LA DESTITUTION DU COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1794 (cinquième partie)
LE COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN 1794.
A partir d'octobre 1793, le Comité Révolutionnaire sévit à Bayonne, en Labourd.
COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793 PAYS BASQUE D'ANTAN
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 3 de janvier 1929 de la Société des Sciences, Lettres,
Arts et Etudes Régionales de Bayonne, sousla plume de René Cuzacq :
"... 2. Les tâtonnements de Pinet aîné et le premier Comité révolutionnaire (10 Octobre 1793-31 Janvier 1794).
Celui d'entre eux qui joua le rôle essentiel dans le Comité tel qu'il nous apparaît définitivement constitué est Nicolas Aillet, comédien de Rouen, que les hasards d'une tournée ont amené à Bayonne. Rives est un maître de danse d'Agen qui ne sait, nous dit-on, ni lire, ni écrire. Duvau est un horloger de Châtellerault que sa vie errante d'artisan de l'ancienne France a conduit aux bords de l'Adour. Jean-Baptiste Rigaud est un perruquier de Rabastens du Tarn. Coutanceau est un clerc tonsuré de Toulouse que la Révolution a arrêté sur le chemin de la prêtrise et qui est devenu brigadier de charrois à l'armée. Par contre, Lartigue est un Bayonnais, serrurier nommé courrier de la malle, et Sempé est un tailleur de Lembeye. Pour tous, le Club des patriotes, dont ils sont les meneurs, a été le moyen de monter sur le pavois. Mais le citoyen Aillet qui les préside voit encore à leurs côtés un allemand de Nuremberg, Pflüger — et un philosophe espagnol, (c'est ainsi que s'intitule ce madrilène et ancien homme de loi), Santivagnès.
Tels sont les hommes qui sont désormais les maîtres de Bayonne. A l'origine cependant, le Comité ne se dégage pas toujours très bien de cette Société populaire dont ses membres sont issus et d'où le parti révolutionnaire tire le meilleur de sa force et de sa vertu. Le 16 Octobre, Aillet monte encore à la tribune du Club ; à la fin de novembre, — le 9 frimaire — Coutanceau est toujours au fauteuil.
A la différence de tant d'autres Comités, celui de Bayonne parfois semble hésiter pour engager à lui seul l'action vigoureuse et suivie en vue de laquelle tant de pouvoirs ont été concentrés entre ses mains.
Il faut agir pourtant — et avant tout, désigner les suspects, comme l'exige la loi. Le 11 Octobre, à peine constitué depuis un jour, le Comité tient sa première réunion ; l'action répressive commence ; le Comité ouvre sa série des arrestations par celle de Dominique Cabarrus, âgé de 78 ans, père de la fameuse Thérèse, qui dès le lendemain doit être dirigé sur la maison de réclusion de Pau, puis de Tarbes ; cette mesure exceptionnelle donne beaucoup à penser par ailleurs : quelles craintes soulève donc ce vieillard, ou plutôt son argent, puisqu'il faut l'éloigner au plus vite de Bayonne ? Du 12 Octobre au 5 Novembre, les arrestations, les visites domiciliaires, les perquisitions se succèdent ; la guillotine est dressée en permanence place de la Liberté.
GUILLOTINE SOUS LA TERREUR
Une affaire non moins importante fut celle de la municipalité coupable d'Hasparren, où les aristocrates agiotent sur le discrédit de l'assignat et les changes, se livrent à la contrebande des denrées avec l'Espagne ; le 3 Novembre 1793, le Comité décide d'arrêter le maire Diharce, le procureur de la commune, cinq officiers municipaux, le juge de paix, un notaire, un employé des Douanes ; il nomme une municipalité nouvelle, sans en référer aux représentants en mission comme il y était tenu ; ceux-ci pour l'instant ne semblent point prêter grande attention à cette faute vénielle.
La Terreur religieuse suit la Terreur politique ; mais sur ce terrain, le Comité révolutionnaire se maintient en liaison étroite avec la Société populaire dont il est sorti. Il s'agit ici avant tout d'extirper le catholicisme ; dès la fin du mois d'Octobre, on commence la descente des cloches ; on pousse aux déprêtrisations, qui se multiplient en Novembre et en Décembre. Mais surtout le Comité a sa juste part dans la grande fête de la raison célébrée à la Cathédrale dès lors désaffectée le 30 Novembre — 10 frimaire. Rien n'y manque : statues du portail ou de l'intérieur de l'église mutilées et brisées, reliques défoncées, discours de Pinet du haut de la chaire, en présence des membres confondus de la municipalité, du Comité et de la Société, mélangés aux autres patriotes de la ville. Après quoi le Président du Comité Aillet et son ami Coutanceau, en compagnie de Martineau, Frèze et Candau, à la grande colère des "calottins" et des "calottines" brûlent au pied de l'arbre de la Liberté, les reliques de Saint-léon préalablement extraites de la châsse ou plutôt de la "caisse" d'argent qui les contenait. En Décembre, missionnaire laïque d'un nouveau genre, Coutanceau exorcise le pays de Cambo et d'Ustaritz et travaillent aux abdications sacerdotales.
Le Comité d'autre part ne néglige rien pour promouvoir l'esprit public : fêtes en l'honneur de Marat et de Lepelletier que préside son Président Aillet et repas civique qui l'accompagne à la fin d'Octobre 1793 ; fêtes pour la reprise de Toulon à Bayonne (style esclave), à Port de la Montagne (style libre) ; dons patriotiques ; essais de revalorisation de l'assignat se succèdent ou se mélangent. Dès le 16 Octobre, un membre du Comité annonce à la Société que l'échange de l'or et de l'argent contre le papier monnaie a lieu avec succès ; Monestier le 13 Frimaire put en dire autant au Comité de Salut Public ; encore eut-il fallu ajouter que la contrainte et la peur furent pour une large part dans le succès relatif du Comité révolutionnaire.
Mais trop souvent ces mesures grandiloquentes se suivent sans grande vigueur et la lutte anticatholique n'est qu'un prétexte commode pour éviter tout reproche ; les membres du Comité ne dédaignent point de s'amuser sinon de prévariquer de leurs fonctions. Parvenus de la Révolution, grisés par leurs succès, ils ne doutent point de leur force ni de leur triomphe.
Pourtant leurs ennemis ne leur manquent point. L'opinion leur est violemment hostile, aussi bien civile que militaire. L'armée est une force qui compte ; pour discréditer le Comité de surveillance, les anciens amis girondins du général destitué Servan ont créé un Comité de confiance au nom significatif ; c'est seulement le 23 pluviôse an II — 11 Février 1794 —, que Pinet et Cavaignac destitueront le principal d'entr'eux, Reynier, qui ne craignait point d'"insulter" les Représentants.
PORTRAIT DE JEAN-BAPTISTE CAVAIGNAC
Mais surtout dans l'ombre Pinet observe en silence les membres du Comité révolutionnaire. Tandis que se déroule l'hiver très doux de l'an II, blessé au fond de lui-même par l'hostilité d'une ville qu'il croyait conquérir par son seul prestige de député, en butte à des obstacles immenses, le Conventionnel tâtonne quelque peu sur la route à suivre.
L'armée en pleine anarchie attire d'abord ses regards ; dès Octobre 1793 une série d'arrêtés assurent son ravitaillement et son équipement, notamment en cuirs et chaussures. Puis les représentants doivent lutter contre le ministre de la guerre Bouchotte qui prétend envoyer au lieu et place de Muller, le commandant en chef, des généraux "nuls ou équivoqués", dont le général Dumas, père du futur romancier ; Bouchotte finalement dut céder. De plus les officiers girondins ou même royalistes sont toujours les maîtres des camps ; quant aux soldats, mal nourris et mal tenus, ils ne représentent guère pour l'instant une force sérieuse. Par bonheur, de part et d'autre dès l'origine, la guerre sur la Bidassoa est menée comme une diversion de peu d'importance à côté des grosses opérations engagées au Roussillon ; les Espagnols, maîtres de Biriatou, se contentent de rapides incursions et les fortifications de Bayonne sont d'ailleurs de taille à repousser bien des assauts.
COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE
Pinet n'ose encore brusquer les choses dans ces régiments où il devine tant de résistances. Froid et réfléchi, il ronge son frein, surveillant en même temps les ennemis de l'intérieur. Hélas ! la situation lui paraît pire encore dans ce domaine ; il sent autour de lui le flot croissant des méfiances bayonnaises et voici qu'il se prend à douter du civisme de ses collaborateurs les plus attitrés, les membres du Comité révolutionnaire de la ville. Ceux-ci le traitent d'égal à égal et non point en supérieur redoutable ; bien plus, leur attitude donne très vite lieu aux pires soupçons.
Un premier incident, mystérieux, connu seulement par les Mémoires de Pinet, éclate au sujet du commissaire ordonnateur Dubreton qui entamait la réorganisation de l'armée ; les ultra-révolutionnaires plus ou moins sincères du Comité et de la Société s'empressent de l'attaquer ; Pinet défend aussitôt l'un des rares serviteurs fidèles qu'il sent autour de lui.
GENERAL JEAN-LOUIS DUBRETON
Mais le Comité se laisse griser au point de se croire le maître absolu de la ville ; il libère, très probablement contre argent, la municipalité coupable d'Hasparren et pousse l'ironie jusqu'à se faire couvrir par Pinet royalement dupé.
Seulement les yeux de Pinet s'ouvrent enfin. Depuis trois mois l'armée est restée en pleine décomposition, les Espagnols sont encore à Biriatou, les ennemis du régime montagnard lèvent toujours la tête. L'heure de l'action montagnarde a maintenant sonné pour Bayonne.
Le Comité révolutionnaire ne survit pas à cette politique nouvelle. Monestier l'a sévèrement tancé avant son départ pour Orthez où il se trouve le 21 Janvier 1794 — 2 pluviôse an II — ; le 25, Pinet et Cavaignac donnent l'ordre au Comité d'arrêter à nouveau les aristocrates d'Hasparren ; le Comité ose tergiverser encore, bien que menacé explicitement de suspension ; il se décide cependant le 26 à réintégrer les suspects en cause dans les prisons de la citadelle ; comme la situation se gâte, il menace même le concierge d'avoir le cou raccourci si l'un d'eux s'évade.
COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE
Cependant le 27 Janvier — 8 pluviôse — Pinet destitue plusieurs municipalités du district ; le même jour il crée quatre Comités de surveillance, à Bayonne, Urt, Biarritz et Chauvin-Dragon (St-Jean-de-Luz). Le Comité de Bayonne sent venir l'heure prochaine de sa chute.
Mais ses membres sont de fiers lutteurs, dénués de tout scrupule ; ils n'hésitent pas à faire front dans une partie tragique où ils jouent leur tête. Réunis en secret chez un certain Pérard, ils décident de l'envoi de Lartigue à Paris dénoncer Pinet à la Convention ; certes ils se font d'étranges illusions sur la situation politique à cette date et les dures nécessités du gouvernement révolutionnaire ; pour des dénonciations pareilles, il est désormais trop tard ou beaucoup trop tôt encore. Mais le péril presse : l'un d'eux est désigné pour aller trouver à Orthez et duper de ses bonnes paroles le versatile Monestier.
Seulement il existe au moins un traître parmi eux et l'allemand Pflüger va tout raconter à Pinet. L'arrêté du 12 pluviôse an II — 31 Janvier 1794 — prononçait leur destitution ; à l'exception de Fray et de Pflüger, ils étaient mis maintenant au rang de ces suspects qu'ils avaient pourchassés sans grande conviction peut-être, mais avec le sûr instinct de leurs intérêts les plus personnels. Cinq jours plus tard, le 17 pluviôse — 5 février — le suprême essai d'offensive espagnole échouait du côté d'Hendaye."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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