LA DUCHESSE DE GRAMONT ET LE PAYS BASQUE EN JUILLET 1905
LA FAMILLE GRAMONT AU PAYS BASQUE.
Margaretha, dite Marguerite de Rothschild, duchesse de Gramont, est née à Francfort-sur-le-Main le 19 septembre 1855 et morte à Paris le 25 juillet 1905.
PORTRAIT DE MARGUERITE DE ROTSCHILD DUCHESSE DE GRAMONT PAR PHILIP ALEXIUS DE LASZLO 1902
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Gaulois, le 27 juillet 1905 :
"C'était une femme admirable par le coeur et par l'esprit, et aussi par sa beauté, que la duchesse de Gramont qui vient de mourir à la suite d'une cruelle maladie. Elle a élevé la première fille de son mari, comme ses propres enfants, avec un soin maternel de tous les instants. Aux regrets qu'elle laisse à tous les siens et à ses amis, on peut mesurer son mérite ; mais on ne saura pas les regrets de ceux qui recevaient ses bienfaits cachés. Elle était charitable avec une exquise discrétion et une générosité sans bornes, ayant auprès d'elle une personne uniquement chargée de distribuer ses bonnes ouvres et d'aller porter à domicile les secours qu'elle savait nécessaires et dont elle devinait parfois la nécessité voilée.
Elle était la fille de cette baronne de Rothschild qui fut une des femmes les plus séduisantes de sont temps et écrivit la musique de cette délicieuse romance :
Si vous n'avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi ?
La maison de Gramont est incontestablement une des plus anciennes et des plus illustres de France. Elle est représentée actuellement par le duc de Gramont et ses enfants, par ses frères et sa soeur ; ses enfants sont, on le sait, la marquise de Clermont-Tonnerre, fille du premier mariage de son père avec la princesse Isabelle de Beauvau, le duc de Guiche, premier enfant issu du second mariage du duc et aujourd'hui marié à Mlle Greffulhe, beau et excellent cavalier, en qui revivront les belles traditions de sa maison, la comtesse Hélie de Noailles et le comte Louis-René de Gramont, qui revient d'Oxford. Les frères du duc de Gramont sont le duc de Lesparre, qui a épousé Mlle de Gonegliano ; le comte Alfred de Gramont, qui fait partie du Service d'honneur de Monsieur le Duc d'Orléans, et sa soeur est la comtesse de Brigode.
PORTRAIT DE ANTOINE XI ALFRED DE GRAMONT PAR PHILIP DE LASZLO 1902
L'oncle du duc de Gramont, le général duc de Lesparre, mort en 1877, n'a laissé que trois filles, la comtesse de l'Aigle, la comtesse d'Archiac, morte l'année dernière, et la comtesse de Bryas.
Un autre de ses oncles, le général comte de Gramont, a laissé un fils unique.
Une autre branche, celle des Gramont d'Aster, est représentée par le comte de Gramont d'Aster, qui a épousé Mlle Odette de Montesquieu-Fezensac, et par la comtesse de Vergennes.
La maison de Gramont ne porte ce nom que depuis le milieu du seizième siècle. Elle l'a adopté par alliance, à l'exclusion du sien qui était cependant illustre, car c'était alors la maison d'Aure qui possédait la vicomte d'Aster et remontait à Sanche-Garcie d'Aure, vicomte de Larbourt, au comté de Foix, en 1381.
C'est Menaud d'Aure, vicomte d'Aster, qui épousa en 1525 l'héritière des Gramont qui étaient princes, souverains de Bidache et de Barnache, dans le comté de Bigorre, alliés aux rois de Navarre et d'Aragon, et aux comtes de Béarn.
La maison de Gramont a exercé son autorité souveraine à Bidache jusqu'en 1789. Le titre de prince de Bidache appartient encore aux ducs de Gramont, avec celui de duc de Guiche, qui est toujours porté par le fils aîné du duc. Bidache avait sa milice spéciale, qu'on appelait les bandes Gramontoises et dont le prince nommait les officiers.
La belle Corisandre, veuve du comte de Gramont, Diane d'Andouins, dont Henri IV fut amoureux, lui envoya un renfort de vingt-quatre mille garçons qu'elle avait levés à ses frais. Henri IV l'en remercia en déposant à ses pieds, au château de Guiche, vingt-deux drapeaux pris sur l'ennemi.
PORTRAIT DE DIANE D'ANDOINS ET SA FILLE CATHERINE
Les Gramont sont alliés à la maison de France par Christine de Noailles, qui était la tante du comte de Toulouse et la grand'tante du duc de Penthièvre, qui était lui-même le grand-père de Louis-Philippe.
Ils ont eu également une alliance avec la maison de Lorraine.
On compte dans cette maison deux maréchaux, six lieutenants-généraux, six cordons bleus, un chevalier de la Toison d'Or, des chevaliers de Malte, plusieurs cardinaux et évêques.
Antoine, comte de Gramont, fils de la belle Corisandre, épousa Louise de Roquelaure et en eut deux fils, beaux tous les deux, qui commencèrent la grande illustration de la famille à des titres divers. Ces deux fils furent le maréchal duc de Gramont, et le chevalier, puis comte de Gramont, dont les mémoires, écrits par son beau-frère Hamilton, sont restés célèbres, et obtinrent difficilement l'autorisation d'être publiés en France.
Le maréchal fut connu d'abord comme comte de Guiche. Il vint à quatorze ans à Paris "pour apprendre ses exercices", et fit ses premières armes auprès de Louis XIII, au siège de Montpellier, en 1621. Il servit ensuite en Italie, fut blessé au siège de Mantoue, et sa vie ne fut qu'une suite de batailles, en Italie, en Flandres, en Allemagne, en Catalogne. Il fut à l'assaut de Lerida, au son des violons, et contribua à la victoire de Lens.
ANTOINE III DE GRAMONT MARECHAL DE FRANCE 1641
Maréchal en 1641, colonel général des gardes-françaises, chevalier des ordres, il est créé duc et pair en 1663. Gouverneur de Bayonne, il est envoyé à Madrid, chargé de demander la main de l'infante Marie-Thérèse pour Louis XIV, et meurt à Bayonne, en 1678, vice-roi de Navarre et de Béarn.
On a de lui des mémoires intéressantes au point de vue militaire et diplomatique.
Il avait épousé une parente de Richelieu. Il savait prendre habilement le cardinal aux heures les plus difficiles.
Un jour, il le surprit dans son cabinet, en simple veste, sautant au mur, pour faire de l'exercice. Le cardinal n'aimait pas être surpris en pareille posture.
— N'est-ce que cela ? dit Gramont. Je parie d'en faire autant.
Et, sans attendre la réponse, il met habit bas et saute au mur avec le cardinal, qui rit de bon coeur.
Le frère du maréchal, Philibert, comte de Gramont, était un étourdi plein d'esprit, gentilhomme accompli, mais dont les aventures furent un peu vives.
PHILIBERT DE GRAMONT
Cordon bleu et lieutenant-général du Béarn, il est exilé pour avoir osé faire la cour à Mlle de La Motte. Il se réfugie en Angleterre, y devient l'ami de Charles II. Gagnant beaucoup au jeu, Gramont menait une existence fastueuse et licencieuse aussi. Il avait courtisé Mlle Hamilton, et il songeait à rentrer en France pour éviter de l'épouser. Mais il fut rejoint à Douvres par les deux frères de la jeune fille, qui lui crièrent de loin :
— Comte de Gramont, n'avez-vous rien oublié ?
— Si fait, dit-il aussitôt, j'ai oublié d'épouser miss Hamilton.
Il retourna à Londres et épousa. Molière fit de cette aventure défigurée le sujet du Mariage forcé.
Le comte de Gramont était d'une bravoure bien connue ; il avait cédé par devoir et non par crainte.
Rentré en grâce auprès de Louis XIV, il écoutait, avec la Cour, le Miserere, de Lulli, à genoux, comme le Roi.
— Qu'en dites-vous ? dit le Roi en se relevant.
— Eh, sire, je dis que cette musique est bien douce aux oreilles et bien dure aux genoux.
Le maréchal laissait deux fils : Armand, comte de Guiche, qui se couvrit de gloire au passage du Rhin et dans d'autres batailles, et mourut de dépit d'avoir été battu par Montecuculli ; et Antoine-Charles, deuxième duc de Gramont, qui fut le père du second maréchal duc de Gramont. Mme de Sévigné disait du comte de Guiche qu'il était "seul de son air". Il était beau, spirituel et admirablement doué.
Celui-ci, né en 1672, maréchal en 1724 et mort en 1725, membre du conseil de régence, fut aussi un vaillant soldat, mais moins heureux que son grand-père. Il fut ambassadeur à Madrid et fut gouverneur général de la Navarre et du Béarn.
PORTRAIT D'ANTOINE V DE GRAMONT MARECHAL DE FRANCE EN 1724
C'est à lui qu'arriva la plus désagréable aventure, pour un courtisan.
Louis XIV ayant fait un madrigal, craignait les flatteurs ; il le montre au maréchal sans lui avouer sa paternité, se bornant à dire :
— N'est-ce pas que voilà un méchant madrigal ?
Le maréchal lit à peine, fait la moue et répond :
— Votre majesté a bien raison ; il ne se peut rien voir de plus mauvais.
— Je m'en doutais, dit le Roi en riant. Il est de moi !
Ce second maréchal de Gramont eut trois fils, dont deux furent lieutenants-généraux. Le second fut tué d'un boulet à la bataille de Fontenoy. Son fils, sixième duc de Gramont, épousa Béatrix de Choiseul, soeur du duc de Choiseul, premier ministre, sur qui elle exerça une grande influence.
PORTRAIT DE LA DUCHESSE DE GRAMONT PAR ALEXANDRE ROSLIN VERS 1774
Arrêtée pendant la Terreur, elle monta à l'échafaud avec la duchesse du Châtelet, et montra comme elle un courage admirable et un souverain mépris de ses juges.
Son fils, qui avait émigré, fut général sous la Restauration. Il fut père du duc de Gramont, qui fut ambassadeur de Napoléon III et ministre des affaires étrangères en 1870, et du général duc de Lesparre.
Le duc actuel, qui a été un officier des plus distingués, est, on la sait, le fils de l'ancien ministre.
Il faudrait citer encore plusieurs personnages illustres de cette famille essentiellement militaire, où cependant les ambassadeurs furent nombreux.
On ne peut ignorer les Gramont quand on sait l'histoire de France. La race est des plus belles et des plus affinées ; tous ceux qui ont connu la duchesse de Gramont qui vient de mourir savent qu'elle avait épousé ce passé de gloire et qu'elle en avait conservé noblement la tradition dans l'éducation de ses enfants."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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