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mardi 28 janvier 2025

L'ÉVASION D'ALLEMAGNE DE TROIS PRISONNIERS DE GUERRE BASQUES EN NOVEMBRE 1918 (troisième partie)

DES BASQUES PRISONNIERS DE GUERRE EN ALLEMAGNE S'ÉVADENT EN NOVEMBRE 1918.


Quelques jours avant l'Armistice du 11 novembre 1918, des Basques, prisonniers en Silésie prussienne, décident de s'évader du camp de Sprottau.




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CAMP DE PRISONNIERS DE SPROTTAU
SILESIE PRUSSIENNE 1914 1918



Le camp de Sprottau, en Silésie prussienne, situé au Sud-Est de Francfort-sur-l'Oder a accueilli 

des milliers de prisonniers de nationalité française, anglaise, italienne et russe.

Il a été construit pour une capacité de 10 000 hommes. 



Au 16 avril 1916, suite à une visite du Comité International de la Croix-Rouge, il contient 1 100 

Russes et Français et son Commandant est le Colonel von Wacholtz.

Le camp est établi sur un terrain sablonneux et sec, dans une contrée boisée.

Il y a deux sortes de baraques : 

1° les Erdbaracken, en planches revêtues de carton bituminé, de 2m 50 de hauteur et 3m 50 de ligne médiane, avec un cube d'air suffisant pour 100 occupants. Le chauffage est assuré par de petits poëles en fonte et l'éclairage par des lampes électriques.


2° les nouvelles baraques, destinées au lazaret de tuberculeux, de dimensions intérieures (10 X 12 X 4), donnant un cube d'air de 18 m2 par lit.



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BOULANGERIE CAMP DE SPROTTAU
SILESIE PRUSSIENNE 1914 1918



Le camp de Sprottau a été désigné comme lazaret central pour les tuberculeux des autres camps. Les autres prisonniers sont peu à peu évacués, en dehors de ceux qui sont nécessaires au service du camp. La présence de ces nombreux malades a changé sans doute l'aspect et la vie du camp, avec la grande difficulté de pourvoir à l'alimentation renforcée indispensable pour le traitement de cette maladie.



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BARAQUE DE CONVALESCENCE SPROTTAU
SILESIE PRUSSIENNE 1914 1918




Voici ce que rapporta au sujet de l'évasion de ce camp par trois Basques le quotidien local La 

Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 4 décembre 1918 :



"Evadés d'Allemagne.



... C'est encore M. Spelt, directeur du grand Restaurant "Rokoko", qui fut longtemps maître d'hôtel chez Ritz, à Paris. Il est marié à une charmante Parisienne qui le seconde dans la direction du restaurant. Ils nous ont reçus à leur table de fort agréable façon, qui nous semblait plus agréable encore après ces 4 années de renoncements. M. Spelt, ainsi que beaucoup de nos amis Tchèques, craignent que les Français ne sachent pas assez exactement l'affection qu'ils nous portent ; ils craignent par dessus tout qu'on les confonde avec les Autrichiens, et surtout avec les Hongrois qu'ils détestent. Ils nous disent que les angoisses et les espoirs des Français ont été leurs angoisses et leurs espoirs depuis le commencement de la guerre et que leur joie actuelle est aussi grande que la nôtre. Ils sont orgueilleux de notre propre gloire.



Nous quittons Prague le 7 novembre. M. le Préfet de police Adanicka a dépêché un inspecteur pour retenir 3 places de seconde dans le train de Vienne. Nous nous présentons, toutes les portes s'ouvrent : nous sommes Français.



Nous sommes munis d'un passeport recommandant aux nations étrangères de nous recevoir et de nous secourir à notre passage. Le docteur Jelineck qui nous le donne, déclare que c'est là le premier document officiel du nouveau gouvernement tchèque. Installés dans notre wagon, nous entendons au loin la foule mélangée à des prisonniers français récemment libérés d'Autriche, chanter encore la "Marseillaise" et le "Chant du Départ", et, un instant, il faut faire un effort pour ne pas se croire en France.



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CHANSON LE CHANT DU DEPART
HYMNE GUERRIER FRANCAIS



De Prague à Vienne, notre voyage se fait sans incident. Ayant traversé la ville, qui nous charme par sa beauté, nous gagnons la gare du Sud. Malgré les Tchèques qui ont insisté pour retarder notre départ, faisant ressortir à nos yeux les dangers auxquels nous nous exposerons par la rencontre des troupes autrichiennes qui, retournant du front, pillent et même tuent les voyageurs, nous voulons continuer notre voyage, poussés par le désir de revoir notre pays et les nôtres. Nous voudrions passer par le Tyrol, mais nous sommes à l'heure où les Bavarois tentent leur offensive sur la ligne d'Innsbruck. Force nous est d'aller vers Trieste, redevenu italienne.



La gare du Sud, où nous nous embarquons, a un aspect extraordinaire ; une foule de soldats de toutes provenances s'y pressent dans un brouhaha assourdissant. Des Autrichiens qui rejoignent leur foyer, des Italiens venus des camps des prisonniers dont les gardiens ont ouvert les portes sans se soucier du désordre qui en serait la conséquence ; quelques Français internés en Autriche.



Ce pays, où sévit une terrible crise de famine, et particulièrement l'Autriche allemande, n'a qu'une pensée : se débarrasser au plus vite et par tous les moyens des bouches inutiles. L'ordre est donné dans les gares de délivrer gratuitement à tout militaire, quelle que soit sa nationalité, des billets de chemin de fer pour n'importe quelle destination. Mêlés à ce flot envahissant, nous réussissons, malgré nos habits civils, à trouver 3 petites places au milieu des 5 000 voyageurs qui prennent d'assaut le train. Pas le plus petit coin de libre ; dans l'intérieur des wagons, c'est un entassement de gens ; à l'extérieur, sur les marchepieds, sur la locomotive, depuis les lanternes jusqu'à la plate-forme du mécanicien, ce sont de véritables grappes humaines. Jusqu'à chacun des toits qui donne à plus de 30 soldats l'asile le moins confortable et le plus dangereux qu'on puisse imaginer. Trois machines, en 48 heures, ont peine à nous conduire jusqu'à Trieste, où nous arrivons le dimanche 1er novembre, vers 5 heures.



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TRIESTE
3 NOVEMBRE 1918



La voie ferrée surplombe la ville de plus de 100 mètres, et c'est un spectacle saisissant que ce tram hérissé d'une multitude de bras qui s'agitent frénétiquement vers l'Adriatique, toute bleue et calme comme un lac, seul obstacle désormais entre ces hommes et leur Patrie. En gare, aucun service d'ordre, et tous ces voyageurs impatients se répandent dans la ville en quête de vivres qui, hélas ! n'existent pas. Bientôt des patrouilles italiennes surgissent dans les rues et repoussent la foule des soldats vers un immense dépôt situé au bord du quai et entouré de puissantes grilles. Nos 5 000 compagnons de voyage viennent se joindre là à 60 000 autres prisonniers italiens dans des conditions analogues, sans aucun vivre, couchant à la belle étoile, depuis 6 jours ; ils sont là, massés dans une attente obstinée, les yeux désespérément tournés vers le large. Ils attendent un bateau qui jamais ne vient et quand il s'en présente un, c'est vers lui une ruée irrésistible. Ils sont 60 000, il y a de la place pour 5 000. Du bord des quais, ou bien des passerelles, des groupes tombent dans la mer et se noient. Le bateau s'éloigne, et c'est de nouveau l'attente angoissante. Les officiers italiens essaient de nous expliquer l'étrange réception faite à ces exilés de 1 ou 2 ans.



— L'Autriche et l'Italie ont signé un accord par lequel les prisonniers rentreront par la Suisse, où des réserves de vivres sont prévues. Mais les Autrichiens ont tout bonnement ouvert les portes des camps, disant à leurs captifs : "Vous êtes libres !" D'où leur arrivée à Trieste, où aucune mesure ne peut encore être prise pour les recevoir.



Nous apprenons qu'un transport civil ira à Venise, le 13 ; il nous en coûte d'attendre jusque-là. Pendant ce temps, nous nous mettons en relation avec les Yougo-Slaves qui nous témoignent la même sympathie que les Tchèques de Prague. C'est eux qui nous apprennent la signature de l'armistice entre l'Allemagne et l'Entente. Nous avons peine à croire à notre bonheur, car nous supposions que le coup de grâce ne serait donné qu'au printemps.




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BULLETIN DE LA VICTOIRE
TRIESTE 1918



Le Président du Comité Yougo-Slave prie notre ami Delahodde de retarder d'un jour son départ ; on lui remettra certains documents à destination de la France. Nous allons donc nous séparer, car nous apprenons soudain que le "Maria-Thérésa" lèvera l'ancre le mardi, à destination d'Ancône, avec escale à Pola. Par faveur particulière des autorités italiennes, les Français, au nombre de 37, sont pris à bord une fois le chargement en troupes terminé.



Nous embarquons à 10 heures. Le "Maria-Thérésa" est un gros vapeur trois-mâts, pris par les Italiens aux Autrichiens et qui n'a pas été mis en service depuis plus de 4 ans. Mal entretenu, son pont est couvert d'une fine poussière de charbon avec laquelle nos yeux auront bientôt à compter. Sur 2 machines, une seule fonctionne. L'équipage est un équipage de fortune, de même le capitaine. Dans la cale et sur le pont, grouillent les 5 000 passagers qui attendent toujours la première distribution de vivres. Nous sommes le mardi 12 novembre."



A suivre...







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