LE CHÂTEAU DE BIDACHE.
Le château de Bidache fut le siège de la principauté souveraine de Bidache et appartenait à la famille des seigneurs de Gramont, au moins depuis 1329.
Je vous ai déjà présenté les châteaux suivants :
Caradoc (Bayonne), Urtubie (Urrugne), Arcangues, Maytie (Mauléon), Bidache, Haïtze (Ustaritz),
Beraün (Saint-Jean-de-Luz), Artigaux (Moncayolle), Lacarre, Irumberry (Saint-Jean-le-
Vieux), Ahetzia (Ordiarp), Ruthie (Aussurucq), Cheraute, Ahaxe, Charritte, Menditte, Eliçabia (
Trois-Villes), Elhorriaga (Ciboure), Larrea (Ispoure), Saint-Pée-sur-
Nivelle, Mouguerre, Mauléon, Sault (Hasparren), Jaureguia (Armendarits), Garro (Mendionde),
Beyrie sur Joyeuse, Etchauz (Saint-Etienne-de-Baïgorry), Luxe-Sumberraute, les châteaux sans
histoire, le château de Laxague à Ostabat, et le château d'Aphat à Bussunarits-Sarasquetteil, et le
château d'Espelette, voici aujourd'hui le château de Bidache.
Voici ce que rapporta à son sujet, J. Nogaret, dans le Bulletin du Musée Basque N° 11 de 1936 :
"Les châteaux historiques du Pays Basque Français.
Chapitre Quatrième.
La souveraineté de Bidache.
Les châteaux de Gramont à La Moularie et Bidache.
... Cette amitié était du reste absolument désintéressée de la part de Diane qui eut toujours en vue le triomphe de la cause d'Henri et lui prêta un précieux concours en hommes et en argent. Lorsqu'il était aux prises avec les armées de la Ligue, n'ayant que des ressources tout à fait insuffisantes, Diane, avec un dévouement et un désintéressement absolus, fit l'impossible pour assurer son succès, sacrifiant ses bijoux et compromettant même sa fortune.
PORTRAIT DE DIANE D'ANDOINS ET CATHERINE SA FILLE 1565 PAR SOFONISBA ANGUISSOLA |
C'est ainsi qu'en 1582, alors qu'Henri de Navarre était à court d'hommes et d'argent, elle décida de lui fournir une véritable armée. Dans ce but, elle réunit dans ses domaines un effectif de plusieurs milliers d'hommes, les fit équiper et instruire et les expédia sur le théâtre des hostilités. Cette troupe partit au mois de Septembre en défilant devant la terrasse du château sur laquelle se tenait la comtesse qui lui fit ses adieux en lui souhaitant d'heureux succès. Elle lui avait remis une bannière aux couleurs de sa maison, rouge et noire et, brochant sur le tout, sa devise : "Dios nos ayude".
En Octobre 1587 le roi de Navarre, victorieux à la bataille de Coutras, avait pris 22 drapeaux à l'armée ennemie. Il en fit hommage à celle à qui il devait en partie son succès et Diane les reçut dans le grand salon du château, où ils précédèrent de quelques jours la venue du vainqueur de Joyeuse.
HENRI III ROI DE NAVARRE 1584 |
Henri conserva toujours à Diane une grande reconnaissance dont on trouve la preuve dans la correspondance qu'il ne cessa d'entretenir avec elle, même lorsqu'il fut devenu roi de France.
Diane n'était pas seulement une femme énergique et généreuse ; c'était une lettrée, comme beaucoup de ses contemporaines. Montaigne a dit d'elle : "... il y a peu de dames en France qui jugent mieux et se servent plus à propos de la poésie". A ces talents littéraires elle joignait une passion pour les animaux et tant qu'elle vécut le château de Bidache fut un paradis pour beaucoup d'entre eux.
Le fils de Philibert, Antoine II, vécut fort longtemps et eut une existence assez mouvementée. Il a laissé la réputation d'un caractère farouche et d'une humeur batailleuse. On ignore s'il eut des amis ; mais on sait qu'il eut beaucoup d'ennemis. On a vu, dans l'article relatif au château d'Echauz, quelle fut son attitude à l'égard de l'évêque de Bayonne. II fut aussi en difficultés avec Bertrand de Baylens, baron de Poyanne, avec Jean d'Esquille, président du Parlement de Navarre et surtout avec le maréchal de La Force, qui a porté sur lui cette appréciation : "C'est un homme qui n'est bon à rien et duquel je serais très aise que nous n'ayions jamais fréquentation. Quelque semblant qu'il fasse, il est de la race des démons qui craignent les épées. Son impudence est étrange, car les choses qui lui sont les plus honteuses, il veut en tirer avantage. Cette âme est si déloyale qu'il ferait, s'il avait accès céant, empoisonner l'un de nous".
JACQUES NOMPAR DE CAUMONT MARECHAL DE LA FORCE |
Mais les ennuis qu'il causait aux uns et aux autres étaient peu de chose à côté du drame dont le château de Bidache fut le théâtre et qui impressionna vivement l'esprit populaire.
La comtesse, Louise de Roquelaure, fille du gouverneur de la Guienne, eut un moment de faiblesse avec un écuyer du comte, au mois de Mars 1610. Le comte, les ayant surpris, tua le coupable de sa main et usant de son droit souverain soumit le cas au tribunal de Bidache, qui condamna la comtesse à la peine de mort.
Toutes les démarches faites par les parents et les personnes influentes pour fléchir le comte furent sans résultat. Marie de Médicis elle-même s'intéressa au sort de Louise de Roquelaure et s'aboucha avec l'abbesse de la Trinité à Poitiers pour qu'elle reçut la jeune femme ; mais à peine les pourparlers étaient-ils terminés qu'elle fut prévenue par le gouverneur du château de Garro que la comtesse venait de mourir. Il existe, sur sa fin, plusieurs versions.
D'après la tradition populaire, le jugement aurait été suivi d'exécution.
Pierre de l'Etoile a écrit : "qu'elle mourut d'une grande misère et langueur ".
Tallemant des Réaux prétend que le comte la mit dans "une chambre où le plancher, à un endroit, s'effondrait dans un puits profond. Elle y tomba et se cassa la cuisse, dont elle mourut".
Tout en reconnaissant que la culpabilité de la comtesse était aggravée du fait que Nafizan était le frère naturel du comte, on doit reconnaître que la pauvre femme expia bien cruellement un moment d'égarement.
Antoine II fut le dernier des Gramont qui ait fait de Bidache sa résidence habituelle. Avec son fils, Antoine III, comte de Guiche, puis pair et maréchal de France (1641), la famille connut l'apogée de sa fortune. C'était le type accompli du grand seigneur de cette époque raffinée et il sut devenir l'homme de confiance du roi Louis XIV qui le chargea de plusieurs missions à l'étranger et notamment, en 1659, de l'ambassade à Madrid pour demander au roi Philippe IV la main de sa fille, l'infante Marie-Thérèse. Aussi passa-t-il presque tout son temps à Paris et n'habita-t-il son château de Bidache que pendant les dernières années de sa vie.
ANTOINE III DE GRAMONT DUC DE GRAMONT |
Au XVIIe siècle les biens des Gramont étaient considérables. En plus de la seigneurie de Bidache, érigée en duché-pairie en 1643, la famille possédait huit châteaux en Béarn, Bigorre, Soule, pays d'Albret et Guienne. Les Gramont étaient gouverneurs héréditaires de Bayonne, du Labourd et de la Soule, vice-rois de Béarn et lieutenants-généraux du roi dans les pays circonvoisins.
Leur résidence, dont il sera question un peu plus loin, était princière. Du reste Bidache était une localité beaucoup plus importante que de nos jours et on y trouvait une réduction de toutes les administrations nécessaires au fonctionnement d'un état indépendant : un tribunal, des agents collecteurs d'impôts, une collégiale, des casernes pour les bandes gramontoises, troupes à la solde du duc qui dépassaient quelquefois mille hommes, etc... Enfin, les Gramont étaient souverains dans leur seigneurie et bien qu'il ne fut pas possible de dire quelle était son origine, cette souveraineté fut reconnue par tous les rois jusqu'à la Révolution.
Les descendants d'Antoine III ne vinrent que très rarement à Bidache. Son fils, le comte de Guiche, connu surtout par ses aventures galantes, y séjourna quelque temps, sur l'ordre de Louis XIV, pour l'éloigner de Madame qu'il compromettait par ses assiduités.
Les Gramont qui se succédèrent pendant le XVIIIe siècle y vinrent de moins en moins, retenus qu'ils étaient auprès du roi par les fonctions qu'ils avaient à la cour et à l'armée, en particulier la charge héréditaire de colonel des Gardes Françaises.
A la Révolution le duc et son fils émigrèrent ; mais le second revint sous l'Empire et prit du service dans les armées de Napoléon ; il fit la campagne de Russie. Très affaibli par la désastreuse retraite de 1812, il se fit mettre en invalidité et se retira à Bidache.
Antoine X, après avoir été à l'Ecole Polytechnique, entra dans la diplomatie, représenta la France à la cour électorale de Hesse, en Sardaigne, puis en 1860 auprès de l'empereur d'Autriche. Revenu en France, il était ministre des Affaires Etrangères lorsqu'éclata la guerre avec l'Allemagne, en 1870. Ce fut le dernier qui ait joué un rôle politique.
ANTOINE ALFRED AGENOR DE GRAMONT |
La famille est actuellement représentée par le duc Armand de Gramont, petit-fils du précédent. Physicien de grande valeur, qui s'est fait un nom dans le monde scientifique par ses travaux sur l'optique et l'aérodynamique du plan ainsi que par la création de l'Institut d'Optique Théorique et Appliquée. Il est membre de l'Académie des Sciences depuis le mois de Février 1931.
PORTRAIT D'ARMAND DE GRAMONT PAR PHILIP ALEXIUS DE LASZLO |
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