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vendredi 4 novembre 2022

À TRAVERS LA RÉPUBLIQUE BASQUE EN JANVIER 1937 (première partie)

 

À TRAVERS LA RÉPUBLIQUE BASQUE EN 1937.


Pendant la guerre civile espagnole, appelée aussi guerre d'Espagne, du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939, de nombreux correspondants de presse ont publié leurs reportages.



pais vasco antes guerra civil historia 1937
HEBDOMADAIRE REGARDS
28 JANVIER 1937 



Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire Regards, le 21 janvier 1937 :



"A travers la République Basque.

Par notre envoyé spécial J. - E. Pouterman. Photos Chim.


Où tout un peuple - catholiques, communistes et socialistes - lutte contre Franco.



Nous forçons le blocus.



Nous sommes à bord du "Aya Mendi" depuis bientôt quatre jours. Partis de Bordeaux dimanche à 3 heures de l'après-midi, nous espérions être à Bilbao le lendemain matin.



Mais notre capitaine transporte, en plus d'une vingtaine de passagers, une cargaison dont la valeur est de plusieurs millions, et il est très prudent. Au lieu d'emprunter la route battue, il est parti au grand large. Il faut louvoyer pour éviter les pirates de Franco et les croiseurs de Hitler.



La nuit est claire, la lune brille, aucun nuage n'assombrit le ciel. Ah ! que le capitaine préférerait à cette belle nuit un brouillard épais et même une tempête violente !... Nous avançons tous feux éteints. Mais, à quoi bon ? Il fait clair comme le jour. L'on peut nous voir de très loin. N'importe ! C'est notre quatrième nuit en mer, il est temps que nous entrions à Bilbao.



Minuit. Deux ou trois passagers rôdent sur le pont. Les canots de sauvetage sont prêts depuis la veille. Un officier les inspecte une fois de plus. C'est le boute-en-train du quart des officiers, mais, en ce moment, il a plutôt l'air préoccupé. Le capitaine est en haut sur sa passerelle. Depuis 5 heures de l'après-midi, il ne quitte pas son poste. Armé d'une jumelle, il scrute le ciel.



Tout à coup, un feu apparaît à l'horizon. Le capitaine se penche vers le second et lui passe sa jumelle. Un ordre bref retentit. Nous augmentons de vitesse. Le feu à l'horizon disparaît. Quelques minutes passent. Un autre feu jaillit au même endroit, puis un second, un troisième. Pêcheurs ? Bateaux ennemis ? "Kœnigsberg" ? On n'en sait rien. Nous avançons toujours sans ralentir.


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CROISEUR LEGER KÖNIGSBERG



Je descends dans le bureau du capitaine transformé en cabine. Trois matelas entassés l'un sur l'autre me servent de couchette. Je vais dormir, le matin est encore loin.



Un rayon de lumière venant de dessous la porte me réveille. On a donc rallumé l'électricité ! il est 5 heures du matin. Je me précipite sur le pont. Tous les passagers sont déjà debout. Nous sommes en vue du port de Bilbao. Enfin ! L' "Aya Mendi", battant pavillon républicain, a forcé le "blocus".



Quelques heures plus tard, nous débarquons. Partis de Bordeaux dimanche, nous avons atteint la capitale basque jeudi matin. Cette traversée ne doit durer normalement qu'une quinzaine d'heures...



Les pirates à l'oeuvre.



La République Basque se trouvait aux prises depuis plus d'une semaine avec les forces navales du Reich hitlérien. On connaît les mésaventures du "Palos", du "Soton", du "Blackhill". J'ai voulu me rendre compte sur place des circonstances dans lesquelles s'étaient produits ces incidents.




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CARGO BASQUE SOTON 1937



On me fit voir tout d'abord, dans un entrepôt du port de Bilbao, les caisses saisies par les autorités républicaines à bord du vapeur allemand "Palos" qui se dirigeait vers Séville. Une trentaine de colis en tout, dont seize contenant du celluloïde en tablette et huit des postes de T.S.F. tout équipés pour le service de campagne. Je pus admirer ces appareils perfectionnés dont la destination militaire ne faisait aucun doute. Rien n'y manquait pour faciliter les communications entre différentes unités d'une troupe en campagne. L'ingéniosité technique des constructeurs allemands n'oublia même pas de décorer la surface des appareils aux couleurs de la monarchie espagnole.



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COLIS SAISIS A BORD DU PALOS JANVIER 1937



Mais ce n'était pas tout. D'autres caisses contenaient l'équipement complet d'un moteur naval qui devait servir à mettre en marche le navire rebelle "Ciudad de Alicante". Les inscriptions sur les caisses en servaient de preuve. Ce fut cette "marchandise" que les communiqués allemands déclaraient n'avoir aucun rapport avec la contrebande de guerre. Et ce fut à cause d'elle que le "Koenigsberg" se livra à des actes de piraterie contre les navires marchands de la République espagnole.




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CAISSES SAISIES A BORD DU CIUDAD DE ALICANTE
JANVIER 1937


Je me rendis à Santander où je pus monter à bord du "Soton", qui fut la première victime de cette fureur hitlérienne. Le second officier qui, sur la sommation du commandement du "Koenigsberg" dût se rendre à bord du croiseur allemand, me fit le récit de cette aventure. Il n'eut presque rien à ajouter aux communiqués parus dans la presse. Mais en l'écoutant, j'entrevoyais la rencontre du colosse naval avec le modeste cargo. Le sang-froid du capitaine de ce dernier et la fermeté des autorités républicaines ont sauvé le petit bateau. Au lieu de se soumettre à la force brutale, l'équipage du "Soton" abandonna le bord et, sous la menace des canons du "Kœnigsberg", gagna la terre. Le pirate allemand n'eut qu'à se retirer. Quelques jours plus tard, il put exercer sa vengeance sur d'autres bateaux paisibles de la République, moins fortunés que le "Soton".



Mais les cargos espagnols ne sont pas les seules victimes des corsaires de Franco et de Hitler. Je vis à Santander, le même jour, le capitaine du navire britannique "Blackhill", qui chargeait des minerais de fer. Le vieux marin ne me cacha pas son indignation devant les procèdes des chalutiers armés par Franco pour entraver le commerce maritime international. Homme prudent, il ne voulut, cependant, faire aucune déclaration qui eût pu gêner son Gouvernement. Voici en quels termes il crut devoir me parler :


— Oui, c'est vrai, des bateaux armés ont tiré sur mon navire. Je crois qu'il s'agissait de chalutiers de pêche transformés en bateaux de guerre.



"Leur nationalité ? Je n'en sais rien. C'était la nuit, ils étaient à une distance d'au moins trois ou quatre miles. On ne pouvait pas distinguer leurs pavillons. Sans aucun avertissement, ils ont ouvert le feu sur le "Blackhill ". En tout, trente coups de canon. Les salauds ! Heureusement qu'ils tirent mal. J'ai filé à toute vitesse et c'est ça qui m'a sauvé. Au large de Bilbao, j'ai rencontré de nouveau un chalutier armé. Mais celui-ci, c'était un républicain. J'ai vu son pavillon. Avec beaucoup de politesse, il m'a demandé ma nationalité et où je me dirigeais. Ayant reçu ma réponse, il m'a remercié et m'a donné des indications pour mieux continuer mon voyage. Oui, celui-là, c'était un républicain. C'est tout ce que je peux vous dire. Quant à ma prétendue rencontre avec le "Kœnigsberg", les journaux ont menti. Aucun croiseur allemand ne m'a arrêté. Je ne veux pas qu'on répande des histoires fausses sur mon compte. Je finis le chargement aujourd'hui et je dois faire mon voyage de retour. Si je rencontre en route le "Kœnigsberg", j'aime mieux que son commandant ne me croit pas l'auteur de ces bruits. Non, non. Je ne veux pas avoir des histoires."



Ce fut tout ce que je pus obtenir du vieux capitaine du "Blackhill". Il tenait absolument à éviter toute complication lors de son voyage de retour. Il faut croire que le pavillon britannique n'est plus suffisant pour protéger les bateaux marchands du Royaume-Uni en haute mer. Les bonnes grâces d'un "Kœnigsberg" en croisière ne sont pas à négliger.



On comprendra dans ces conditions pourquoi le capitaine du "Aya Mendi" avait mis quatre jours et quatre nuits au lieu de quinze heures, pour faire la traversée de Bordeaux, à Bilbao. Faut-il en conclure que Bilbao, Santander ou Gijon sont réellement bloqués par M. Franco et ses alliés allemands ? Aucunement. Chaque jour, des bateaux entrent et sortent de ces-ports. Les forces navales de la République sont vigilantes. Les braves petits "bous" — chalutiers de pêche armés de canons et de mitrailleuses — battant pavillons aux couleurs basques et espagnoles, coopèrent courageusement à la garde des eaux territoriales. Ce fut un de ces "bous" qui avait capturé le contrebandier "Palos". Son capitaine, que je rencontrai un jour à bord de son navire, ancré à Portugalete, me dit qu'il s'apprêtait à reprendre la mer pour aller à la recherche d'autres contrebandiers rebelles et allemands. Les robustes gars de son équipage qui nous entouraient étaient de taille à le seconder dans cette entreprise. 



Non, les côtes espagnoles ne sont pas bloquées, quoique disent les grandiloquentes déclarations de l'état-major de la flotte rebelle."



A suivre...





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