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mercredi 29 janvier 2025

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "RAMUNTCHO" DE PIERRE LOTI EN MARS 1908 (première partie)

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "RAMUNTCHO" EN 1908.


"Ramuntcho" est une pièce en 5 actes et 10 tableaux, écrite par Pierre Loti et représentée pour la première fois au Théâtre de l'Odéon, à Paris, le 28 février 1908.



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PIECE DE THEÂTRE "RAMUNTCHO"
DE PIERRE LOTI



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 1er mars 1908, sous la plume de Jean 

Richepin :



"Théâtre National de l'Odéon.

Ramuntcho.

Pièce en 5 actes et 10 tableaux de M. P. Loti, de l'Académie française, musique de M. Gabriel Pierné.


Sommaire.



Acte Premier. — Franchita quitta jadis le pays basque pour suivre à Paris un étranger qui l'avait séduite. Rentrée au cher pays avec un fils, elle a voulu qu'il ne devint pas un étranger comme son père, mais qu'il fût un vrai Basque, un de la vieille et noble race. Il est cela, le vaillant Basque, un de la vieille et noble race. Il est cela, le vaillant Ramuntcho. Il a 18 ans, manie la chistera en bon pelotari, et fait la contrebande. Il aime un enfant de 15 ans, Gracieuse, fille de Dolorès, qui est l'ennemie de Franchita.



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ACTE I 2ème tableau PLACE D'ETCHEZAR
PIECE RAMUNTCHO 1908



Acte II. — Dans le jardin de Gracieuse, les deux amoureux se disent les choses éternelles des amoureux contrariés, la suave et cruelle chanson de Roméo et Juliette. Su la place du Jeu de Pelote, après qu'on a vu Ramuntcho pelotari, on apprend qu'il va s'engager pour son service militaire, et que Gracieuse lui promet d'attendre le retour pour l'épouser.



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ACTE II 1er tableau Jardin de Gracieuse
PIECE RAMUNTCHO 1908



Acte III. Dans la cidrerie, les contrebandiers souhaitent bon départ à Ramuntcho. Le frère de Gracieuse l'accompagne jusqu'au jardin de la fillette. Il est entendu que, dans 3 ans, Ramuntcho épousera Gracieuse et que tous deux, selon l'usage basque, iront chercher fortune aux Amériques.



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ACTE III CIDRERIE
PIECE RAMUNTCHO 1908



Acte IV. — Il est dans l'infanterie de marine, le pauvre Ramuntcho, à Madagascar. Pendant ce temps, Dolorès a pu agir, pour que sa fille n'épousât pas un bâtard. On a mis Gracieuse au couvent et elle y a prononcé des voeux éternels. Ramuntcho revient, trouve sa mère à l'agonie, lui jure de rester Basque, un de la vieille et noble race ; mais, croyant que Gracieuse est au couvent par force, il décide d'aller l'en arracher.


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ACTE IV LA CHAMBRE DE FRANCHITA
PIECE RAMUNTCHO 1908



Acte V. — Au couvent d'Amezqueta, Ramuntcho vient avec le frère de Gracieuse. Il a pris deux billets pour les Amériques. Il compte enlever sa promise et l'emmener là-bas. Il trouve une âme morte à son souvenir, toute à la Vierge. Il supplie, pleure. En vain ! Gracieuse, devenue soeur Marie-Angélique, reste implacable. Il lui pardonne, s'agenouille, sous la bénédiction cruelle de celle qui ne l'aime plus. Elle le conduit elle-même jusqu'à la route et le laisse partir seul pour les Amériques, le lamentable Roméo basque trahi par sa Juliette.

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ACTE V 1er tableau DEVANT LA MAISON DE RAMUNTCHO
PIECE RAMUNTCHO 1908


Au lieu de cinq actes, supposer cinq stances, et voilà une belle et poignante cantilène des Pyrénées,  à l'histoire simple, aux sentiments forts, dont les vers rudement assonancés et la musique rythmée tragiquement feront un chef-d'oeuvre populaire.



Et qu'un poète, un grand artiste en mots, invente cette histoire, ou la ramasse, comme dit Gautier, du bout de son divin archet, et qu'il brode, sur ces coplas de texte sommaire et fruste, toutes les riches variations de son lyrisme, et qu'il évoque, autour de ce thème et par ces variations, les âmes, les corps, le pays, son ciel, ses fleurs, l'odeur de ces fleurs, la fluidité même de l'air où flottent ces êtres et ces choses, et vous avez un autre chef-d'oeuvre, lequel est précisément le livre de Ramuntcho.



Car le génie propre de M. Pierre Loti (on le sait, et je ne fais que le répéter après beaucoup d'autres) consiste dans cette thaumaturgie spéciale qui a pour instrument le verbe sorcier, exprimant plus particulièrement ce qu'il y a de moins exprimable, rendant sensible ce qui ne tombe pas sous les sens, donnant de la lumière aux ténèbres et comme un corps aux souffles et aux effluves.



De là vient que les pays où il nous mène semblent souvent moins beaux quand on les voit en réalité que dans l'ambiance où il les transfigure parmi les halos de ses magies. Et c'est lui pourtant qui a raison ; car ces halos qu'il fait surgir, ils existaient vraiment autour des choses. Une fois qu'il nous les a montrés, on ne peut plus ne point les contempler, palpables.



Et de là vient aussi que les contes, contés par cet enchanteur, n'ont aucun besoin d'être compliqués en intrigues, voire en anecdotes, ni même gros de faits. Ce qui s'y passe, qu'importe ? Ce qui est essentiel, c'est ce qu'on y éprouve, c'est la qualité de profondeur des sentiments, des émotions, par quoi l'on y a les nerfs pincés à vif, le coeur chaviré, le cerveau comme une éponge lourde d'opium, de parfums, de nostalgies et de rêves.



A cette thaumaturgie subtile, mais si forte, du verbe écrit, fallait-il substituer celle, puissante aussi, mais souvent combien plus grossière, du théâtre, avec sa rampe, ses herses, ses toiles, ses portants, ses bandes de ciel, sa figuration cinématographique, ses dialogues en raccourci, sa convention implacable, tyrannique même chez l'ennemi de toutes les routines théâtrales, chez ce brave des braves qu'est Antoine ?




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ACTEURS PIECE RAMUNTCHO 1908
COMOEDIA 1ER MARS 1908



Certes, il le fallait, puisque ainsi l'a voulu l'auteur de Ramuntcho, et puisque Antoine était le seul homme capable de risquer et de ne point rater un pareil tour de force : retraduire scéniquement le traducteur de l'intraduisible.



C'est bien de cela, en effet, qu'il s'agissait ici, et non d'autre chose. Qui voudra chercher en cette transposition d'art une pièce ordinaire, selon telle ou telle formule, sera de mauvaise foi envers elle, et la jugera d'un point de vue qui en déformer injustement la perspective esthétique.



Tout au plus aura-t-on le droit de comparer Ramuntcho à L'Arlésienne ou à Mireille. Et encore ne sera-ce point d'une équité parfaite ; car la transposition d'art était autrement commode avec la langue pittoresque, plastique, de Daudet et de Mistral, qu'avec celle de Pierre Loti, pareille aux robes des fées, en air tissu et couleur du temps.



Cette fois, il faut le proclamer bien haut, Antoine a joué la difficulté, et il a gagné la partie.



Tout ce que pouvait donner l'illusion théâtrale, pour lutter avec le verbe illusionniste du roman, il l'a fait rendre à son métier de metteur en scène, de décorateur, de réalisateur parlant à tous les sens de l'auditoire et le forçant à la foi dans le miracle présenté.



Grâce aux prestiges de Jusseaume, peintre sorcier lui aussi, on était vraiment là-bas, au pays basque. Il y a, entre autres détails, notamment au second tableau, servant de fond au fandango qu'illuminent des lanternes, un soir mauve qui semble décrit par le livre lui-même, tant il est peint (si l'on peut dire) en vapeurs de Loti.



Et c'est partialité, au reste, de citer ce détail spécialement. Il n'y a pas un tableau qui ne soit une évocation, en somme. La place d'Etchezar, le jardin de Gracieuse, le jeu de pelote, la Cidrerie, la petite terrasse devant la maison de Ramuntcho, et la salle du couvent, enfin, avec sa grande Vierge toute chasublée de raides étoffes, sont autant de merveilles, où les gens sont placés en vie, et pourtant dans du rêve, toujours comme si l'on contemplait des pages du livre, à travers la magie de l'écrivain.



Et si j'empiète de la sorte en parlant des décors, et si je suis forcé d'ajouter aussi un mot à la louange du musicien Gabriel Pierné (sans prétendre, au reste, à juger son oeuvre), c'est que tout cela constitue, justement, cette extraordinaire transposition d'art, en quoi consistait, par essence, la tentative neuve, curieuse et belle, de mettre un livre de Pierre Loti à la scène.



Je n'ai pas toujours été d'accord avec Antoine sur la nécessité, où il se croyait, de transformer le modeste Odéon en théâtre à grand spectacle. Je demandais, à cette transformation, l'excuse d'un texte lyrique exigeant de semblables et quasi folles illustrations. Sans ce texte, je trouvais ces illustrations excessives, écrasantes.



Ici, ce texte lyrique existe. Il est dans le livre d'un grand évocateur par le verbe. Il en reste, dans le drame, assez de bouffées, de jets en flamme chaude, de parfums soudains, de mots passionnés, profonds, obscurs par un trop-plein d'émotion inexprimée.



Ressusciter, autour de ce texte (souvenirs du livre, échos répercutés dans le drame, silences même), l'atmosphère qu'avait si magistralement, si féériquement créée l'irrésistible enchanteur, lutter contre sa thaumaturgie en la réalisant d'une autre façon, sans en laisser évaporer le charme voilà ce qu'a voulu et exécuté Antoine.



Voilà aussi (abstraction faite de toute inutile critique purement de métier théâtral), voilà ce qu'il faut retenir de cette exquise soirée, joie des artistes ; voilà ce dont il convient de féliciter, de remercier l'auteur et le directeur ; voilà ce que ne manquera point d'applaudir le public qui aime la poésie, le rêve et la beauté."



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