HENDAYE EN 1923.
En 1923, Hendaye compte environ 5 000 habitants et voit le développement de son quartier de la plage, à l'instigation d'Henry Martinet.
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 2 mars
1923, sous la plume de François Duhourcau :
"Hendaye et sa lagune.
Il n’est pas de lieu au monde qui satisfasse mieux les sens et les désirs de l'âme, les baigne dans une harmonie plus vive que le rare paysage d’eau, de montagne et de ciel qui enveloppe Hendaye. Elle, une rustique et coquette fille des Basques flânant au bord de sa rivière. Sur la berge opposée, Fontarabie, vieille Espagnole des âges héroïques et dont le nom contient tout un charme mauresque, serre les toits mordorés de ses maisons autour de son clocher hispano-arabe et du cube lourd, long voilé de vigne vierge, du château de Charles-Quint. Au-dessus d’elle, dressée sur l’occident du ciel et imposant son ombre à la Bidassoa, s’allonge la masse chauve du mont Jaizquibel dont l’allure hautaine, la crête jalonnée de tours en sentinelle et les couleurs monacales révèlent, en face de la gentillesse de France, la singularité prenante de l’Espagne. A l'horizon du sud, pour laisser passer les effluves de Castille, la montagne s’abaisse au-delà d'Irun et n’est plus qu’un moutonnement de collines le plus souvent bleuâtres. A l'horizon du nord, c'est le large et son enchantement : la rivière formant d’abord une lagune en demi-cercle close par une langue de sable sur laquelle, comme une baigneuse au soleil, la nouvelle Hendaye est allongée, puis les lames se pressant dans l’estuaire, enfin l'infini de la mer et du ciel où glissent des nuages, beaux entraîneurs de rêves.
HENDAYE VUE DE FONTARRABIE 1923 PAYS BASQUE D'ANTAN |
La qualité de ce paysage est d’unir des éléments qui apaisent le cœur à d’autres qui le stimulent. Son charme auquel on ne peut résister est fait de plénitude dans la sérénité et le frémissement.
Nul lieu qui soit plus calmant et presque anesthésiant. Le Jaizquibel qui allonge en mer, comme un môle, le promontoire du Figuier couvre Hendaye et sa lagune des rafales du Noroit. A cette paix, un climat tiède et marin ajoute sa douceur que symbolise bien le vaporeux dont toute chose est ouatée. C'est l’étale de basse mer qu'il faut contempler pour percevoir de quelle force léthargique, bienfaisante aux cœurs blessés, peut-être ce coin du monde. La mer qui, avec le flot, avait envahi la lagune, semblable à une sirène désireuse de pénétrer dans les terres, s'est, avec le jusant, retirée, laissant traîner derrière elle, toute dénouée, sa chevelure d’eau. La rumeur des brisants est devenue lointaine comme un souvenir et telle qu’on l’entend au creux des conques rejetées par la vague. La vie semble avoir, avec l’océan, abandonné la rivière et ses abords d’où ont émergé les fonds de vases et de sables. Des flaques y luisent, inertes, pareilles à des myriades de poissons morts. On ne voit plus que de rares pêcheurs : les uns, attardés, poussent du fond leur barque ; d’autres, jambes nues, fouillent les trous d’eau. Tous prennent une importance extrême dans cette plane solitude dont ils accusent le délaissement. L’air même est dépeuplé, car les mouettes, cessant leurs tournoiements, se sont posées sur les grèves. A la lumière triomphante et mobile ont succédé sur cette étendue morte les nuances pâles et cendrées des porcelaines danoises. La lagune gît comme un miroir brisé qui ne reflète plus que morcelées les beautés du paysage. Guetteur somnolent, drapé dans la bure de sa capote de guérite, Fontarabie rêve du passé en surveillant ce désert. Les esprits paisibles des vieilles maisons basques disséminées au flanc du Jaizquibel apparaissent aux fenêtres et regardent. L’âme médiévale de l’Espagne catholique, on la sent alors se hausser sur le site, ajouter une frontière morale à l’autre, défendre le passage à l’esprit moderne par la barrière de ses couvents et chapelles appuyés à son archaïque cité forte et à sa montagne, haute muraille donjonnée. Les carillons de toutes tonalités, argentins ou graves, peuvent se répandre, versés des églises, au-dessus de la rivière inanimée ; ils sont bien la berceuse attendue pour achever d'assoupir l’âme. L’acceptation de la mort fait qu’on se résigne à toutes les désillusions terrestres.
VUE GENERALE DE HENDAYE 1923 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce ne sera point pour un très long temps.
La marée monte bientôt qui ramène la vie. Le bruit de la mer s’avance avec les lames. Puis, le clapotis et le scintillement de l’onde. Les pêcheurs rentrent livrant leur carène au flot et leur voile au vent du large. Les barques des passeurs vont et viennent, à la rame, sur l’eau envahissante. Toute la lagune offre à la clarté du ciel un immense miroir. La joie revient au cœur des bateliers dont la peine est moins grande : ils chantent, accompagnés du cri des mouettes qui, chassées des bancs de sable recouverts, mouvementent l’air à nouveau de leurs rondes. Cette reviviscence universelle influe sur l’âme la plus atone et la dispose à espérer de la vie tous les renouveaux. Sur le pont international de la Bidassoa, que retentisse la sirène des trains invitant à parcourir le monde pour y cueillir les beautés, les voluptés épandues sur sa face, l’imagination consent à ce vagabondage et s'enfuit vers Grenade, Séville ou Paris. En vain Fontarabie de sa cloche sérieuse et fêlée d'avoir, depuis des siècles, sonné pour évoquer le transitoire de la vie, tente de couvrir l’appel des joies de la terre : on ne l’écoute plus, cette arriérée. Le charme endormeur d’Hendaye, le souffle de la mer tumultueuse l’a dissipé. La sensibilité veut frémir, brûler. De la lagune rajeunie monte une voix chaude et dorée, pareille au chant qu’exhalerait un violon contralto.
VUE GENERALE DE HENDAYE 1923 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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