LA PÊCHE À LA PIBALE.
Cette pêche existe depuis de très longues années au Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet la presse locale dans plusieurs éditions :
- La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 14 juin 1928 :
- La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 14 juin 1928 :
"La Pêche à la Pibale.
En 1926, à la suite d’une circulaire de MM. les Ministres de l’Agriculture et des Travaux publics, prescrivant de rendre permanent l’arrêté réglementaire de la pêche, et d’y introduire à cet effet toutes modifications jugées désirables, M. le Préfet avait prié M. le Conservateur des eaux et forêts de procéder à une révision dudit arrêté, et c’est ainsi que, d’après ses propositions, les autorisations de pêche accordées pendant certaines heures de la nuit avaient été supprimées.
La pêche de la pibale, qui précédemment, et depuis 1904, était permise de jour et de nuit, avait été réduite à la pêche de jour, élargie seulement de deux heures avant le lever à deux heures après le coucher du soleil, et ces dispositions avaient été mises en application dès 1927.
Mais, en novembre dernier, M. le Préfet a été saisi de nombreuses protestations de la part des pêcheurs de pibale du département qui, pratiquant cette pêche sur la rive gauche de l’Adour et des gaves réunis, voyaient leurs camarades des Landes exerçant la même pêche sur la rive opposée bénéficier de dis positions réglementaires plus larges et plus rémunératrices.
C’est ainsi que M. le Préfet a été amené à demander à M. le Conservateur de vouloir bien s’entendre avec son collègue de Bordeaux, duquel dépend le service de la pêche dans le département des Landes, en vue de l’établissement d’une réglementation identique et aussi libérale que possible dans les deux départements.
D’après ses nouvelles propositions, arrêtées d’accord avec son collègue et qui doivent être soumises au Conseil général des Landes, la pêche de la pibale serait autorisée de trois heures avant le lever à trois heures après le coucher du soleil, et pratiquée à l’aide d’un tamis de 0 m. 80.
Après ces déclarations de M. le Préfet dans la séance du 8 mai, M. Mendiondo, conseiller général du canton de Bidache, considérant que la pêche en question ne peut se faire que la nuit, au moment de la marée montante, demande, au nom des inscrits maritimes et autres pêcheurs munis de permis, l’autorisation pour ces derniers de pouvoir pêcher toute la nuit, comme cela se faisait antérieurement.
M. le Préfet répond qu’il s’efforcera d’obtenir pour notre département le même traitement que dans le département des Landes.
Les conclusions du rapport de la commission, présenté par M. Dordezon, furent alors adoptées."
PÊCHE A LA CIVELLE CHARENTE MARITIME |
- La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 14 janvier 1930, sous la plume de
Louis Jouvin, membre de l'Institut :
"La mystérieuse anguille.
...Et la pibale dont on a déjà beaucoup parlé à Bayonne.
Parmi les nombreux mystères qui intriguent les naturalistes, il en est un qui, depuis nombre de siècles, a suscité les explications les plus extravagantes; c'est celui de la reproduction de l'anguille.
Comme personne n’a jamais pu voir un seul œuf de ce poisson vulgaire, on a supposé qu’il naît spontanément de la vase des rivières et des étangs, différant en cela de tous les autres poissons dont les œufs et la ponte sont connus de tout le monde. Les savants modernes, qui ne croient plus à la génération spontanée faisant table rase des vieilles hypothèses et des fantaisies sans fondement, ont entrepris d’éclaircir ce mystère. Il faut dire que leurs efforts ne leur ont fait soulever qu’un petit coin du voile. Il était réservé a un illustre naturaliste danois, le docteur Joh. Schmidt, de venir à bout du problème, après trente ans d’efforts non sans risques, non sans avoir dépensé sans compter sa fortune et sa peine. Tout cela, direz-vous, pour la vulgaire anguille ?
La période de son existence qu’elle passe dans les rivières et dans les étangs correspond à son adolescence, mais sa naissance, sa première jeunesse, sa maturité, sa reproduction, sa vieillesse et sa mort s'accomplissent en pleine mer. Son existence mouvementée est remarquable par des voyages immenses et des métamorphoses extraordinaires que nous allons résumer aussi clairement et aussi rapidement qu'il nous sera possible.
TAMIS POUR PÊCHE A LA CIVELLE AGUINAGA GUIPUSCOA |
Partons d’une de ces anguilles de nos rivières que tout le monde connaît, pour en avoir mangé. Elle y passe environ sept ans, vivant de vers, de mollusques, de grenouilles. Pendant cette période, elle a grandi de 5 à 8 centimètres par an, plus ou moins, selon l’abondance de la nourriture qu’elle rencontre. Pendant la septième année, elle se suralimente, elle devient vorace ; son appétit devient insatiable, elle grossit, engraisse et accumule ainsi de fortes réserves de toute nature en vue du voyage qu’elle va entreprendre.
Si cette anguille se trouve dans un vivier fermé dont il lui est impossible de sortir, elle continuera encore à grossir ; elle dépassera un mètre, mais jamais elle ne se reproduira. On en connaît qui ont été séquestrées plus de quarante ans, sans que chez elles les œufs se soient jamais produits.
Mais, dans la libre nature, les choses se passent autrement. Les anguilles de sept ans cherchent à l’automne à quitter les étangs en suivant les ruisseaux, mais, s’ils sont à sec, elles n’hésiteront pas à circuler en rampant à travers champs, comme des couleuvres, en quête de la plus proche rivière, pour gagner un fleuve et arriver à la mer. Tous les fleuves d'Europe et de l’Afrique du Nord déversent ainsi dans l’Atlantique, à l’automne, des centaines de millions d’anguilles, adultes qui toutes nagent dans la même sens et ne cherchent jamais à remonter les cours d’eau qu’elles viennent de parcourir en les descendant.
Mais pendant ce premier voyage en eau douce, elles ont changé d’aspect ; leur ventre bronzé est devenu blanc, d'où le nom d’"anguilles argentées" qu’on leur donne. Leurs yeux sont devenus énormes, leurs nageoires plus puissantes, elles ont pris les caractères de poissons migrateurs. Elles ont complètement cessé de s'alimenter ; leur réserve de graisse va servir à l'élaboration de leurs œufs.
Ces anguilles sont, en effet, destinées à devenir des femelles et on peut constater, en les ouvrant, que leurs ovaires commencent à être visibles.
En arrivant à la côte, leur troupe se renforce d'un important contingent d'individus dépassant rarement 50 centimètres. Ce sont les futurs mâles qui ont environ cinq ans. et qui ont passé ce temps dans les estuaires, sans remonter bien haut dans les fleuves. Les deux troupes fusionnées partent pour la haute mer, nageant rapidement sur le sol sous-marin, et au bout de cinq à six mois, elles arrivent sur le lieu de ponte où elles s’accouplent. Elles ont fait alors environ 6 000 kilomètres, et sont au printemps arrivées au sud des îles Bermudes, vers l’extrémité ouest de la "mer des Sargasses". C'est là, à plusieurs milliers de mètres de profondeur, qu'elles pondent puis meurent ; aucune d’entre elles ne retourne vers l’Europe ; leur lieu de ponte est aussi leur tombeau.
On peut bien penser que ce n'est pas sans de grandes difficultés que les diverses étapes de ce voyage au long cours effectué par ces poissons sur des distances aussi grandes ont pu être repérées par le docteur Schmidt, et l’on doit admirer sa patience et sa sagacité, car tout ce voyage de noces se passe en dehors de la vue humaine. Mais ce n’est pas encore le plus extraordinaire.
Les œufs pondus au nombre de plus d'un million par chaque mère anguille, sont de petites sphères transparentes, d’un millimètre de diamètre environ ; il en sort, après quelques jours, un petit être fragile qui y était roulé, et qui, allongé, n’a que 7 millimètres. Il est plat, transparent comme du cristal et de la forme d’une petite feuille de saule, pointue aux deux bouts. Cette larve, au bout de trois ans atteint 11 centimètres de long ; on la connaît sous le nom de Leptocéphale ; elle est toujours parfaitement transparente et on ne la distinguerait pas dans l’eau sans deux yeux noirs qui attirent le regard de l’observateur.
Alors commence le second stade de son existence. Le leptocéphale plat et cristallin se métamorphose en un petit être cylindrique, opaque et rose, à l’aspect d'un ver de dix centimètres, ayant complètement transformé ses organes. Cette seconde larve, connue sous le nom de Civelle ou de Pibale, s'approche des estuaires, et surtout quand il fait mauvais temps, y pénètre par milliards. C'est là qu’on les capture à pleins paniers pour les vendre au marché ; il en faut environ 2 000 pour faire un kilogramme.
Ces civelles commencent à l'entrée des fleuves une troisième métamorphose ; elles brunissent et prennent bientôt l’aspect bronzé de très petites anguilles. Dans chaque fleuve, leur troupe se divise en deux groupes ; le premier remonte, pénètre dans les rivières, les ruisseaux, les étangs de tous les pays, ce sont les futures anguilles femelles ; le second reste dans l’estuaire, ce sont les futurs mâles. Les uns et les autres n’ont plus qu’à grandir et 4 ou 5 ans plus tard, recommencer ce cycle héréditaire.
Le problème était, comme on voit, difficile à résoudre. Mais il est encore plus compliqué. Il y a, en Amérique du Nord, une anguille qui vit comme la nôtre, lui ressemble beaucoup, sauf que le nombre de ses vertèbres, voisin d'une centaine, n'est pas le même que chez sa collègue d'Europe. Cette anguille a aussi des métamorphoses analogues ; elle va se reproduire dans l’Atlantique un peu au sud de l'aire de ponte de d'anguille d’Europe ; sa larve leptocéphale ne met qu’un an à faire son voyage de retour en Amérique. Mais il arrive que dans les eaux des Sargasses un trouve les deux espèces de larves mélangées. Il faut alors compter leurs vertèbres pour les distinguer, travail long et minutieux à effectuer sur de petites bêtes longues à peine de quelques millimètres.
CIVELLE DE 72 MILLIMETRES |
Actuellement, le docteur J. Schmidt accomplit une croisière dans le Pacifique depuis plus d'un an et il ne rentrera qu’à l'automne de 1930. Il a trouvé trois espèces différentes d'anguilles, à métamorphoses analogues à celles de l’Atlantique. Il y a des variantes de détails sur un thème identique ; et ces poissons ont, dans l'immensité de l'océan Pacifique, des lieux de ponte distincts que le docteur Schmidt a découverts. Il rapporte de son voyage une ample moisson de découvertes dans toutes les branches de l'Océanographie, car il ne s'est pas borné à l’étude des anguilles du Pacifique, mais a étendu ses recherches à une foule d’autres problèmes du plus haut intérêt pour les sciences.
METMORPHOSES DE L'ANGUILLE |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire