LES CHAPELLES DE SARE AUTREFOIS.
Le village de Sare est, dans la province du Labourd, l'un des plus riches en édifices religieux.
CHAPELLE ST-IGNACE SARE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée basque n°13, en 1937, sous la plume de
Philippe Veyrin et P Garmendia :
Chapitre V.
Les chapelles disparues. - Sainte-Barbe. - Sainte-Croix d'Olhaïn. - L'ermitage de la Rhune.
Les chapelles disparues.
... Celle de Sare était située sur une éminence bien modeste par rapport aux autres montagnes qui encerclent la vallée. Néanmoins, cette colline de Sainte-Barbe couronnée d'un bouquet d'arbres ressort nettement - primus inter pares, - au milieu de croupes de terrain au moindre relief. On l'aperçoit d'un peu partout, vêtue d'un sobre manteau de fougères qui se détache sur la verdure éclatante des prairies voisines. C'est un point stratégique notable qui commande la frontière d'Espagne ; à preuve les nombreux vestiges de retranchements qu'on y voit encore. Ceux-ci datent de la Révolution et de l'Empire, et nous serions enclins à penser que ce furent les combats de la campagne de 1813 qui portèrent le coup de grâce à la chapelle depuis trop longtemps abandonnée et désaffectée.
Les ruines furent, paraît-il, achetées par M. Dihursubéhère, qui en utilisa les nombreuses pierres de taille dans la construction du moulin d'Errota-Berria. Ce détail nous confirmerait volontiers dans la conviction que la chapelle Sainte-Barbe était beaucoup plus qu'un simple oratoire. Haristoy la range parmi celles "assez vastes pour y dire la messe". Il convient toutefois d'avouer que nous n'avons pas trouvé la moindre mention de procession ou autre manifestation du culte particulière à ce sanctuaire. Un doute persiste donc quant à l'importance et à la destination proprement liturgique de l'édifice. En l'absence de documents iconographiques, la question reste posée...
Sainte-Croix d'Olhain. - Suivant la tradition locale, cette chapelle aurait été habitée toute l'année par un vieux moine qui offrait volontiers prières et conseils à tous ceux qui venaient lui en demander. Les parents lui amenaient pour l'instruction religieuse leurs enfants à la mémoire trop rebelle ou au caractère trop difficile. Un sac de maïs et un jambon formaient le fond des repas que le saint homme préparait lui-même à ses petits pensionnaires. En somme, cet ermite aurait joué un rôle analogue, à celui qu'exerçait encore au début du siècle dernier Jean Beherecotche d'Ainhoa à la chapelle de N.D. d'Aubépine.
PROCESSION A NOTRE-DAME DES AUBEPINES AINHOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cependant, nous doutons que cet ermitage d'Olhaïn ait jamais existé, et nous serions plutôt porté à croire qu'il s'agit d'une confusion avec l'ermitage de la Rhune, confusion fort possible puisqu'un érudit aussi remarquable que M. le chanoine Daranatz paraît y être tombé lui-même dans une note - d'ailleurs accessoire - de ses "Curiosités du Pays Basque". A priori, la proximité des deux montagnes rend peu vraisemblable l'établissement simultané de deux solitaires, exerçant un office semblable, dans le voisinage l'un de l'autre.
Par ailleurs, nous n'avons pu découvrir aucun texte manuscrit ou imprimé qui puisse laisser supposer la présence d'un ermite à Olhaïn. Pour la Rhune, au contraire, les renseignements abondent et sont tous concordants.
Dans le manuscrit de la fin du XVIIe siècle, intitulé : "Mémoires au Conseil pour Me Jean de Larralde, curé de Sare, païs de Labourt, contre certains habitans de la Communauté dudit Sare..." il est seulement fait mention de "La procession et messe à la montagne d'Olharin", sans la moindre indication du jour où se célébraient ces cérémonies et sans préciser non plus le nom du Sanctuaire.
La carte de Cassini qui désigne en toutes lettres l'ermitage de la Rhune, se contente de marquer le sommet d'Olhaïn du signe conventionnel réservé aux édifices religieux.
CARTE DE CASSINI SARE ET LA RHUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Pourtant, la tradition populaire pourrait, malgré l'absence de documents probants, n'être pas entièrement erronée. Risquons ici une hypothèse : l'ermitage de la Rhune a disparu dans la tourmente de 1793, la ruine du sanctuaire d'Olhaïn n'a eu lieu que vingt ans plus tard, en 1813. Ne peut-on supposer que, dans l'intervalle, quand la pacification religieuse eut étendu ses bienfaits sur le Pays Basque, un chapelain ait, durant quelques années, exercé à Olhaïn (dont la chapelle demeurait intacte) les fonctions précédemment attribuées à l'ermite de la Rhune ?
Ainsi, un ermitage aurait succédé à l'autre, jusqu'au jour où une nouvelle rafale (l'invasion anglo-espagnole) eut définitivement aboli un usage auquel les habitants de Sare devaient être attachés avec la ténacité habituelle des Basques.
Alors même que les deux chapelles eurent disparu, sans retour, il semble, en effet, qu'on ait continué pendant de longues années à faire de temps à autre, sur leur emplacement, des processions pour demander la pluie ou le beau temps...
Encore en 1835 ou 36, le Dr Dithurbide, maire de Sare, consignait sur un livre de comptes (conservé à la mairie) le paiement de l'ovita d'Olhaïn. M. le chanoine Daranatz, à qui nous empruntons ce renseignement, précise qu'ovita signifie "un obit, une messe haute d'anniversaire précédée du chant d'un nocturne de l'Office des Morts. C'est ainsi que la commune de Sare perpétuait sa gratitude envers les fondateurs et les bienfaiteurs de ses diverses chapelles."
Et maintenant que nous avons épuisé les maigres témoignages du passé, montons à notre tour aux flancs arrondis de la montagne pour y examiner de plus près les vestiges de Sainte-Croix. Olhaïn, ou, pour mieux dire, Olhagaïn, dresse sa lourde masse dépourvue de rochers et d'anfractuosités au sud de la Rhune dont elle n'est séparé que par un col peu profond. Aujourd'hui, chauve de la base au faîte, cette hauteur était jadis entièrement boisée de châtaigniers. Il en reste vers le N.-O. quelques souches mortes et plusieurs de ces enceintes circulaires en pierres sèches qui servaient de dépôt provisoire à la récolte des châtaignes.
La chapelle était située au sommet et certainement visible de toutes parts. Il n'en reste plus que des pans de mur jusqu'à une hauteur de deux mètres en moyenne, mais ceux-ci permettent de reconstituer aisément le plan de la nef longue de quinze mètres et large d'environ la moitié, terminée à l'extrémité nord par un chevet à pans coupés.
L'entrée était précédée d'un porche rectangulaire dont les fondations subsistent. On n'aperçoit aucun vestige de contreforts et pas la moindre apparence de décoration. Le linteau de la porte, dont les morceaux gisent sur le sol, était absolument nu. En somme, cette chapelle devait beaucoup ressembler à celle de Sainte-Catherine, dont elle reproduit exactement la disposition générale.
PLAN CHAPELLE OLHAÏN SARE DESSIN DE P. GARMENDIA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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