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mercredi 2 novembre 2022

L'AFFAIRE DES AVORTEMENTS DE BIARRITZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1911 (cinquième et dernière partie)

 

L'AFFAIRE DES AVORTEMENTS DE BIARRITZ EN 1911.


Avant le 17 janvier 1975 et depuis 1810, l'avortement en France était criminalisé et défini selon les époques de délit ou de crime. Sous le régime de Vichy, en 1942, l'avortement était considéré comme un crime contre l'Etat français et passible de la peine de mort.




pays basque autrefois gare labourd
GARE DU MIDI BIARRITZ 1911
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Petit Parisien,


  •  le 30 mai 1911 :



"Les avortements de Biarritz. 



Le Juge d'Instruction appelé à la barre.



Pau, 29 mai.



Au début de la quatrième audience, le président Correch liquide l'incident assez vif qui avait marqué la fin de la précédente. On a vu que plusieurs témoins Mmes Lamothe, Yvonne Faure et Laguens avaient, dans leurs dépositions à la barre, déclaré que le juge d'instruction de Bayonne, M. Lauger, avait exercé sur elles une certaine pression, les avait même menacées d'une arrestation si elles ne parlaient pas, et, qu'enfin, redoutant des mesures de sévérité, elles avaient signé le procès-verbal relatant des déclarations qu'elles n'avaient pas faites.



De telles allégations méritaient d'être contrôlées c'est pourquoi M. le conseiller Correch avait décidé de citer, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, M. le juge d'instruction Lauger.



Appelées successivement à la barre, Mmes Lamothe et Yvonne Faure ont maintenu leurs déclarations. Ni Lauger, confronté avec elles, leur a opposé le plus formel démenti.


Je n'ai, dans ma carrière, jamais usé de pareils moyens, a-t-il dit. Ce n'est pas dans une semblable affaire que j'aurais commencé. D'ailleurs, Mmes Lamothe et Yvonne Faure ont subi une confrontation générale avec le docteur Long-Savigny et la veuve Lassibille, en présence de leurs avocats, ainsi que doivent le mentionner mes procès-verbaux. Je les ai exhortées, étant donnée la gravité des faits, à se bien souvenir et à ne pas dire des choses qui seraient inexactes et de nature à compromettre l'honneur d'un homme jouissant jusqu'alors de la considération générale. M. l'avocat général Sens-Olive donne lecture du procès-verbal de cette confrontation, procès-verbal qui consigne les exhortations en question. Le greffier de M. Lauger donné à son tour un démenti à Mmes Lamothe et Faure.

C'est faux, s'exclame.t-il. Vous mentez. 



Mmes Lamothe et Faure maintiennent néanmoins ce que précédemment elles avaient déclaré, et M. Correch clôt l'incident en disant :


Messieurs les jurés, vous êtes en présence de deux affirmations contraires à vous de choisir entre les deux versions.



Me Ritou, avocat de Marguerite Callou, croit cependant devoir formuler une opinion assez grave.



M. Lauger aurait eu, dit-il, pour principaux auxiliaires dans son information, deux journalistes et la fille Plassaud.



De nouveau, M. le juge d'instruction de Bayonne est appelé à la barre et proteste avec indignation.



,le n'ai jamais donné, déclare-t-il. pendant les cinq mois qu'a duré mon information, le moindre renseignement à la presse. Les journalistes faisaient des enquêtes parallèles, ce que je ne pouvais empêcher. Si le fait est exact, comment la défense ne l'a-t-elle pas fait mentionner sur mes procès-verbaux ?


Me Ritou. Je reviendrai sur ce sujet dans ma plaidoirie.


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BAINS PORT-VIEUX BIARRITZ 1911
PAYS BASQUE D'ANTAN

Après ces très vifs incidents nous abordons le dernier des faits retenus par l'accusation et le plus récent, celui concernant Marguerite Callou.



Plus de vingt témoins sont appelés à déposer dans cette affaire. Celui qui débute est M. Bisson, propriétaire de café, chez lequel Marguerite Callou était descendue accompagnée par M. Holloway, sous le faux nom de veuve Bernard. Le docteur Long-Savigny vint la visiter le 22 novembre, il demeura dans sa chambre une demi-heure environ hors la présence de M. John Holloway.



Dans la nuit qui suivit, ayant perçu de longs gémissements, M. Bisson, qui se doutait de quelque chose d'anormal d'autant qu'il avait aperçu sur la malle de Mlle Callou une ordonnance significative, prit la détermination de congédier sa locataire, craignant pour la bonne renommée de sa maison. Quand Mlle Callou partit, elle paraissait beaucoup souffrir.



Un nouvel incident violent surgit. L'avocat de M. John Holloway contestant la légalité des circonstances dans lesquelles fut opérée l'arrestation de son client c'est-à-dire sans mandat préalable de dépôt ou d'arrêt, M. Lauger, juge d'instruction, est de nouveau appelé a la barre et fournit des explications tendant à établir qu'il n'a pas outrepassé ses droits et qu'il a même apporté beaucoup de bienveillance dans l'accomplissement de sa mission. Il pouvait faire appréhender Holloway plus tôt qu'il ne l'a fait. Une longue et vive discussion s'engage à ce sujet.



Mlle Marthe Norin, lingère à l'hôtel où Mlle Callou s'était réfugiée, dit avoir remarqué chez la nouvelle locataire des serviettes tachées de sang. Jamais elle ne donnait de linge à laver.


- Vous mentez clame Marguerite Callou : non seulement je vous ai donné du linge, mais c'est vous qui m'en avez demandé, me disant "Donnez-le moi, la propriétaire vous prendrait trop cher !".



La dernière partie de l'audience a été consacrée à l'audition des témoins à décharge. Demain, M. Sens-Olive, avocat général, prononcera son réquisitoire."



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EGLISE ST CHARLES BIARRITZ 1911
PAYS BASQUE D'ANTAN

  • le 31 mai 1911 :

'Les avortements de Biarritz.



M. Sens-Olive prononce un sévère réquisitoire.


(De notre envoyé spécial)

Pau, 30 mai.



A l'ouverture de cette cinquième audience, la parole est donnée. à M. Sens-Olive, avocat général.



"Cette affaire, dit-il, a soulevé, en effet, des polémiques ardentes, provoqué des attaques violentes, non seulement contre les accusés, mais aussi contre ceux qui avaient été désignés pour mener à bonne fin cette délicate information.

Ceux-ci, il ne craint pas de l'affirmer, ont, non seulement fait leur devoir, mais encore apporté dans l'accomplissement de leur mission la plus parfaite prudence.


Aucune irrégularité, s'écrie M. Sens-Olive, n'a été commise. Je mets la défense au défi de dire et prouver le contraire.


La situation même du principal accusé était, ajoute M. Sens Olive, de nature à donner à réfléchir, mais, après un examen consciencieux, en dépit des avis donnés par certains hommes de science, en consultant les pièces du dossier, j'ai acquis une conviction tellement inébranlable de la culpabilité de ceux qui sont sur ces bancs que c'est sans la moindre appréhension que je viens requérir contre eux."



Avant d'entrer dans l'examen de chacun des faits retenus par l'accusation, l'organe du ministère public croit devoir fixer les jurés sur ce qu'il pense de chacun des accusés. Il ne demande que pour la jeune Fabre la plus large part d'indulgence, mais ne se montre pas tendre envers l'Américain Holloway qui, bien que marié et père de famille, avait des maîtresses mineures et vivait presque publiquement avec Marguerite Callou. Il examine ensuite le cas du principal accusé Long-Savigny.



Il retrace son passé d'honneur et de travail. rend hommage à son intelligence et à son courage et se demande, avec angoisse, à la suite de quelles malheureuse circonstances cet homme haut placé par ses concitoyens, ce père de famille, a pu dégringoler dans le gouffre ou il est tombé ? Quel mobile a pu le pousser à commettre les avortements qui lui sont reprochés ? "Un seul, dit l'avocat général, quelque invraisemblable qu'il puisse paraître : la cupidité. On en doutera. quand on saura que le docteur Long-Savigny gagnait de quinze à seize mille francs. Cependant là est la vérité, et on en voit la preuve dans tous les avortements reprochés. Dans chacun d'eux, la question argent est en jeu. Si certaines personnes qui eurent recours à la science du docteur Long-Savigny ne purent verser que cent cinquante ou deux cents francs, il en est d'autres qui, comme Marguerite Callou, durent payer bien davantage".



L'organe du ministère public voit dans les aveux spontanés faits par quelques-unes des accusées, la femme Rouanet et la femme Labegueyrie, par exemple, la preuve de la culpabilité du docteur Long-Savigny. Il abandonne l'accusation à l'égard de la veuve Dain, contre laquelle il n'existe pas, dit-il, de preuves matérielles suffisantes maintient l'accusation contre le docteur Long-Savigny sur les faits Rouanet et Pepita Pilar admet les explications fournies par lui sur les faits Etcheverry et Poyet comme paraissant plausibles, malgré les charges relevées, et laisse aux jurés le soin d'apprécier. M. Sens-Olive, par contre, maintient ses réquisitions dans l'affaire Meynard, qui lui parait une des plus graves et des mieux établies parmi celles qui nous occupent et il réclame une condamnation contre Meynard et contre le docteur Long-Savigny.



En ce qui concerne Marie Fabre, l'avocat général indique aux jurés qu'ils peuvent estimer qu'elle a agi sans discernement. Elle avait seize ans, en effet, quand elle se fit avorter.



Et l'avocat général termine ainsi :

Il faut rendre à ce pays un peu de la moralité qu'il a perdu. A vous messieurs les jurés, de m'aider dans cette tâche.



Ensuite Me Pinatel a présenté la défense de Mme veuve Dain, pour laquelle l'accusation a été abandonnée, et le procès a été renvoyé au lendemain."



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PLAGE BIARRITZ 1911
PAYS BASQUE D'ANTAN


  • le 1er juin 1911 :


"Les avortements de Biarritz.



Le Docteur est acquitté.



Le verdict est négatif, également, en ce qui concerne ses coaccusés.

Pau, 31 mai.



Le procès s'est terminé plus tôt qu'on ne l'avait pensé. Me Ardisson, avocat du docteur Long-Savigny, qui ne devait parler que demain, a pu prendre la parole. Son plaidoyer, très chaleureux pour son client, a duré deux heures. Avec habileté et une grande conscience, l'honorable défenseur s'est efforcé de combattre l'argumentation de M. l'avocat général Sens-Olive. Il a réclamé hautement un acquittement général. A sept heures précises, il avait terminé sa tâche. L'organe du ministère public n'a pas cru devoir répliquer. Les accusés, consultés, ayant déclaré n'avoir rien à ajouter à leur défense, M. le conseiller Correch, qui a présidé les débats, a levé seulement le huis-clos pour donner lecture des quarante-trois questions posées au jury.



Le public, qui depuis plusieurs jours attendait avec impatience l'instant de pouvoir entrer, a envahi la salle d'audience dès que les portes ont été ouvertes.



C'est, pendant la suspension d'audience, une véritable cohue dans la salle. Les gens s'y pressent et s'y bousculent. On se demande ce qui serait advenu si le huis-clos n'avait pas été prononcé. Ce procès passionne énormément l'opinion publique. Le docteur Long-Savigny a ici d'ardents défenseurs. Un long silence se fait quand, à 8 h. 1/2, les jurés reviennent. Quelle va être leur réponse ? Beaucoup de curieux attendent visiblement anxieux.



La décision est favorable aux accusés. Le verdict est négatif sur toutes les questions. Le président fait introduire les inculpés et le greffier leur donne connaissance de l'heureux dénouement.



Quand l'acquittement est prononcé, des bravos nourris éclatent. Le docteur Long-Savîgny est félicité par ses amis, qui viennent lui serrer les mains.



Aucun incident ne s'est produit."



(Source : Wikipédia)






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