SUR LES RIVES DE L'ADOUR ET DE LA SEINE EN OCTOBRE 1937.
En 1937, le Pays Basque est représenté au Musée Basque et de l'Histoire de Bayonne mais aussi à l'Exposition universelle de Paris.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien A la Page, le 14 octobre 1937, sous la plume de Michel
Guy :
"La Seine et l'Adour : deux miroirs qui reflètent le sourire basque.
Le touriste qui veut saisir l'âme d'un pays ne dispose souvent pas du temps nécessaire ni de la culture suffisante pour arriver à ses fins. Ignorant les coins cachés où s'exprime davantage le caractère particulier, il longe les routes et les chemins, frôlant souvent sans les voir les monuments que masquent les rideaux de verdure. Etrange à la province qu'il fouille, il ne peut sans difficultés se mêler à la société, aux gens qui gardent jalousement le dépôt précieux de la tradition.
A notre époque tourmentée, agitée, pressée, on n'a pas le temps de tout voir, de tout entendre... et surtout pas le temps de tout réunir, de tout méditer. La voiture file trop vite sur les routes, brûlant les signaux de l'existence qui se déroule en bordure.
Et puis, peu à peu, disparaissent ces traditions, ces caractères particuliers qui établissaient les distinctions entre les provinces ! Il n'y a plus que le vin dont les crus gardent leurs bouquets distinctifs. Le terroir fiche le camp ! On unifie tout. Il faut être un fin fureteur, presque un détective, pour découvrir derrière une colline, au fond d'un chemin creux, la chapelle, la ferme, le hameau... il faut être sur place pour saisir comme au vol une cérémonie, une fête, qui n'ont lieu qu'à certains jours de l'année...
Le commandant Boissel réunissait toutes ces conditions. Il aime son pays basque, il y vit et il le connaît. Que de fois, sac au dos, il est parti vers les grèves de l'Océan ou vers la montagne par les sentiers sinueux illustrant sur place les richesses déjà acquises par de longues études.
PORTRAIT DU COMMANDANT BOISSEL MUSEE BASQUE ET DE L'HISTOIRE DE BAYONNE |
C'est pour faire bénéficier tous les compatriotes de sa petite patrie, c'est aussi pour enseigner tous ceux qui courent à la recherche d'une France qui disparaît chaque jour, qu'en 1922 il décida de faire partager le fruit de son travail.
C'est peut-être aussi pour sauver du déluge unificateur dans cette arche de pierre les précieux témoignages des siècles passés.
Sur les rives de l'Adour.
M. Garmendia, secrétaire, en l'absence du commandant Boissel retenu à Paris pour l'Exposition, fait les honneurs du musée de Bayonne.
La première salle présente une vue d'ensemble du pays basque français, donnée par des estampes, des costumes, quelques objets familiers.
La deuxième salle présente une évocation schématique du pays basque espagnol qui possède à San-Sebastian, à Pamplona, à Bilbao, de remarquables musées régionaux. Cette salle, enrichie des dons annoncés par les Exomas Disputaciones de la Navarre et des "Provincias vascongadas", Alava, Guipuzcoa, Biscaye, devient un témoignage permanent des liens qui unissent tous les Basques, ainsi qu'une invitation au voyage dans une magnifique région au passé glorieux, à l'avenir plein de promesses.
Ensuite, un intérieur basque : on y voit comment peuvent travailler, dans l'atelier familial ou sur le seuil de leur maison, le fabricant de makhilas, le chocolatier, le tisserand, le sandalier, le sabotier. On pénètre dans la chambre à coucher, dans la cuisine et ses dépendances. Tout cela est présenté avec simplicité, naïveté parfois, car les plus humbles collaborations ont été sollicitées, mais avec une scrupuleuse exactitude. Pas de poupées, pas de mannequins. Ce vide, on l'a souvent remarqué, est singulièrement évocateur. Absences d'un moment. Le maître ne va-t-il point rentrer de son travail ? L'Etchekoandre ne va-t-elle pas apparaître devant la grande cheminée pour préparer le repas, et la servante n'a-t-elle pas déposé, il n'y a qu'un instant, sur le bord de l'évier, la cruche remplie à la fontaine ?
TISSERAND MUSEE BASQUE ET DE L'HISTOIRE DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Descendons maintenant. Nous quittons la maison des vivants pour celle des morts, hilherria, un de ces petits cimetières qui, tout autour des églises basques, apparaissent comme des jardins où parmi les buis et les fleurs rustiques jaillit de place en place une belle stèle discoïdale à l'ornementation symbolique, vieille de plusieurs siècles. Puis l'émouvante chapelle, bénite en 1930 par Mgr l'évêque de Bayonne et que les offrandes spontanées des visiteurs permettent d'entretenir. Enfin, l'auberge du pêcheur avec, dans le fond, la barque tirée à terre et le tonneau de cidre ; rendez-vous, à certains jours de fête, d'une foule élégante et joyeuse.
AUBERGE DU PÊCHEUR MUSEE BASQUE ET DE L'HISTOIRE DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Face à la chapelle s'ouvre sur le cimetière la grange-étable, l'escaratza, si vraie, elle aussi, qu'on a vu des moutons dans son parc et dans ses stalles des boeufs couleur de froment et le petit cheval de la carriole de Ramuntcho. Remisées dans un coin, les pompes des villages et la vieille calèche du notaire ou du châtelain.
ESKARATZA MUSEE BASQUE ET DE L'HISTOIRE DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nous prenons au fond de la remise cet escalier, et nous changeons de climat. Les souffles de la mer amie des Basques se font sentir. Voici les pêcheurs de baleine, les morutiers de Terre-Neuve, les émigrants "aux Amériques" ; voici le bateau d'Elcano qui, le premier, fit le tour du monde, et la magnifique carte où l'on peut suivre les navigations audacieuses des marins de la Cantabrie.
Après cette envolée vers le large, revenons sur la terre basque. Salle du mobilier et salle des châteaux contiennent des types de meubles et de faïences aujourd'hui très rares, et des souvenirs précieux des vieilles familles de la région.
VAISSELIER CUISINE MUSEE BASQUE ET DE L'HISTOIRE DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nous montons et nous nous trouvons au milieu des divertissements basques : la chasse à la palombe et ses manoeuvres précises qui, dans la splendeur de l'automne, dirige le vol migrateur vers le filet tendu sur la montagne, parmi les fougères jaunissantes ; la pelote, avec tous les modèles de gants, quelques chisteras célèbres, un petit fronton. La danse, assemblage pittoresque de costumes et d'images ; la musique et le théâtre, ces instruments primitifs, ces pastorales si ressemblantes encore à nos mystères du moyen âge, même lorsqu'elles ont pour sujet, comme la plus récente, "Guillaume II ou la campagne de France".
ACTEURS DE LA PASTORALE GUILLAUME II BARCUS 1929 MUSEE BASQUE ET DE L'HISTOIRE DE BAYONNE |
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