assaut des agrès ou... des portiques pour une gymnastique plus violente, plus osée, et non moins salutaire qui émerveillait, il y a peu de semaines, une journaliste parisienne ; soit qu'elles épluchent les légumes, bien sagement mais non pas sans folâtrer un brin, ou balaient les cours et les allées ; soit qu’elles soient assises, enfin silencieuses aux bancs bien alignés de leur classe en plein air, toujours enfin, vous les verrez dehors, sauf par temps de pluie, bien entendu... (Mais il pleut bien rarement dans ce fortuné pays).
ECOLE EN PLEIN AIR PREVENTORIUM D'ARBONNE |
Vous les verrez toujours dehors, qu’il fasse chaud, qu'il fasse froid, le plus souvent vêtues de leur petite robe blanche, très ample et très mince, pour que l’air et le soleil y puissent bien pénétrer et les baigner toutes, ou même d'une simple petite culotte avec laquelle le on est encore plus à l’aise... et mieux aérées.
La voilà bien, la vie en plein air, partout prônée et qui à Arbonne est devenue la préoccupation dominante, le premier et le plus important article du programme, celui avec lequel il faut que s'accommodent tous les autres...
Les autres ?... Mais je m’aperçois que je vous ai tout dit, et la classe et les jeux, et les exercices physiques, et les soins du ménage... Si j'ajoute la douche quotidienne... et générale, froide, l’été, tiède l’hiver, les séances régulières d'héliothérapie, les promenades, le balayage des salles le matin, les lits qu'il faut faire soi-même... et bien faire, la couture..., vous connaîtrez notre façon, non seulement de soigner ces gamines, mais de leur inculquer le goût de l'ordre et de la propreté, de les former au travail du ménage, et, suivant le mot de Mlle Javal, d’en faire, "d’êtres maladifs, à l’avenir précaire, des femmes utiles", dressées à l’hygiène et au travail.
ECOLE MENAGERE EN PLEIN AIR PREVENTORIUM D'ARBONNE |
Voilà la tâche entreprise au Préventorium d’Arbonne ; tâche éminemment sociale, et par plusieurs côtés :
A la lutte contre la tuberculose qui, plus que jamais réclame la participation de chacun, il apporte l’appoint de son effort ;
Mais il n'a garde d’oublier le point de vue intellectuel et moral, puisque les enfants y peuvent continuer leur vie scolaire, et qu’on a de plus le souci de leur apprendre en même temps que la grammaire et que l’arithmétique, ce qui contribue bien un peu à rendre les hommes plus sains et meilleurs, la propreté, l’ordre et le travail.
GYMNASTIQUE DES PETITES PREVENTORIUM D'ARBONNE |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire