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dimanche 15 novembre 2020

LE MAKHILA (OU MAKILA) AU PAYS BASQUE EN 1923 (deuxième et dernière partie)


LE MAKHILA AU PAYS BASQUE.


Le Makila est l'outil (l'instrument) inséparable du Basque, lorsqu'il se rend aux foires et aux marchés en ce début de 20ème Siècle.


BASQUE AVEC MAKILA



Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 4/05/1923, 

sous la plume du Chanoine J.-B. Daranatz  :



"Le Makhila Par M. le Chanoine Daranatz.


Un makhila figura à l’exposition de 1889 et y obtint un prix d'honneur. Sa douille, dont le modèle est sous mes yeux, représentait un sanglier, une bécasse, un renard et un lièvre, avec leurs noms basques : basa urdia, pekada, hacheria, erbia. Puis ces mots : Larresoron egina. J. Ainciart. Egun argitan harzatzu urrea, andrea eta oihala ahalaz. Idiac behar luke marruma egin eta orgac egitcn du. 



A l’extrémité inférieure de la douille, et bouchant complètement son orifice, se place le sou, donnant aux veux du Basque, sa valeur au makhila. (Dirai-je en passant, qu’en 1879 sur 1 800 pièces d'argent celtibériennes, ayant de 2 200 à 2 400 ans d âge, et découvertes à Barcus par la dame d’Ezpelia, 500 pièces furent achetées par un perruquier de Navarrenx pour ferrer des makhilas !) 



Dans un trou placé au milieu du sou et du centre de plombage, s’emboîte une sorte de pique ou trèfle, qui termine l’extrémité de la tige. 



Distincte de cette tige, la partie supérieure ou poignée du makhila est couronnée par un pommeau, d'ordinaire en corne blonde ou foncée, parfois en argent, ivoire, or d’Eibar, etc. Ce pommeau ou oignon prend corps avec une poignée de vingt centimètres de long, recouverte d’une tresse originale en cuir, faite à la main ou à l'aide d'une aiguille. La couleur de cette tresse est noire ou jaune foncé ; l’extrémité inférieure de la tresse, ourlée d’un croisement de cuir ou olive ; une petite virole dentelée, couronne la tresse, tout au-dessous du pommeau ; cette virole, de même style que la douille du bas du makhila. Certains fabricants trop modernes et point Basques, remplacent la tresse de la poignée par une douille en cuivre. Ils commettent là une grosse faute. Le makhila traditionnel porte la tresse. 



La poignée est creuse, en forme de tube. Et justement, dans ce tube, vient se visser ou se dévisser à volonté, l'aiguillon qui surmonte la tige inférieure. 



Est-ce tout ? Le makhila est-t-il complet ? Non, pas encore. 



Afin de le porter plus facilement, on enfile dans un anneau ou bélière de cuivre, placé sur le milieu de la poignée, une dragonne ou cordon en cuir tressé, de couleur noire ou jaune foncé, se terminant par une petite olive. 



Voilà le makhila. 



Appui souple, commode, distingué, reposant. Arme redoutable aussi ; il possède, à portée de main, dans son aiguillon ou lance, un poignard acéré et pénétrant ; soit bout plombé forme une terrible massue aux coups mortels. Dans la main du paysan qui pousse son bétail au marché, il sert d’aiguillon ; quand le paysan rentre chez lui, après vente rémunératrice des animaux, c’est un porte-respect. Car, on peut l’affirmer, la ferrure du makhila inspire une salutaire crainte aux plus téméraires. 



Le makhila n’a-t-il pas eu, comme toutes choses ni ce bas monde, son évolution historique ? Bien grand mot, pour une si petite chose ! — Je veux dire, par exemple : le makhila n’était-il pas autrefois un bâton beaucoup plus grand que celui d’aujourd’hui ? Les makhilas portés par les bergers de nos montagnes sont notablement plus longs que les makhilas-cannes de la ville. 



Ne serait-il pas possible qu’il eût été jadis, en même temps qu’une arme, l'instrument du bouvier pour piquer les bœufs ? Et l’espèce de poignard qu’il porte aujourd’hui dans le manche n’aurait-il pas été jadis un simple aiguillon ? Et, aujourd'hui même, doit-il être considéré surtout comme une arme ? Autant de questions souvent débattues et solutionnées en sens divers. 



Une chose certaine, c’est que, dans la main des vieux Basques de la montagne, en voit assez souvent le pommeau de corne du makhila remplacé par une pièce de monnaie ou quelque chose en métal, ressemblant à une pièce de monnaie, toute plate. Forme ancienne ou fantaisie ? Peut-être l'un et l'autre à la fois. 



L'industrie du makhila a été et continue à être en faveur au Pays Basque. Elle a eu et elle possède encore des représentants attitrés dans les principaux centres de la Soule, de la Basse-Navarre et du Labourd : à Mauléon, à Tardets (même à Navarrenx et à Pau), à Saint-Palais, à Hélette, à Saint-Jean-Pied-de-Port, à Larressore (un véritable maître dans son art, Jean Ainciart, dit Quillot), à Espelette, à Saint-Jean-de-Luz et à Bayonne (chez Mialet et chez Lapeyre). On peut dire que ces deux dernières maisons, dont la vente annuelle est de plusieurs milliers de makhilas, ont donné à cette fabrication tous les perfectionnements désirables. 



La mode, déterminée par un intelligente et abondante réclame, devait s'en mêler. Les Anglais ont adopté le makhila, de prime abord. Pendant la guerre, les soldats canadiens en commandèrent par milliers, à telle enseigne qu'une maison d'équipements militaires de Montréal fit à une fabrique de Bayonne une grosse commande, que cette dernière ne put satisfaire ; à la demande de nos poilus, des quantités de makhilas ont pris le chemin des tranchées ; des makhilas d’honneur furent offerts à des généraux du front ; tout comme, dans nos joutes littéraires, à nos meilleurs poètes. Enfin, depuis quelques années le high-life porte volontiers le makhila, jusque sur les rues de nos cités... 



Un souvenir personnel. Le 24 avril 1912, j'accompagnais Mgr Gieure au Vatican, comme secrétaire. Présenté au Pape Pie X par l’évêque de Bayonne, j’offris au Saint-Père, avec le premier volume des Recherches sur la Ville et sur l'Eglise de Bayonne, un makhila d'honneur, à pomme d’argent, au chiffre pontifical. Pie X, avec un large sourire, s'écria : "Baculum senectutis ", mon bâton de vieillesse. Puis, je dévisse l’aiguillon. "Oh ! Oh !é reprend Sa Sainteté d'une voix plus forte, les bras étendus et en riant de bon cœur. L’aiguillon rentre dans son fourreau, et Pie X agrée aimablement le makhila en disant : "Je m’en servirai". 



On ignore généralement qu’il existe en Espagne une Vierge au makhila : c’est "La Virgen de la Fuensanta". Sous ce vocable, la sainte Vierge est représentée debout, Jésus sur son bras gauche et à sa main droite un makhila, symbole sans doute de sa toute-puissance. L'Espagne possède même plusieurs sanctuaires de la "Virgen de la Fuensanta", dont plus célèbre est celui de Cordoue. 



SANTA VIRGEN DE LA FUENSANTA MURCIE



Chaussé de sandales blanches, serré de rouge à la ceinture, un béret bleu sur la tête, l’air dégagé. taille droite et souple, démarche aisée et légère, regard vif et assuré, le Basque marche fièrement, son makhila à la main."


 



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