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vendredi 25 novembre 2022

LES PRÊTRES À HASPARREN EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1905 (première partie)

LES PRÊTRES À HASPARREN EN 1905.


Suite à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, de nombreuses congrégations religieuses sont assignées en justice.




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COUVENT DES FILLES DE LA CROIX HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Droit, dans son édition le 17 juin 1905 :



"Juridiction Criminelle.

Cour d'Appel de Toulouse.

(Ch. des mises en accusation.)

Présidence de M. Simonet. 

Audience du 12 janvier 1905


Association religieuse. — Groupement de prêtres séculiers. — Absence de voeux et de noviciat. — Prévention d'infraction à la Loi du 1er Juillet 1901. — Relaxe. 



La loi du 1er juillet 1901 ayant intentionnellement omis de définir la congrégation, il appartient aux Tribunaux de rechercher et de décider dans chaque espèce si les inculpés avaient ou non le caractère de congréganistes. 


Lorsqu'il est constaté, en fait, que des prêtres vivant en commun ne font pas de vœux, sont dépourvus de noviciat, ne se recrutent pas eux-mêmes, mais sont admis par la seule volonté de l'évêque, gardent leur fortune personnelle et passent à leur gré et à la volonté de l'évêque dans des cures paroissiales... il résulte de ces constatations que ces prêtres constituent, non une congrégation religieuse, mais un simple groupement de prêtres séculiers. 


Dès lors, ils ne tombent pas sous l'application des pénalités de la loi du 1er juillet 1901. 


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MAISON DES MISSIONNAIRES HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN


Plusieurs prêtres, dits missionnaires d’Hasparren, ont été poursuivis par le Parquet de Bayonne, sous l’inculpation d’infraction à la loi du 1er juillet 1901, comme faisant partie d’une congrégation non autorisée et comme ayant dirigé un établissement d’enseignement congréganiste.



Le juge d’instruction a, le 5 janvier 1904, rendu une ordonnance de non-lieu, maintenue par arrêt de la Cour de Pau en date du 13 février 1904.



Cet arrêt ayant été, le 8 juillet 1904, cassé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Le Droit du 13 janvier 1905). l’affaire a été renvoyée devant la Cour de Toulouse, laquelle, après défense de Me Désarnauts, avocat, et réquisitions de M. Lafont de Sentenac, avocat général, a statué ainsi qu’il suit:


"La Cour ; 

Attendu que tous les susnommés sont poursuivis en vertu des articles 14, 16, 8, paragraphe 2, de la loi du 1er juillet 1901, comme ayant, à Hasparren, depuis moins de trois ans, fait partie d’une congrégation non autorisée, avec cette circonstance, en ce qui concerne Heguiagaray, qu'il est l’administrateur de ladite congrégation en qualité de supérieur ; et Ossinery comme ayant, depuis moins de trois ans, alors qu'il appartenait à une congrégation non autorisée, dirigé un établissement d’enseignement et donné renseignement dans le même établissement ;


Attendu que les inculpés allèguent, pour leur défense, qu’ils constituent, non une congrégation religieuse, mais un simple groupement de prêtres séculiers ; qu’il y a donc lieu, pour la Cour, de rechercher le véritable caractère de cette congrégation ;


Attendu que la loi du 1er juillet 1901 a intentionnellement omis de définir la congrégation, laissant aux Tribunaux le soin de rechercher et de décider, dans chaque espèce, si les inculpés avaient ou non le caractère de congréganistes ;


Attendu qu’à l'appui de ses réquisitions, le ministère public articule que la congrégation d'Hasparren avait été fondée en 1822, par Mgr d’Astros, évêque de Bayonne, en vue des missions dans les provinces basques ; que les missionnaires d’Hasparren ont vécu à l’état de congrégation reconnue par l’autorité diocésaine, de 1822 à 1899 ; que si, depuis celte dernière date, les vœux ont été supprimés, ils n'en ont pas moins continué à vivre en commun, sous l’autorité d'un supérieur, dans la même maison, gérée et administrée par un économe, se livrant ensemble, aux mêmes heures, aux mêmes exercices pieux, poursuivant le but de la congrégation et se conformant à sa destination primitive, c'est-à-dire à l'oeuvre des missions des paroisses de langue basque ; enfin, que l'institution fondée à Hasparren avait un caractère de perpétuité qui contribuait à en faire une véritable congrégation ;


Attendu qu’il résulte de l’information que le groupement des prêtres, dits missionnaires d’Hasparren a été fondé par Mgr d’Astros, non dans le but spécial d’évangéliser les paroisses de langue basque, mais pour les besoins du diocèse ;


Attendu que jamais, à aucune époque, les évêques de Bayonne n’ont reconnu aux missionnaires d’Hasparren le caractère de véritable congrégation religieuse ; que, dès 1830. la maison d’Hasparren était dissoute par l'évêque qui la rétablissait en 1833 ; que les vœux annuels, imposés à l'origine aux prêtres que l’évêque admettait à Hasparren, furent supprimés de 1810 à 1887 ; qu’à cette dernière date, Mgr Fleury-Hottot, évêque de Bayonne, ayant rétabli les vœux et toléré l’adjonction à la maison d’Hasparren d’une école ecclésiastique et d'un noviciat, l’abbé Arbelbide, supérieur des missionnaires, conçut le projet de donner à la maison d’Hasparren le caractère d’une véritable congrégation religieuse ; que, dans ce but, il saisit de ses réclamations la sacrée congrégation des évêques et réguliers qui, par décision du 5 février 1898, condamna ses prétentions ;


Attendu que Mgr Jauffret, alors évêque de Bayonne, révoqua immédiatement l’abbé Arbelbide, le menaçant même d’interdit, nomma un autre supérieur, supprima de nouveau les vœux et ordonna que le noviciat fût fermé et les élèves envoyés dans les séminaires du diocèse ; qu’à la suite de ces actes de l'autorité épiscopale, l’abbé Arbelbide, suivi de quelques prêtres, émigra dans l’Amérique du Sud où, d’accord avec le gouvernement argentin, il essaya encore d’obtenir de la cour romaine fisc les missionnaires d’Hasparren fussent considérés comme une congrégation religieuse et, à ce titre, que leur maison fût remise à la congrégation de Bétharram ;


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MONSEIGNEUR JAUFFRET


Attendu qu’aussitôt averti de ces agissements, l'évêque de Bayonne envoya un représentant, d'abord à la direction générale des cultes, à Paris, puis à Rome, où il obtint encore gain de cause ;


Attendu que, depuis celte époque, antérieure de plusieurs années au vote de la loi de 1901. les missionnaires d’Hasparren ont vécu groupés sous l’autorité directe et absolue de l’évêque, représenté dans la maison par le supérieur, nommé par lui et révocable ad nutum ; qu'il résulte, en outre, de la procédure, que ces prêtres ne font pas de vœux ; qu'ils n’ont pas d’autres statuts que la règle suivie dans le séminaire où ils ont fait leurs études ; qu’ils conservent l'entière disposition de leurs biens personnels et du traitement qui est alloué à chacun d’eux par l’évêque ;


Attendu qu'il n’est pas exact de prétendre que les missionnaires d’Hasparren "poursuivent le but de la congrégation et se conforment à sa destination primitive, c’est-à-dire à l’œuvre des missions des paroisses de langue basque" ; qu’il résulte, au contraire, de la procédure, que les missionnaires d’Hasparren n’ont aucun but déterminé, mais constituent une réserve de prêtres à la disposition de l'évêque qui les emploie au mieux des intérêts de son administration ; qu’ainsi il est démontré que beaucoup d’entre eux ont été placés à la tête de cures plus ou moins importantes, tandis que, à l’inverse, la maison d’Hasparren servait de refuge et de lieu de retraite aux prêtres vieux ou infirmes qui ne pouvaient continuer le service paroissial ;


Attendu, du reste, qu’à l’inverse de ce qui se passe dans les congrégations religieuses, l’entrée à Hasparren n’est soumise à aucune épreuve de postulat ou de noviciat ; que l’évêque seul choisit les sujets qu’il veut y admettre, en restant libre de les en retirer à sa volonté, de même qu'ils sont libres, eux-mêmes, de quitter la maison et de se faire placer à la tête d’une paroisse ;


Attendu que vainement on veut trouver la preuve de la vie congréganiste dans ce fait que le produit des prédications et des messes serait mis en commun et servirait à la marche de la maison, sous la direction d’un économe ;


Attendu que rien n’interdisait aux missionnaires de payer les dépenses occasionnées par leur nourriture et leur entretien au moyen de ces ressources qui devaient être sensiblement les mêmes pour tous ;


Attendu que le ministère public soutient, enfin, que l'institution fondée à Hasparren a un caractère de perpétuité qui contribue à en faire une véritable congrégation : qu'il trouve une preuve de cette perpétuité dans le mode de transmission des immeubles occupés par les missionnaires ;



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MAISON DES MISSIONNAIFRES HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN


Attendu qu'après avoir acheté la maison d'Hasparren à la barre à la barre du Tribunal, Mgr d’Astros, en quittant Bayonne, la revendit, le 18 juin 1848. à l'abbé Deyhéralde, alors supérieur des missionnaires ;


Attendu que, par testament biographe, l'abbé Deyhéralde, tout en instituant l’abbé Soubelet, supérieur des missionnaires, comme locataire universel, avait légué les immeubles d’Hasparren aux évêques successifs du diocèse de Bayonne ; que cette disposition testamentaire prouve bien que, dans la pensée du supérieur des missionnaires lui-même, la maison d’Hasparren appartenait, non à la prétendue congrégation, mais à l’évêque ;


Attendu, dès lors, qu’il importe peu que l’abbé Soubelet d'abord, l'abbé Arbelbide ensuite, tous les deux supérieurs des missionnaires d’Hasparren, aient été successivement propriétaires de ces immeubles ; qu’il convient, au contraire, de retenir qu’en 1899. l’abbé Arbelbide a vendu les biens d’Hasparren à cinq acquéreurs, dont trois sont missionnaires d’Hasparren, mais dont le quatrième est vicaire général, et le cinquième vicaire à la cathédrale de Bayonne ;


Attendu que la présence de ces deux derniers prouve bien que la maison d’Hasparren n’est pas la propriété d'une congrégation, qui ne pouvait accepter le risque de voir passer le siège même de son institution aux mains d’un étranger ;


Attendu, d’ailleurs, que la perpétuité d’une congrégation doit s’entendre, non de la possession in perpetuum de tel ou tel immeuble, mais de l'existence in perpetuum de la congrégation elle-même ;



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MAISON DES MISSIONNAIRES HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN


Attendu que le groupement des prêtres d'Hasparren ne remplit aucune des conditions qui peuvent assurer cette perpétuité ; que, dépourvus de noviciat et admis par la seule volonté de l’évoque, ils n’ont entre eux d'autres liens que ceux de lu communauté plus ou moins prolongée de leur existence ; que, leur maison n’ayant d’autre but que de prêter le concours de ses membres à l’évêque, ce dernier reste maître absolu de la transformer à sa volonté et même de la supprimer ou de la dissoudre, connue le fit son fondateur en 1830 ; que, du reste, les prêtres d'Hasparren ne possédant, depuis 1898 tout au moins, ni des statuts canoniques, ni le droit de s’administrer, ni même le droit de choisir leur supérieur, se trouvent dans l’impossibilité absolue de donner à leur institution un but à poursuivre et justifiant la perpétuité de la congrégation elle-même ;


Attendu que, tous les faits ci-dessus ramenés étant antérieurs de plusieurs années à la loi de 1901, la Cour doit écarter tout soupçon de fraude tant de la part des inculpés que de la part de l'évêché de Bayonne ; que, du reste, la lettre écrite le 27 septembre 1901, par M. le vicaire-général Diharce, à M. le président du conseil, démontre la bonne foi avec laquelle l’évêché de Bayonne se préoccupait de dissiper tout malentendu et de se mettre en règle avec la loi nouvelle ;


Attendu que, de tout ce qui précède, il résulte que les prêtres auxiliaires, dits missionnaires d’Hasparren, constituent, non une congrégation religieuse, mais un simple groupement de prêtres séculiers ; que ces prêtres, qui ne font pas de vœux, qui ne se recrutent pus eux-mêmes, qui n’ont d'autre supérieur que l’évêque ou son délégué, qui n’ont pas de biens de communauté, mais gardent, au contraire, leur fortune personnelle ; qui passent, à leur gré et à la volonté de l’évêque, de la maison d’Hasparren dans les cures paroissiales, dont l'institution, enfin, est essentiellement précaire, puisqu’il dépend de la décision souveraine de l’évêque de la maintenir ou de la supprimer, n’étaient pas soumis à l’obligation de solliciter l'autorisation gouvernementale ;



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CHAPELLE DES MISSIONNAIRES HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN


Par ces motifs ; 


Vidant le renvoi ordonné par la Cour de cassation, accueille en la forme l’opposition formée par le procureur de la République de Bayonne à l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction près le même siège, et, statuant au fond, la déclare mal fondée ;


En conséquence, dit qu’il n’existe pas charges suffisantes contre les susnommés : dit qu’il n’y a pas lieu à suivre quant à présent, etc..."



A suivre...








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