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vendredi 20 novembre 2020

UN CHARIVARI À HASPARREN EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JUIN 1950 (première partie)

CHARIVARI À HASPARREN EN 1950.


Le charivari est une démarche symbolique et bruyante des membres d'une communauté villageoise, une démonstration empreinte de violence morale et parfois physique visant à sanctionner des personnes ayant enfreint les valeurs morales et (ou) les traditions de cette communauté.




pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Qui ?, dans son édition du 22 mai 1950, sous la plume 

de Léo Vergez :



"Pour venger sa tante, un jeune Basque, Louis Itchorrotz, déclenche le charivari d'Hasparren 

qui tourne à la tragédie.



Bayonne (de notre correspondant particulier). 



Un sucrier renversé sur un billard...


pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN



Avec les innombrables cubes de ses fermes au crépi blanc disséminées à flanc de pente, parmi les pâturages et les cerisiers, c’est, en plein cœur du pays basque, Hasparren. Derniers tenants de la pureté de la race des anciens Ibères, les hommes y sont bruns et beaux et les femmes sveltes et élancées. Les mœurs y sont restées saines et patriarcales. Les unions mal assorties, les fidélités mal gardées font scandale et sont fustigées sévèrement par l’opinion attentive.


pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN




Aussi, Louis Itchorrotz, apprenti cordonnier de son état, grand et blond, ne perdait-il rien du prestige que ses yeux bleus lui donnaient sur tant de prunelles brunes, lorsqu’il parcourait le quartier Eliçaberry, recrutant des compagnons de son âge, auquel il assurait d’une voix vibrante :



— Il faut venger ma tante ! 



Sa tante, c’était la femme de Jean Itchorrotz, son père adoptif. De tout temps, elle avait été pour lui une seconde mère, pleine d’attentions et de délicate tendresse. Et Louis souffrait de voir que son mari n’était pas, envers elle, tel que, peut-être, il aurait dû.



Car, pour tous les habitants du quartier Eliçaberry, la liaison de Jean Itchorrotz avec Louise Aldax, la belle aubergiste, ne faisait depuis longtemps plus de doute. Il y avait des années que le paysan écourtait son travail aux champs pour être plus assidu à l’auberge. Et le dimanche, après la partie de pelote qui voyait évoluer devant le fronton les joueurs chaussés d’espadrilles, le poing ganté du "grand chistera" d’osier, l’homme aimait s’attarder à l’auberge, indéfiniment, tandis que celle qu’il courtisait, verre en main, allait d’une table à l’autre.


pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN



— Ordâo... Imbido... Idouki ! Les termes rituels de l’antique jeu de "muss" volaient dans la fumée des cigarillos, tandis que les joueurs abattaient ces cartes où cœurs et piques sont remplacés par des aubergines ou des soleils. Jean Itchorrotz aimait cette atmosphère. Il adorait recueillir au passage un clin d’œil et un sourire de la belle aubergiste. Il aimait affirmer son intimité en quittant la place parmi les derniers. Il aimait surtout que son amie l’accompagnât, sur le chemin qui le ramenait à sa ferme, sentier encaissé, peu fréquenté, bordé d’arbustes, et propice aux étreintes furtives.



Il y avait bien un mari, mais il était de ceux dont parle La Fontaine et qui, devant l’infortune conjugale, se révèlent délibérément aveugles et sourds. Ce fut la femme de Jean Itchorrotz qui, lasse d’être tenue par la rumeur publique au courant des fredaines de »on mari, se détermina à faire un éclat.



Le jeudi 4 mai, elle s’aperçut que son mari cessait le travail de la ferme plus tôt encore que d’habitude. Elle attendit jusqu’à 7 heures du soir, puis, sûre alors de ne pas le manquer, elle se rendit à l’auberge. Là, elle se livra à toute la rancoeur d’une rage trop longtemps comprimée. Devant les joueurs et les buveurs goguenards, elle sortit à son mari, blême de dépit, "ses quatre vérités". Puis, s’en prenant à l’aubergiste elle-même, elle lui fit honte sans ménagement. Enfin, ayant tout dit, elle s’en fut, et, deux heures plus tard, dans tout Hasparren, ce ne fut plus que chuchotements et éclats de rire.



Louis Itchorrotz fut des premiers informés de cette algarade. Entre son père et sa mère adoptifs, son cœur eut vite fait son choix. Et c’est pour cela qu’au soir de l’incident, événement d’importance dans un village aussi tranquille, il allait de ferme en ferme, chapitrant ses amis et connaissances, et leur répétant, d’un ton pénétré :



— Il faut venger ma tante ! 



Oui, mais comment ? On pensa tout de suite au classique "charivari", dont la tradition remonte au moyen âge. Mais avec des gens aussi chatouilleux sur le point d’honneur que les Basques, qui sont bien les plus sensibles, avec les Corses, il faut prendre garde à peser la plaisanterie. C’est ainsi que les deux derniers charivaris dont Hasparren avait conservé la mémoire, en 1919 et en 1922, s’étaient terminés par mort d’homme. Ces déplorables exemples avaient fait tomber le vieil usage en désuétude.



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CHARIVARI HASPARREN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN




Pour Louis Itchorrotz, aucun charivari n’était trop dur pour stigmatiser ce coureur de Jean et venger sa mère délaissée. Comme il avait un indéniable ascendant sur ses compagnons habituels, il ne lui fut pas difficile de déterminer six de ses jeunes voisins à le suivre. Rendez-vous est pris pour le surlendemain, la tapageuse et injurieuse manifestation étant fixée à la nuit du samedi au dimanche.



Le secret devait être bien gardé, car les conjurés sont peu nombreux. Cependant, Jean est au courant le soir même. Il est furieux. Il s’écrie : 



— Je tuerai ceux qui y seront ! 



Grave parole. Mais le fermier va avoir des soucis plus pressants. L’éclat que vient de faire sa femme à l’auberge est venu couronner une longue mésentente et creuser dans ce ménage désuni une irréparable fêlure. Dès le lendemain matin, et par conséquent le vendredi 5 mai, Jean Itchorrotz quitte Hasparren, va chez son cousin M. Barnetche, à Tarnos, dans les Landes. L’après-midi, il délègue ce parent à Hasparren, pour chercher divers effets personnels et pour annoncer qu'ils reviendront tous les deux, le lendemain, samedi, pour procéder, de gré à gré, au partage de la communauté.



Et c’est ce qui a lieu. Le samedi, Jean Itchorrotz et son cousin sont là. Toute la journée se passe en négociations compliquées, en transactions où les voix, volontairement neutres, trahissent de part et d’autre une colère contenue. Le fermier semble avoir oublié le charivari annoncé pour le soir. Vers 20 heures, il repart avez son cousin, sur le siège arrière de la motocyclette. Mais l’engin leur cause des ennuis mécaniques, et, arrivé à Bayonne, refuse tout service. Les deux hommes dînent, puis reprennent un taxi, qui les déposera, au cœur de la nuit, à Tarnos, ce qui constituera pour tous deux un inattaquable alibi."



 





A suivre...



(Source : Wikipédia)



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