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dimanche 12 novembre 2017

LES CHARIVARIS AU PAYS BASQUE AUTREFOIS

LES CHARIVARIS NOCTURNES AU PAYS BASQUE AUTREFOIS.


Les charivaris ont existé en Europe et dans de très nombreuses régions de France, dont le Pays Basque.


pays basque autrefois
CHARIVARI EN BIGORRE


Les parades charivariques sont une représentation théâtrale par la collectivité d'une conduite 

jugée digne de réprobation.


Etendues dans toute l'Europe sous les termes "charivari", "cencerrada", "rough music", elles 

prennent en Pays Basque le nom de karrusa, galarrotsak, toberak ou cavalcades, et perdurent 

sous leur forme ancienne jusqu'en 1937.


Ces manifestations étaient un prétexte pour faire la fête. 


Elles mettaient en scène, d'une manière satyrique, une sorte de jugement avec juges et accusés.

Au-delà de cette représentation, la danse tenait une place prépondérante, avec de nombreux 

danseurs élégamment costumés (bolantak, kaxkarotak, basandereak, andere xuriak).



Parmi les acteurs, on trouvait entre autres des improvisateurs (bertsolari), des musiciens, des 

clowns pour amuser le public.



Tous formaient un défilé inaugurant et clôturant la parade charivarique.



pays basque 1900
CHARIVARI ST PEE SUR NIVELLE - SENPERE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce qu'en rapporta, dans un de ces articles, la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays 

Basque, le 22 octobre 1924 :


"Les charivaris nocturnes dans le Pays Basque Français.


Nous extrayons de la remarquable "Revue Internationale des Etudes Basques" les passages 

suivants d’une fort intéressante étude de M. G. Hérelle, sur les Charivaris nocturnes dans le 

Pays Basque français. Cette étude, par son intérêt et l’agrément qu'offre sa lecture mériterait 

d'être citée toute entière. La place nous est malheureusement limitée et nous nous en excusons 

auprès de l’auteur et de nos lecteurs. 




M. G. Hérelle établit d'abord "qu'autrefois le charivari se faisait contre les veufs qui se 

remariaient; que ces manifestations injurieuses étaient ordinairement organisées par la 

jeunesse du lieu; que les sujets avaient la faculté de se racheter en payant rançon; que l'on 

considérait cet usage comme légitime et que l’opinion publique l’approuvait".

Puis, l'auteur cherche à préciser ce que furent, au Moyen-Âge, les charivaris en France, car il y 

en avait partout, et après en avoir fixé les éléments principaux, il nous dit : 


"En Pays Basque, les mœurs anciennes ont été plus fortes que les idées nouvelles, et, tandis que les charivaris ont disparu, ou peu s'en faut, du reste de la France, ils continuent à être pratiqués en dépit du Code et de la police, dans les trois provinces de Soule, de Basse-Navarre et de Labourd. 



pays basque 1900
CHARIVARI
PAYS BASQUE D'ANTAN

Quelles sont les causes de cette singulière persistance ? 

D’abord, il n’est pas impossible qu'en Pays Basque, la tolérance des autorités se soit prolongée plus longtemps qu’ailleurs. Fr. Michel écrivait en 1857 : 

"Depuis quinze eu vingt ans, la police empêche ces jeux traditionnels, devenus trop licencieux". 



Ce serait donc seulement aux environs de 1840 que les autorités auraient commencé à mettre le holà, et cette assertion concorde assez bien avec les témoignages des vieillards qui disent que, dans leur jeune âge, les charivaris étaient bien plus fréquents que de nos jours. 


Une autre raison, peut-être meilleure, est que les Basques, continuent à goûter cet usage et à l’approuver. Encore primitifs d'esprit et de sentiment, moins soumis que leurs voisins de France aux nécessités oppressives de la civilisation moderne, ils continuent à se croire le droit naturel de censurer publiquement les gens qui donnent le mauvais exemple; et ils considèrent même comme un devoir social d’infliger ce châtiment à ceux qui n observent pas les règles traditionnelles d’une honnête vie de famille. Dans la farce de Malkus et Malkulina. au moment où un veuf s’apprête au remariage, les délégués des jeunes gens lui signifient qu’on lui prépare un charivari "parce que c’est la coutume" et ils ajoutent que, s’il s’obstine dans son malencontreux projet, "la jeunesse fera son devoir". Dans la farce de Saturne et Vénus, un maire prié d’interdire un charivari, répond au solliciteur "qu’il ne connaît aucun règlement qui lui permette de sévir" contre les organisateurs. Dans la farce de RecoquilIard et Arieder, un autre maire, furieux d avoir parmi ses administrés un ménage qui fait scandale, n’hésite pas à déclarer "qu'il expulsera lui-même ces méchantes gens et qu'il brûlera leurs traces avec de la paille."




PAYS BASQUE D ANTAN
CHARIVARI EN BEARN

Ce qui montre bien qu’en Pays Basque l'opinion publique reste favorable aux charivaris, c’est que, quand les autorités prennent des mesures répressives, ces mesures soulèvent le mécontentement et l'animosité de la population. En voici un curieux exemple, rencontré dans un dossier des archives municipales de Bayonne :


"le 12 juillet 1828, vers neuf heures du soir, un attroupement se forma à Espelette, dans une rue voisine de la petite place, afin de donner le charivari au sieur Santol, en chantant, en poussant des cris, en jouant de corne et autres instruments dont on se sert en pareil cas. Aussitôt Jean-Louis Leblanc, adjoint de la commune remplissant les fonctions de commissaire de police, accourut et fit à la foule trois sommations d’avoir à se retirer. Néanmoins, personne ne se retira. Alors Leblanc s’en alla chercher les gendarmes, et il leur ordonna "de laisser traîner leurs sabres pour simuler une charge";  ce qu'entendant, tout le monde prit la fuite. Mais, quelques instants plus tard, quand l’adjoint repassa sur la petite place, "il entendit des sifflets et des propos menaçants dirigés contre lui et contre la force publique". Alors il fit arrêter un nommé Sabin, dit Palassis, qu'il fut d’ailleurs obligé de remettre en liberté le lendemain, car il ne réussit à trouver contre le dit Palassis ni un témoignage ni même un simple renseignement, et qui pis est, quelques jours plus tard, Palassis annonça l’intention de porter plainte contre l’adjoint pour arrestation arbitraire. Cependant, comme l’affaire du charivari avait été portée par l'adjoint devant le tribunal de Bayonne, il fallut lancer des mandats d’amener contre plusieurs jeunes filles d’Espelette, pour les contraindre à comparaître devant le Juge d'instruction; puis, lorsque celui-ci eut prononcé en leur faveur un non-lieu, le retour de ces filles fut accueilli dans le village "par des cris et des chants de fête". D'autre part "la canaille" continuait de chanter et de siffler aux dépens du pauvre adjoint, tenait contre lui des réunions suspectes chez un certain Larronde, lui barricadait sa porte et mettait le feu à la clôture d’une de ses vignes. Sur quoi, Leblanc s’efforça d’envenimer les choses en y mêlant la politique, et il écrivit au procureur du roi qu'il y avait à craindre les menées des "partis factieux". Mais le procureur du roi lui répondit avec un flegme un peu railleur "que cette affaire n'intéressait l’ordre public que très médiocrement". Ce n’était point, il est vrai, une affaire d'Etat, mais c’était un fait-divers qui a pour nous une signification morale. Il montre que tout le monde donnait raison aux charivaris contre l’adjoint. 



Avec la pratique des charivaris, le Pays Basque a conservé l’usage connexe de la rançon. Quand il se produit un scandale qui est du ressort de la justice charivarique, la "jeunesse" de la localité met les "sujets" en demeure d’opter entre deux partis : ou subir l'infernal concert et les couplets outrageants payer le prix du silence. Partout ailleurs qu’en Pays Basque, cela serait considéré comme un chantage, mais, en Pays Basque ce sont d'honorables jeunes gens qui proposent ce marché, et personne ne songe à les accuser d’indélicatesse. 



Voici comment on procédait autrefois jour régler la question de la rançon. Le soir du premier concert charivarique, les jeunes gens commençaient par chanter quelques couplets qui invitaient les "sujets" à entrer en composition. Si ceux-ci acceptaient, le charivari prenait à l’instant même fin. S’ils n'acceptaient pas, les manifestations charivariques suivaient leur cours. C’est ainsi que les choses se passent dans la farce de Saturne. Les cobiakariak demandent au veuf une demi barrique de vin et deux conques (huit boisseaux) de blé ; mais le veuf ne leur répond que par des injures. Alors les jeunes gens leur font un effroyable sabbat, qu’ils reviennent plusieurs jours de suite exécuter devant sa maison. 


    

Tandis qu'autrefois comme en vient de le voir, le rachat se payait en nature, l’habitude a prévalu aujourd’hui de le faire payer en argent. Mais pourtant il arrive encore qu'aussi on réclame une certaine quantité de vin. En outre le marchandage est devenu plus discret. Lorsque les jeunes gens projettent de donner un charivari ils s’arrangent pour que les sujets en soient avertis par d’adroites confidences, et les pourparlers s’engagent dans la coulisse, avant toute manifestation publique. 



Il y a environ vingt-cinq ans, lors d’un mémorable charivari qui mit tout Mauléon en émoi, les jeunes gens avaient demandé 100 francs, mais les intéressés, quoique riches, refusèrent obstinément de payer plus de 70 francs. Les pourparlers furent donc rompus et durant trois semaines, en dépit du sous-préfet, du maire et des gendarmes, le vacarme injurieux éclata presque chaque nuit, devant la maison du veuf remarié. 



En 1921, à Bussunaritz, ce fut aussi une somme de 100 francs que les jeunes gens demandèrent et qui leur fut refusée par les "sujets". 



Dans l’automne de la même année 1921, à Lacarry, les jeunes gens menacèrent d’un charivari un "américain" qui consentit à payer la somme de 300 francs (prix d’après-guerre), et même à y ajouter le vin bu en abondance dans le bal organisé avec les 300 francs. Cette générosité eut des conséquences singulières et fâcheuses. Les vieux alléchés par le succès des jeunes prétendirent avoir aussi leur fête charivarique et requirent l'"américain" de verser une nouvelle somme avec laquelle ils s’amuseraient à leur tour. Mais l’opinion publique les blâma, parce qu’il n’est pas conforme à la tradition qu’une rançon soit payée aux vieux."




(Source :http://www.eke.eus/fr/culture-basque/theatre-basque/charivaris-ou-toberak)



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