L'ÉGLISE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE (sixième partie)
L'ÉGLISE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ.
L'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz est renommée pour son retable du 17ème en bois doré et pour y avoir vu y célébré le mariage du roi Louis XIV le 9 juin 1660.
L'église est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 7 mars 1931.
INTERIEUR EGLISE SAINT JEAN-BAPTISTE SAINT-JEAN-DE-LUZ D'ANTAN
Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des sciences, lettres & arts de Bayonne, du
Il y a un fait historique qui s'accorde parfaitement avec le résultat de nos observations précédentes.
8 000 Espagnols commandés par Ferran Peritz de Ayala entrèrent en Labourd le 12 août 1419 et brûlèrent l'église de St-Jean-de-Luz.
Le document le plus sérieux qui mentionne la chose nous est fourni par les Archives Municipales de Bayonne.
L'église qui fut reconstruite après l'incendie doit être celle dont nous venons de relever les vestiges.
Cependant un nouveau problème se pose.
La durée de cette église ne fut-elle pas très courte ?
Ou encore, la construction commencée d'une voûte ogivale fut-elle simplement abandonnée ?
L'édifice reconstruit au XVIIe siècle, suivant des documents écrits dont nous nous occuperons plus loin, ne paraît pas faire suite immédiate à celui dont nous relevons encore aujourd'hui les vestiges de voûte. En effet, comme nous l'avons déjà fait remarquer, la naissance très basse des nervures présentait une difficulté pour l'établissement de galeries latérales, surtout au nombre de trois. Or, le bâtiment détruit dans la deuxième partie du XVIIe siècle, après le mariage de Louis XIV, possédait trois galeries.
"De chaque costé de l'Eglise il y avoit trois galleries fort longues" dit en 1660, une relation du mariage.
Voici encore ce que nous relevons dans les comptes de Jean de Casabielhe, marguillier et bayle de St-Jean-de-Luz (1672-1673) :
"Le 8 août 1672 Agramond et Joanis d'Urthe et autres charpantiers de ce lieu ont commance a travailler à l'église commançant par le couvert dicelle et apres par les quatre planshers galleries et degrés divers ensemble et démonter les planshers entiens et a préparer le boi quy cest trouve propre en iceux pour servir au nouveau batiment."
L'hypothèse d'une construction intermédiaire entre celle du XVe siècle et celle du XVIIe se présente à l'esprit.
Elle trouverait quelque appui dans l'histoire.
En effet, St-Jean-de-Luz subit de nouvelles invasions espagnoles en 1523, 1542, 1558.
Charles-Quint, dans une lettre à l'Archiduc Ferdinand, son frère, parle de la première de ces invasions et de St-Jean-de-Luz que ses gens ont brûlée.
Pour la dernière, d'après Esteban de Garibay, les Espagnols, entrés dans la ville le 1er août 1558 sans trouver de résistance, s'appliquèrent pendant 9 jours à détruire les lieux et à les raser, tout en épargnant Ciboure où se logèrent les troupes guipuzcoanes.
PORTRAIT DE ESTEBAN DE GARIBAY Y ZAMALLOA
Cependant, convient-il de prendre à la lettre les dires de l'historien espagnol ? Qu'en tirer particulièrement au sujet de l'église ? Aurait-elle subi des dommages tels qu'il aurait fallu procéder sans retard à une réfection de l'édifice ? Le fait de cette réfection dans la seconde moitié du XVIe siècle ne s'accorderait pas avec la teneur d'un document d'une date assez rapprochée. Il s'agit d'une requête de la jurade de St-Jean-de-Luz, datée du 5 Décembre 1630, et insérée dans une assignation adressée au Chapitre de Bayonne pour qu'il contribue aux frais de reconstruction de l'église.
On y lit que celle-ci "estoit assez belle et grande lorsquelle fut bastie" mais qu'elle est "desja vieille et caducque" et que "quand il ne la fauldroit pas agrandir il fauldroit néanmoins y faire des grandes réparations".
Nous restons dans l'impossibilité de conclure, et nous nous bornerons à relever dans l'édifice actuel ce qui semble porter la marque du XVIe siècle.
Nous la trouvons dans les 3 fenêtres supérieures percées dans le mur méridional. Nous ne reviendrons pas sur leur description déjà fournie. Rappelons seulement que leur ornementation dénote, avec une certaine originalité de caractère populaire et régional, l'époque de transition entre le style gothique et celui de la Renaissance.
Le XVIe révèle aussi son empreinte dans les traces apparentes de la porte murée depuis le passage de Louis XIV. On y reconnaît un ouvrage de la Renaissance.
PORTE MUREE EGLISE ST-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN
La Bibliothèque Nationale possède un dessin, daté de 1612, représentant la vue de St-Jean-de-Luz et de Ciboure prise d'un point proche de la colline de Ste-Barbe. Nous devons au Musée Basque de Bayonne, qui en a une reproduction, celle qui accompagne nos feuilles. Bien que la facture d'une grande simplicité de traits soit malhabile et d'une exactitude peu recherchée, nous ne négligerons pas ses données relatives à l'église.
Celle-ci ressort au-dessus des maisons qui l'entourent. Le chevet, de plan carré, s'y présente comme un corps de bâtiment distinct de celui de la nef. Il n'est pas recouvert de la même toiture. La sienne est plus basse. Il n'a pas non plus la même largeur. Le mur septentrional tout au moins n'est pas dans le prolongement de celui de la nef, mais en retrait.
Le clocher est à deux étages, surmonté par une couverture de forme élancée.
CLOCHER EGLISE ST-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN
IV. — L'Eglise actuelle.
La nef et son chevet. — L'église fut reconstruite une dernière fois au cours du XVIIe siècle.
Cette reconstruction fut commandée surtout par des besoins d'agrandissement.
Le XVIIe siècle a été pour St-Jean-de-Luz la période la plus florissante, celle où, avec le développement de la prospérité, le nombre des habitants s'éleva considérablement. Au début du siècle, un heureux hasard avait fait reconnaître par un navire basque la richesse en baleines des parages du Spitzberg. A la suite de cette découverte, une nouvelle impulsion fut donnée à la pêche de ce cétacé, en même temps que d'importants armements se consacraient à celle de la morue sur les bancs de Terre-Neuve. A cette époque, la population de St-Jean-de-Luz atteignit le chiffre de 10 à 12 000 âmes.
Dès les environs de 1630, on décida de rebâtir l'église. Nous le savons par l'assignation qu'adressèrent les jurats de St-Jean-de-Luz au chapitre de Bayonne pour qu'il contribuât aux dépenses des travaux.
Sans toucher à l'ancien édifice, on se mit à élever de nouveaux murs, mais les travaux furent interrompus, et on ne les reprit qu'en 1649.
Un architecte du nom de Milhet fut chargé de dresser les plans. Le 19 septembre 1649, il lui est payé 28 l. "pour avoir faict des portraicts tant du (couvert ?) de leglise qu'autres dessins pour la continuãon de louvraige". Cet architecte, de nom français, ne résidait pas sur les lieux, mais habitait certainement le voisinage, Bayonne probablement. Cela ressort du paiement de 16 l. 16 qu'on lui fait "pour 2 jours quil a vacque en ce lieu pour vissitter leuvre de leglize". Cependant on ne se contente pas de ses lumières et l'on fait appel aussi à des architectes espagnols, ce qui dénote la faveur dont ceux-ci jouissaient dans notre région. L'église de St-Jean-de-Luz se ressent de l'influence espagnole. On le reconnaît déjà à l'examen. La chose est nettement établie par la documentation que nous fournissent les comptes de Joannis de Haraneder Putil, marguillier en 1649 et 1650.
"Plus paye a ung autre architecte espagnol que jay faict venir por voir led. oeuvre et donner on advis... 22 l. 01 d.
Plus ay payé a... espaignols que nos avons faict venir a fin dadviser sur louvrage de leglise... 42 l. 00 d.
Plus paye a la dame de Hirigare p° la despense faicte par lesdits architectes pendant 2 jours quils ont demeure... 11 l. 04 d.
Plus paye au Sr Milhet architecte aussitôt veneu en ce lieu conferer avec lesd. Espaignols architectes touchant led. ouvrage.
Joannis de Haraneder Putil s'était engagé en tant que marguillier à faire les avances nécessaires pour les travaux, jusqu'à concurrence de 3 000 livres ou davantage, moyennant la garantie fournie par les droits sur les sépultures, les biens, les revenus, les rentes et toutes les ressources de l'église. En outre, on l'avait gratifié irrévocablement d'une sépulture qu'il possédait déjà depuis 6 ans dans l'intérieur de l'église, au premier rang de celles qui étaient près du choeur, et on arrêta qu'il serait maintenu deux années de plus dans sa charge de clavier, soit jusqu'à la Noël de l'année 1651.
Nous tirons ces renseignements d'un contrat de transaction entre la Communauté de St-Jean-de-Luz et Joannis de Haraneder Putil.
Cet acte, daté du 20 novembre 1660, a pour objet de régler la question des avances réalisés par de Haraneder Putil. Celui-ci avait dû se lancer dans un long procès pour en obtenir le remboursement des claviers lui ayant succédé, et il consentit à un arrangement où il fit preuve d'un grand désintéressement. Sa créance, supérieure à 3 000 livres, était réduite à ce chiffre. Le remboursement restait à la volonté de la Communauté qui n'en paierait pas les intérêts, la vie de Haraneder durant, et ne ne commencerait à le faire qu'un après son décès.
Nous ignorons jusqu'à quel point furent poussés les travaux sous la gestion de Joannis de Haraneder Putil. Notons cependant qu'ils furent suffisamment avancés du côté du chevet, puisque les fenêtres des deux chapelles latérales du côté méridional portent le millésime de 1650.
Plusieurs comptes de marguilliers sont absents des Archives Municipales, et il nous est impossible de suivre d'une façon continue la marche de la reconstruction."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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