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samedi 8 janvier 2022

L'ORGANISATION DE LA PROVINCE DU LABOURD EN PAYS BASQUE NORD AVANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (première partie)

 

LE LABOURD AVANT 1789.


Avant la Révolution française, la province du Labourd avait une organisation spéciale.




pays basque autrefois labourd
CARTE DU LABOURD 1496



Voici ce que rapporta l'Union des Sociétés Historiques et Archéologiques du Sud-Ouest, dans son 

compte rendu de leur 4ème congrès à Biarritz, le 3 août 1911 :



"2ème communication. — M. Yturbide, Président de la "Société des Sciences, Lettres et Arts" de Bayonne.



Ancienne organisation du pays et Bailliage du Labourd.



Les trois provinces qui composent le Pays basque français présentent cette particularité historique, que toujours dans le passé elles ont été séparées l'une de l'autre. Le Labourd et la Soule ont été soumis longtemps à la domination anglaise. Mais aucun lien ne pouvait exister entre ces deux pays, puisque la Basse-Navarre, qui était alors terre espagnole, s'étendait entre les deux. Après la conquête française, le Labourd dépendit du gouvernement de Guyenne, tandis que la Soule était réunie à la vicomté de Béarn. Plus tard, la Basse-Navarre fut aussi rattachée au Béarn, quand elle cessa de faire partie du territoire espagnol, mais le Labourd resta uni à la Sénéchaussée des Lannes jusqu'en 1790.



C'est peut-être à cause de cette séparation prolongée que notre pays labourdin possédait des institutions locales qui n'existaient pas toutes dans les autres provinces basco-françaises. On trouve à cet égard de précieux renseignements dans les registres d'Ustaritz conservés aux Archives départementales des Basses-Pyrénées, dans les registres paroissiaux que nos mairies de campagne possèdent encore, et dans les Cahiers de Doléances présentés par les Basques Français aux Etats-Généraux de 1789. Je vais essayer de donner ici une idée de ce régime particulier.



Le trait saillant de l'ancienne organisation du Labourd était l'absence de tout droit féodal et la franchise complète des hommes et des terres. C'était un pays de franc alleu. Par exception toutefois, la paroisse d'Espelette formait une petite baronnie, où le régime féodal a fonctionné régulièrement jusqu'en 1695. De même les paroisses d'Urt, Guiche et Bardos appartenaient aux ducs de Gramont, seigneurs de Bidache, mais ces paroisses étaient séparées du Labourd jusqu'en 1763.



Les Nobles labourdins étaient très peu nombreux. Ils n'avaient aucune prérogative, aucune part au gouvernement du pays. A peine jouissaient-ils de quelques droits honorifiques : la première place à l'église, le droit de présenter le curé. Leur situation était celle de propriétaires un peu plus riches que les autres, mais comme leurs domaines avaient peu d'étendue, la plus grande partie des terres, environ les sept huitièmes, étaient aux mains des cultivateurs.



Les petits propriétaires étaient donc les plus nombreux en Labourd et les propriétés étaient très divisées. Tous ces petits héritages étaient protégés et maintenus par la Coutume locale qui consacrait en matière de succession un droit d'aînesse tout spécial. A la mort du père de famille, le premier né des enfants, fils ou fille, héritait seul de la maison et des terres formant les biens avitins. Cet enfant aîné, du vivant même de son père, portait le titre d'héritier ou héritière, et il était considéré comme copropriétaire de l'immeuble familial. Les actes notariés l'appellent souvent : le maître jeune ; en basque : yaunastia.



Cette Coutume avait naturellement amené la prédominance des propriétaires-cultivateurs sur les propriétaires-nobles. Toute l'administration locale était entre les mains des villageois et les gentilshommes en étaient exclus. C'était, en quelque sorte, le privilège à rebours.



La base de cette administration était la paroisse, dont les habitants formaient tous ensemble au point de vue civil une communauté. Le pays comptait, en 1789, trente-cinq communautés. C'est à elles qu'appartenaient les terres vagues, les bois, les landes, les eaux courantes, les chemins publics. Les habitants avaient la jouissance gratuite des bois et des pâturages. Ils avaient tous le droit de chasse et de port d'armes, le droit de pêche et le libre parcours pour leurs bestiaux. Ils étaient exempts de la taille et de la corvée. Ils ne payaient ni la gabelle ni le parchemin timbré, ni le contrôle. En revanche, ils devaient entretenir les routes qui traversaient le territoire, et fournir un régiment de mille hommes de pied pour défendre la frontière.



Chaque communauté possédait une Assemblée appelée en basque capitala et en français l'assemblée capitulaire. Elle était composée, non pas de tous les habitants de la paroisse, mais seulement de ceux qui étaient etcheco-yaunac, c'est-à-dire propriétaires d'une maison et de leurs héritiers.



Les femmes propriétaires étaient exclues de ces réunions, mais elles y étaient représentées par leurs maris, leurs fils aînés, ou les maris de leurs filles aînées. Les nobles et les membres du clergé pouvaient y assister, mais ils ne pouvaient exercer aucune fonction dans la communauté.



La tenue des assemblées capitulaires avait un caractère primitif et champêtre, qui ramène le souvenir aux époques lointaines des maals germaniques et des champs de mai mérovingiens. Elles délibéraient en plein air, le dimanche, à l'issue de la messe. Elles se réunissaient parfois sous le porche de l'église, souvent comme à Biarritz, dans le cimetière qui entourait l'église, ou bien sur une place ou dans un carrefour qui, dans nos villages, s'appelle encore chapitalia ou capitalécou.



Chaque année, à l'époque de Noël, l'assemblée capitulaire nommait un certain nombre de jurats, trois, cinq ou sept, suivant la population de la paroisse. Ces jurats devaient, l'année suivante, gérer les affaires de la communauté. Cette fonction était obligatoire, elle ne pouvait pas être refusée.



L'un des jurats était chargé d'exercer la police, de présider les assemblées, de correspondre avec les autorités. On l'appelait en basque hauz apeza, titre qu'on traduisait ainsi, le sieur abé. Ses attributions étaient celles de nos maires actuels et de l'alcalde des villages espagnols. Au XVIIIe siècle, ils prirent le nom de maires-abbés.



Pour traiter les affaires qui intéressaient l'ensemble du pays de Labourd, les maires-abbés de toutes les paroisses se réunissaient à Ustaritz et formaient une assemblée qui s'appelait le Bilçar d'Ustaritz.



Le Bilçar discutait sous la présidence du bailli de Labourd ou de son lieutenant. Ce bailli était un officier nommé par le roi et représentait dans le pays le pouvoir souverain. En principe, il cumulait toutes les attributions, militaires, administratives et judiciaires. Mais dans la pratique il ne s'occupait que des affaires militaires. Il chargeait son lieutenant des affaires judiciaires et laissait à un sindic général les affaires administratives et financières. Le siège et la cour du bailliage étaient fixés à Ustaritz, au château de la Motte, où se trouve la mairie actuelle.



pays basque autrefois labourd mairie
CHÂTEAU LA MOTTE USTARITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ces baillis avaient été créés par les rois d'Angleterre et remontaient à une époque reculée. Un texte du Livre d'Or établit que le bailli de Labourd existait déjà en 1247. Quant à l'origine du Bilçar on a pu dire en toute vérité qu'elle se perd dans la nuit des temps. Il n'existe aucun document qui permette de la retrouver.



A la différence du bailli et de son lieutenant, le Sindic général du pays de Labourd n'était pas un officier royal. Il était élu par le Bilçar, le représentait dans l'intervalle des réunions, et restait en fonctions d'une façon permanente. Il devait surtout maintenir l'autonomie de la province et la défendre contre les prétentions et les entreprises, quelquefois exagérées, des fonctionnaires royaux.



Il semble que cette institution n'a pris naissance qu'à une époque moderne, quand l'extension des procureurs du roi et la création des intendants donnèrent à la puissance monarchique une rigueur de fait qu'elle n'avait pas eue jusque-là.



Le Sindic de Labourd est mentionné pour la première fois en 1513, à propos de la réformation de la Coutume du pays et l'on peut croire que sa mission fut d'abord temporaire et limitée à certains actes déterminés. A partir de 1603, les sindics se succèdent régulièrement. Leurs attributions se précisent et s'augmentent de telle sorte que l'administration civile passe presque toute entre leurs mains.



Ils correspondaient d'un côté avec les maires-abbés de toutes les paroisses ; de l'autre avec tous les fonctionnaires royaux. Ils étaient trésoriers du pays, c'est-à-dire qu'ils percevaient les contributions imposées au Labourd et les versaient entre les mains des receveurs généraux des finances. Ils avaient enfin le droit de convoquer le Bilçar d'Ustaritz, chaque fois qu'ils le jugeaient nécessaire.



Les impositions générales perçues au profit du trésor royal, étaient représentées par un abonnement annuel, c'est-à-dire par une somme invariable fixée par le Conseil du roi. Cette somme était répartie par le sindic entre toutes les paroisses au prorata de leur population. Les nobles du pays en supportaient le huitième. En 1789, l'ensemble des impositions supportées par le Labourd s'élevaient à soixante mille livres en chiffres ronds.



Chaque paroisse était libre d'assurer comme elle l'entendait la part des impôts mise à sa charge. Les unes y affectaient le revenu des biens communaux : bois, moulins, pâturages. Les autres créaient des taxes locales, le plus souvent un droit sur les débitants de boissons, qu'on appelait la mayade, parce qu'il était payable au mois de mai (en basque mayatza)."



A suivre...




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