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dimanche 9 janvier 2022

LE PASSÉ ET L'AVENIR DE L'ÉMIGRATION BASQUE EN 1913 (quatrième et dernière partie)

  

PASSÉ ET AVENIR DE L'ÉMIGRATION BASQUE EN 1913.



Des centaines de milliers de Basques, du Nord et du Sud, ont émigré, partout dans le monde, et en particulier de l'autre côté de l'Atlantique, pendant des décennies, depuis 1830 environ.



emigracion vasca barco
BATEAU DE L'EMIGRATION
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Grande Revue, le 25 mars 1913, sous la plume de L. 

Bey :



"Le passé et l'avenir de l'émigration Basque.



... La démographie enregistre une population progressive. En moins de cinquante ans, le canton de Mauléon a perdu 2 560 habitants, celui de Saint-Jean-Pied-de-Port 3 593 et celui de Baigorry  4 085. C’est plus du quart de leur population respective.



A chaque conseil de révision, on ne peut se défendre d'une vive inquiétude en considérant le nombre des conscrits pour qui les secrétaires de mairie répondent : "Absent", -- mention qui se complète aussitôt par la suivante : "Dispensé, article 50 de la loi du 15 juillet 1889." Ces jeunes gens sont en Amérique, et ainsi, sur le lettre de 35 000 insoumis que compte chaque année le recrutement, le pays basque entre, au prorata de sa population, pour le plus fort contingent. 



pays basque autrefois
CONSEIL DE REVISION


Depuis quelque temps, les Conseils de Guerre traquent énergiquement les émigrés qui reviennent sans avoir fait au Consulat les déclarations nécessaires. Après les trois mois de tolérance, ils sont appréhendés par la gendarmerie et condamnés au service intégral. Cette rigueur était nécessaire.



L’émigration ne se contente pas de nous enlever des hommes, elle nous enlève également de l’argent. Nous touchons là à un mal qui, pour être caché, n’en est que plus profond. Un cadet émigré, laissant l’aîné exploiter le bien de famille. Il ne tarde pas à se rendre compte que sans avances sa situation restera précaire Alors, il demande à rentrer dans sa part d’héritage. Ses parents de France résistent au partage. Mais l’émigré s’entête, agit à coups de papiers timbrés. Ces frais d’instances de notaires, d’avoués, ces actes absorberont le plus net de l’avoir collectif. Des sommes dérisoires passeront l’Océan et ici on fera connaissance avec les hypothèques.



Encore une famille vouée à une ruine rapide. 



Quant aux fortunes d’Amérique, la légende les exagère à plaisir, suivant l’axiome : "a beau mentir qui vient de loin". Le nouvel arrivé est de suite roi de quelque chose : "roi du bétail, roi des cuirs, des laines". Mais la réalité se charge souvent de réduire chaque million à une centaine de mille francs ; et encore ! Dans ces évaluations le bluff opère. 



Les fortunes les plus assises sont celles qui se rattachent aux sociétés en participation, dont quelques-unes sont très fortement établies, et dont les administrateurs successifs, choisis parmi des hommes de valeur ont vraiment le sens des affaires. L'échelle de leurs dividendes se répartit d’une façon très judicieuse. Quant aux rares fortunes édifiées en un moment sur des coups de bourse ou sur la spéculation des terrains, elles ont leur destin habituel. On cite des paysans qui, ayant gagné, un soir de marché à Mauléon, quelques centaines de francs au "banco", dans une auberge, sont partis avec cette avance jouer à Buenos-Aires et y faire jouer. Ils y ont réalisé d’immenses fortunes.



Mais le nombre est infiniment plus élevé de ceux qui, ayant perdu à ce jeu leur patrimoine, ont abandonné femme et enfants pour se refaire en Amérique et dont on n’a plus eu signe de vie. 



Le bilan.



De l’ensemble de ces considérations et tous comptes faits, il ressort que l'Amérique nous prend en hommes et en capitaux beaucoup plus qu’elle ne nous rend. L’émigration actuelle est dans la situation d'un capital humain qui, placé à l’étranger, rapporterait du cinq pour cent. Ce résultat, qui pourrait paraître appréciable, ne l’est plus quand on considère que ce placement est fait à fonds perdus.



Si on le veut, une partie de ce capital, vingt pour cent environ, contribuera à l'influence française. Nos nationaux qui acquièrent une situation en Amérique et qui y restent, sont, pendant longtemps peut-être, plus Français que s’ils étaient restés au pays. Mais, disséminés dans des territoires immenses, sans force, sans cohésion, au milieu du formidable apport européen, ces éléments ne peuvent faire œuvre utile. La prépondérance est acquise aux pavillons anglais, allemands et italiens.



Quant au reste de nos nationaux, aux soixante-quinze pour cent, c’est l’irrémédiable déchet.



Les Etats d Europe qui n’ont pas de colonies peuvent pratiquer cette extériorisation. Mais la France qui a un splendide domaine colonial, où tout maintenant est pour le mieux, sauf que ces colonies n'ont pas de colons français, a le devoir de remédier à ce mal. Le propriétaire qui a des fonciers fertiles et qui les abandonne pour travailler chez le voisin s’expose aux plus cruelles aventures. Ainsi fait la France avec l'émigration basque-américaine.



En suivant cet ordre d'idées, on découvre ce que donnerait, dans notre domaine colonial, l'utilisation de ces forces qui peuvent être considérées comme perdues dans les Etats d’Amérique. On se rend compte de ce que donnerait aujourd’hui un groupement basque constitué par exemple depuis trente ans sur une partie du sol algérien, devenu "l’autre France". Il aurait été transplanté là comme on y a transplanté les Alsaciens, les Lyonnais. Il se serait étendu dans un revers de l'Atlas, dont les contours ont des analogies nombreuses avec les Pyrénées. Il comprendrait un cercle de plusieurs villages, tous avec leur fronton, leur école, leur curé, et rappellerait exactement les tableaux qui sont familiers dans le pays traversé par la Nive. Une garnison militaire pourrait se trouver à proximité et c'est là que le recrutement adresserait de préférence les soldats basques, pour qu’ils puissent passer leurs dimanches, leurs congés, auprès des compatriotes et se mêler à leurs travaux. ,



Ces terres des Hauts-Plateaux, qu’exploitent aujourd'hui des Espagnols et des Italiens qui se font naturaliser pour la forme, auraient aujourd’hui de véritables enfants de la France, prêts à répondre à son premier appel. 



Ce qui n’a pas été réalisé autrefois reste-t-il une utopie ?



Le projet d’un essai de colonisation basque-algérienne lui-même imposé à l’opinion. M. Jonnart, quand il était au gouvernement algérien, en avait été saisi et s’y était fortement intéressé. Lorsque M. Lutaud l’a remplacé, un homme bien indiqué pour préparer le terrain est arrivé au Secrétariat général de l'Algérie : M. Depont qui, ancien administrateur de commune mixte, avait été à même d’étudier la question basque, dans son passage a la sous-préfecture de Mauléon-Soule. Son dévouement absolu est acquis au projet. 



Un autre homme sur qui on peut compter et dont l’influence est très grande au pays basque, est M. Lorin, professeur de géographe. 



Beaucoup d’autres personnalités, même des Basques revenus d’Amérique, sont arrivés à la conviction que l’essai est non seulement nécessaire, mais encore possible. M. Larre, un ami de M. Depont, est, pour sa part, disposé à se consacrer entièrement à cette œuvre, et des familles d’agriculteurs basques lui ont donné leur adhésion.



Pour ceux que le projet intéresse, il ne peut être question d’arrêter tout d’un coup l’émigration américaine. Mais en tenant pour acquis qu’elle constitue une aventure où les chances d'insuccès sont bien plus nombreuses que celles de réussite, il s’agit de présenter à nos compatriotes désireux de voyager, une orientation neuve le, privilégiée même, surtout pour ceux qui accepteront de partir les premiers pour former le noyau d’un groupement basque-algérien.



Pour entrer dans le domaine pratique, le moment est venu pour le ministère des Colonies de saisir du projet les représentants des Basses-Pyrénées, les membres du Conseil Général, ceux de la Chambre de Commerce de Bayonne



Il y va de la mise en valeur de notre colonie, du bonheur de nos compatriotes ; il y va des intérêts matériels et moraux de la France."




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