LA VIE À SAINT-ESTEBEN AUTREFOIS.
A partir de 1936, Don José Miguel de Barandiaran, prêtre, chercheur et scientifique, originaire d'Ataun, en Guipuscoa, fait des enquêtes d'ethnologie et d'archéologie en Pays Basque français.
Voici ce que rapporta au sujet de ses recherches sur Saint-Esteben, en Basse-Navarre, le Bulletin
du Musée Basque N°20, en 1941, sous la plume de José Miguel de Barandiaran :
"Eusko - Folklore.
Documents et questionnaires.
Année XXI Sare, Janvier-Juin 1941 N° CLI-CLVI
Traits de la vie populaire de Dohozti.
... Quelques casseroles et quelques pots sont en terre cuite ; mais peu à peu ils sont remplacés par d'autres en métal. Les ustensiles de terre cuite se rapportent d'Espelette.
Parmi les meubles de la cuisine, mentionnons les chaises dont le siège est de jonc, des tabourets de bois, la table en planches, le grand pétrin de bois appelé ohaska dans lequel on pétrit le pain de blé et de maïs, le buffet monté sur une armoire, la batterie de cuisine (ferreria), pendue le long d'un mur, la cuve (kuba) de bois où se fait la lessive et la lampe ou le quinquet de pétrole.
Il existe aussi à la cuisine un dépôt de cendres où on recueille les cendres du foyer. Son nom est haustegi. C'est un cube fait de pierre ou de brique adossé à l'appui d'une fenêtre et muni, à la moitié de sa hauteur d'une petite porte arquée.
HAUSTEGI D'IHOLDY MUSEE BASQUE DE BAYONNE |
Actuellement, le four destiné à la fabrication du pain de ménage, est une construction séparée de la maison. Mais antérieurement, on le voyait fréquemment adossé à un des murs de celle-ci, de sorte que sa porte s'ouvrait auprès du foyer de la cuisine. Son nom est labe. Il est construit en forme de voûte de briques et d'argile et protégé par une légère construction en pierre, couverte d'un toit de tuiles.
Les repas sont préparés et pris dans la cuisine ; les femmes y travaillent à la couture et au raccommodage des vêtements et les hommes à l'égrenage du maïs et autres petits travaux, surtout durant l'hiver. La cuisine est de plus la salle de réception des étrangers, principalement des personnes de confiance, des voisins, etc., et le lieu où la famille prie et traite de ses affaires.
CARTE DE SAINT-ESTEBEN 1887 BASSE-NAVARRE D'ANTAN |
Le feu du foyer se renouvelle pour le samedi-saint. Ce jour-là chaque famille apporte à l'église paroissiale un morceau d'amadou (haryo) et l'allume au feu béni au début des offices liturgiques, et, ainsi allumé, l'emporte à la maison. On jette alors dehors, par la fenêtre de la cuisine, le bois qui brûle dans le foyer, et immédiatement on fait un autre feu au moyen de l'amadou que l'on avait allumé à l'église.
Jusqu'à ces derniers temps, on avait coutume de faire faire quelques tours autour de la crémaillère du foyer, aux poules que l'on apportait du dehors.
L'éclairage domestique qui s'emploie actuellement dans la majeure partie des maisons rurales est le quinquet de pétrole ou la lampe à carbure. Il y a trente ans, on employait encore des lampes à huile et des chandelles de résine (arraxima).
Pour allumer leur pipe, quelques vieux emploient encore le silex (suarri) et l'amadou (haryo). Les silex viennent de Heleta-Loigorri.
Dans les maisons où le four se trouve dans la cuisine, le matériel de celle-ci s'augmente des ustensiles propres à celui-là. Tels sont : la pelle (pala) de bois, pourvue d'un long manche, la pelle, de fer (autrefois de bois) appelée garlanda, le balai de bruyère, etc...
Dans le four, se cuisent les pains de blé et de maïs (ogia eta artoa). Le levain se nommé altxagarri. La pâte (orre), faite avec la farine et la levure, est aussitôt enveloppée d'un linge (oihal) et placée dans un panier doublé de linges chauds, dans lequel elle doit reposer pendant trois heures. Puis, quand la pâte a fermenté, on la partage en morceaux. On donne à chacun de ces morceaux la forme d'un grain de blé et, au moyen d'une pelle en bois, on les introduit dans le four. Si la pâte est de farine de maïs, on lui donne la forme d'un disque aplati d'un côté et bombé de l'autre et elle est mise au four au moyen de la pelle appelée garlanda.
On protège la maison contre la foudre au moyen de croix et de feuilles de laurier bénites à l'église paroissiale le jour des Rameaux. On place ces croix dans les chambres à coucher, dans la grande salle et dans les bordas ou refuges. On dit qu'ainsi on évite dans ces lieux la chûte d'ortzia (le tonnerre). Pour les mêmes fins, il était autrefois coutume de placer sur le portail d'entrée de la maison, une faux, le tranchant dirigé vers le haut : ahoz goiti = la bouche en haut.
ST-ESTEBEN BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Une Question.
Cher lecteur, pouvez-vous faire une description de la maison rurale, telle que vous la connaissez dans votre commune, en donnant des renseignements sur les matières dont il est question dans ces pages ?
Adresser les réponses à M. José Miguel de Barandiaran, Ibar-soroberri, Sare (Basses-Pyrénées).
ST-ESTEBEN BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
III. — Le costume ancien.
Il y a un demi-siècle, le tissu (en basque, ehu), qui se fabriquait dans la localité et dans les villages des alentours était celui qui s'utilisait le plus pour la confection des vêtements les plus usuels. Il s'y faisait ainsi des pantalons et des chemises de toile. Aujourd'hui tous les vêtements se confectionnent avec des étoffes venant de fabriques et de magasins éloignés de Dohozti. Le sous-vêtement comprend généralement le larruarraseko ou gilet de flanelle, le caleçon blanc et l'atorra (chemise d'homme), pourvue de plastron et de col doublé. Les femmes emploient le mantarra laquelle est une chemise largement échancrée dans le haut.
Le vêtement extérieur employé par l'homme pour le travail, comprend le pantalon (généralement rayé) et le gilet (en basque barneko), celui de la femme consiste en une jupe et un corsage ou aussi en une large robe qu'on nomme taulier.
La blouse (en basque xamarra), très peu employée actuellement, est revêtue par le paysan les jours de fête ou lorsqu'il va en voyage.
Les hommes d'âge mûr portent la ceinture (en basque gerriko) autour du corps ; mais non les jeunes, lesquels, pour soutenir leur pantalon, emploient des bretelles.
Les enfants commencent à revêtir le pantalon à l'âge de trois ou quatre ans : d'abord pantalon court qui leur couvre la moitié supérieure de la cuisse ; depuis l'âge de douze ans, pantalon long jusqu'aux chevilles.
L'alpargate (espartina) et le sabot de bois (eskalanpoi) constituent la chaussure ordinaire. Ils sont importés généralement d'Hasparren.
Le béret est la coiffure des hommes. Toutefois, dans les travaux des champs, aux heures d'ardent soleil, les hommes comme les femmes se couvrent de larges chapeaux de paille.
PAYSAN ET PAYSANNE DANS LES CHAMPS PAYS BASQUE D'ANTAN |
Durant l'hiver, en dehors des vêtements déjà cités, les hommes revêtent le paltu (= veste), galtzerdiak (= chaussettes) et des bottines de cuir ; tandis que les femmes usent du jersey (trikota), de bas et de souliers.
L'habillement des jours de fête est toujours plus complet et plus somptueux. Dans des occasions comme celles de mariage, d'assistance à un baptême ou à des funérailles, etc., les hommes sont vêtus de noir : pantalon, gilet et veste, chaussettes et bottines. Les hommes qui font partie du deuil durant les funérailles portent de petites capes ; les femmes portent un grand manteau appelé mantaleta qui, couvrant la tête, descend par derrière jusqu'aux chevilles et une mantille qui descend de la tête pour couvrir la figure.
Nous ne donnerons pas plus de détails dans la description du vêtement car si la majeure partie de ceux que nous avons cités sont d'importation moderne, les autres sont encore plus récents et se conforment au goût et à la mode des villes.
Jadis, beaucoup d'hommes portaient une longue chevelure ainsi que me l'affirme mon informateur ; aujourd'hui il n'en est plus ainsi : les jeunes gens laissent le toupet, conformément à la mode moderne. Les femmes portent les cheveux longs, généralement bien arrangés et rassemblés derrière la tête.
Il est coutume de porter, suspendues au cou, diverses médailles religieuses, les plus usuelles étant celles portant l'effigie de Saint Benoît, de Notre-Dame de Lourdes, de Saint François d'Assise et la médaille-scapulaire.
De nos jours, les bijoux se portent peu, soit sur le corps, soit sur les vêtements. Jadis il n'en était pas ainsi. Les femmes, surtout, portaient des colliers d'or (urrexenak) et des broches d'or au cou ; des pendants (petentak) aux oreilles.
Quand les hommes vont à la foire, ou qu'ils vont chercher leurs brebis dans la montagne, ils portent à la main un bâton appelé makilla.
Pour préserver les vêtements des mites et autres insectes, on répand sur eux des herbes connues sous le nom de labranda. Pour les parfumer, on emploie une autre herbe appelée ollakibelarr.
Il y a un peu moins de cinquante ans, il se faisait à la maison des travaux de tricotage : les hommes confectionnaient galtxoiak, espèce de guêtres de laine ; les femmes tricotaient des chaussettes et des bas de laine.
On cousait à la maison les chemises de toile, les pantalons et le manteau à capuchon (en basque kapusail) de laine. Ce dernier vêtement, destiné à être employé en hiver, était principalement utilisé par les hommes.
Il y a quelque quarante années qu'on ne file plus dans les maisons, ni qu'on ne récolte plus de lin ; ce qui a contribué à la décadence des industries domestiques dérivées de sa culture.
Il ne se fait plus à la maison de chaussures d'aucune sorte, si ce n'est quelques sabots de bois (eskalanpoiak) que quelques habitants fabriquent pour leurs familles.
Le lit se nomme ohe ; son armature, ohezur (bois de lit). On emploie aujourd'hui le sommier métallique (zumierr) ; mais, au commencement de ce siècle, on se servait généralement d'une paillasse composée d'un sac de toile grossière bourrée de pulpe d'épi de maïs. Cette sorte de paillasse est dénommée lastuntz.
Sur la paillasse, s'étend un matelas de laine (matalaz) et, sur le matelas, un drap de lit de toile (en basque mihixi) lequel doit être suffisamment long pour envelopper, à la tête du lit, le traversin (en basque burukitta).
Le traversin est rempli généralement de laine, rarement de plume. Sa longueur est la même que la largeur du lit.
Finalement, au-dessus de toutes les pièces mentionnées on étend une couverture de laine appelée kurtxoin, laquelle est engaînée dans une toile blanche. Cette gaine portait le nom d'ohabete. De nos jours, on a substitué au kurtxoin un drap de lit et des couvertures qui constituent la couverture du lit.
ST-ESTEBEN BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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