LA SAINTE CÉCILE.
Cécile de Rome est la patronne des musiciens et des musiciennes. De nombreuses sociétés musicales, comme les harmonies ou d'autres formations , fêtent chaque année le dimanche le plus proche du 22 novembre, en animant musicalement une messe dans une église catholique de leur commune.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Petit Troyen, le 15 novembre 1886 :
"La Sainte Cécile.
Aujourd'hui commencent les fêtes en l’honneur de sainte Cécile, patronne des musiciens.
Le calendrier porte la date du 22 novembre comme étant celle de l’anniversaire du martyre de cette sainte ; beaucoup de "théologiens" contestent l’exactitude de cette date. Il est plus probable, suivant eux, que la Vierge musicienne fut mise à mort en avril ou en mai. Je crois que nos musiciens qui fêtent aujourd’hui leur patronne, n’ont cure de ces contradictions théologiques.
D’ailleurs, tout est mystère dans l’histoire de la bienheureuse sainte Cécile. Ses biographes ne connaissent pas au juste à quelle époque elle a vécu ; ils ne savent si son existence de sainte s’est écoulée sous Marc-Aurèle ou sous l’empereur Commode. Sa naissance également est entourée de nuages ; on la fait descendre d’une famille patricienne, sous le pontificat d’Urbain Ier, au IIIe siècle.
Sa vie est très mystérieuse ; rien indique qu’elle jouait de la musique. Ce ne fut que plus tard au XVIe siècle que les peintres mirent un instrument dans les mains de la sainte ; tantôt une lyre, tantôt une viole, tantôt un orgue portatif comme dans le tableau de Raphaël. Sainte Cécile paraît être une de ces figures vagues de la légende, tirée des traditions antiques, une des Muses détachée du sacré quadrille conduit par Apollon et tombée au rang de sainte chrétienne.
22 NOVEMBRE SAINTE CECILE |
Sa légende, d’ailleurs, ressemble à ces jolis et naïfs fabliaux du moyen-âge quelque peu érotiques, tous copiés les uns sur les autres, et sur lesquels les hagiographes ont calqué le recueil de la vie des Saints.
La musicienne Cécile est de famille patricienne, riche et païenne. La jeune fille "fleur pure et suave" compte un grand nombre de prétendants du sang le plus illustre, "mais — c’est un biographe qui parle — elle refusait les propositions de mariage parce qu’elle est embrasée de l’amour de Jésus-Christ qu’elle avait choisi pour son unique époux."
Comme on le voit, cela commence comme un véritable fabliau ; c’est l'histoire d’une grande dame qui refuse l’époux riche, pour rester fidèle à l’amant de son choix. Dans toutes les légendes religieuses, Jésus joue le rôle d’amant de cœur. C’est lui qui est le préféré ; il est si mignon, si humble et si doux. C’est encore cet amant blond et tondre qui est mystiquement aimé dans les couvents d’aujourd’hui. Au moyen-âge, il était le chéri de chaque vierge. Il la visitait la nuit ; et les deux amants célébraient des noces mystiques, si saintement voluptueuses.
Cependant la famille de Cécile lui impose un mari. Il se nomme Valérien. "Valérien avait partagé avec elle les jeux innocents du premier âge", dit un biographe, "mais pendant que les parents préparaient le mariage, l’Epouse du Céleste Epoux continuait les divins colloques qu’elle n’avait cessé d’avoir avec Lui ni le jour ni la nuit ; des soupirs brûlants s’échappaient de son cœur, lorsque livrée aux célestes ardeurs de l’oraison, elle se dilatait tout entière dans le sein de Dieu."
PRESENTATION DE VALERIE A SON FUTUR EPUX VALERIEN |
Il faut dire, toujours d’après le biographe sacré, que Cécile, de bonne heure, avait "discerné le faux-brillant des pompes de la terre, et la vanité d’ici-bas ; elle avait compris tout ce qu’il y avait d'ineffable dans la virginité, elle avait écouté avec amour la voix du Rédempteur, et malgré toutes les jouissances terrestres que lui promettaient sa noblesse, sa fortune et sa beauté, elle avait renoncé au monde et s’était donnée tout entière au divin Epoux en faisant vœu de lui garder à jamais la virginité de son corps et de son âme."
Donc "Cécile, comme les humbles fleurs, avait grandi en silence, répandant autour d’elle, dit la légende, la bonne odeur de Jésus-Christ."
Cécile, comme on le, pense, accueille la nouvelle de son mariage avec effroi. Pour la chaste jeune fille, aux termes où elle était avec Jésus-Christ, c’était, si elle se mariait, commettre un acte de bigamie. Cependant elle se résigna et consentit à prendre Valérien pour époux.
Passons aux noces. Nous assistons, avec notre biographie, à une scène légèrement salée, comme les aimaient nos ancêtres...
La jeune vierge est menée dans la chambre nuptiale par les matrones. Quelques minutes après, Valérien entre, Cécile est "humblement prosternée." L’époux terrestre s’approche d’elle, et lui réclame "les droits du mariage."
Cécile lève lentement les yeux, et "calme, respirant la mansuétude" elle dit à Valérien :
— Cher et bon Valérien, je sais apprécier toutes les qualités éminentes dont le ciel vous a doué ; si je pouvais être à quelqu’un en ce monde, ce serait à vous, mais un autre que vous est mon époux.
On comprend la surprise de Valérien. Laissons parler la légende : "Oui, continue la vierge, avec une indicible majesté, oui, un autre que vous est mon époux ! mais, Valérien, cet époux que je me suis donnée, est au ciel, c’est le Dieu des chrétiens, et il est si jaloux ! c’est le dieu de la virginité et des chastes amours..."
"Elevé dans le culte des idoles, Valérien ne saisit pas pourquoi Cécile refuse à son époux cette fleur de virginité..."
On devine le reste. "Enivré par ce doux partum d'innocence qu’exhale la personne de Cécile", l’époux terrestre cède la place au céleste époux.
"Pure comme un ange la veille de ses noces, Cécile était encore le lendemain aussi pure qu’un ange."
VALERIEN APERCOIT UN ANGE A CÔTE DE CECILE |
Telle est l’anecdote sacrée qui ressemble à ces gauloiseries égrillardes dans lesquelles nos grands parents mettaient tant de malignité, et qui a servi de base à la légende de sainte Cécile. Au lieu de Jésus, mettez l’amant Valérien ; reste le mari ridicule des vieux contes.
Dénouement : Valérien est converti par un ange et subit le martyre, ainsi que son frère Tiburce, sur l’ordre d’Almache, "grand prévôt de Rome".
Sainte Cécile ne tarda pas à suivre dans la tombe son terrestre époux, et dans le ciel l’Epoux divin.
"Il y eut une grande fête dans les cieux, lorsque l’illustre Cécile y fit son entrée triomphante sur l’aile des chérubins", ajoute son lyrique biographe.
Almache fit enfermer la sainte dans le sudatorum des bains romains et la fit périr d’étouffement.
CECILE ENFERMEE POUR ÊTRE ETOUFFEE |
VEILLEE MORTUAIR DE CECILE |
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