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jeudi 4 juillet 2024

LA DESTITUTION DU COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1794 (deuxième partie)

 

LE COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN 1794.


A partir d'octobre 1793, le Comité Révolutionnaire sévit à Bayonne, en Labourd.




pays basque autrefois révolution histoire
COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 3 de janvier 1929 de la Société des Sciences, Lettres, 

Arts et Etudes Régionales de Bayonne, sous la plume de René Cuzacq :



"I. — L'Arrêté du 12 Pluviôse An II. — 31 Janvier 1794.


... Art. II. — Sont exceptés de cette destitution, les citoyens Fray et Pfluger, le premier ayant donné sa démission pour cause d'incompatibilité de fonctions, et le second l'ayant donnée comme étranger. Les représentans du peuple saisissent avec empressement cette occasion de rendre hommage au patriotisme, à la probité et à la pureté des citoyens Fray commissaire des guerres et Pfluger.



Art. III. — Les citoyens Coutanceau, Aillet et Lartigue, membres du comité, seront sur le champ mis en état d'arrestation, le scellé sera mis sur leurs (sic) papiers et sur leurs effets, et les effets y resteront jusqu'au moment où l'épurement des comptes qu'ils ont à rendre, aura prouvé qu'il n'a été rien distrait des objets déposés dans leurs mains.



Art. IV. — Les citoyens Coutanceau et Lartigue sont pareillement destitués des places qu'ils occupoient, l'un comme Brigadier des charrois, l'autre comme courrier de la malle ; ils seront sur le champ remplacés.



Art. V. — Le nouveau comité de surveillance de Bayonne sera composé  des citoyens ci-après :

Montané jeune, Mouchet officier de santé, Pandele interprète à l'état-major, Pagès fils jeune de Chauvin-Dragon, Hondarrague fils constructeur, Destibeaux, Dollabarats Choiz-née, Bouche aubergiste, Doyambéhère, Sarrouble, Dithurbide secrétaire de la municipalité et Danglade.



Art. VI. — En prenant cette mesure contre un comité prévaricateur, contre des hommes corrompus et gangrenés, les représentans du peuple croyent porter le coup le plus terrible aux aristocrates, aux intrigans, et aux agioteurs dont ces hommes étoient les soutiens et les suppôts. Le nouveau comité et les mesures qui vont suivre le coup vigoureux qui vient d'être frappé, apprendront assez à tous les malveillants, à tous les mauvais citoyens le sort qui les attend, s'ils osent encore lever leur front impudent.



Art. VII. — L'Administration du district d'Ustaritz, à la diligence de l'agent national, se fera rendre compte sous trois jours par les membres du comité destitué, des effets, argent, papier (sic), armes etc... déposés dans leurs mains, ainsi que des personnes détenues par leurs ordres et de celles dont ils ont ordonné la mise en liberté. Ce compte sera mis sous les yeux des représentants du peuple.



Art. VIII. — Le présent arrêté sera imprimé, affiché et envoyé aux administrations des départements et des districts, aux comités de surveillance et sociétés populaires des départements formant l'arrondissement des Pyrénées occidentales.


Fait à Bayonne, le 12 pluviôse, l'an 2 de la république une et indivisible.

Pinet aîné.



Quelles que soient les intrigues et les machinations des malveillants de tous les genres, nous déclarons qu'ils ne parviendront jamais à désunir les vieux patriotes, les représentants du peuple, assis dès le commencement, les uns à côté des autres, sur la Sainte montagne de la Convention Nationale. Nous applaudissons aux principes développés dans le présent arrêté. Nous osons dire qu'ils ont été constamment la base de notre conduite dans les commissions que nous avons remplies et nous en approuvons les conséquences et les applications. A Orthez, le 14 Pluviôse de l'an 2 de la République française, une et indivisible.

Monestier (du puy de dôme)

Cavaignac représ.


A Bayonne, de l'imprimerie républicaine de la veuve Fauvet.



pays basque autrefois révolution histoire
COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE


Etude critique.



L'arrêté de Pinet marque l'aboutissement d'une longue crise et coïncide avec le début d'une nouvelle période dans l'histoire de la Révolution à Bayonne. Mais auparavant, il appelle quelques remarques. 


Par sa longueur même, il doit tout d'abord attirer notre attention. Généralement, les représentants en mission prenaient moins de précautions pour justifier leurs actes.


Or, réserve faite de Fray et de Pflüger, Pinet aîné déclare formellement que les membres du comité sont des intrigants, des ambitieux, des hommes à vendre. De ce fait, il donne diverses preuves : la destitution d'autorités constituées sans l'autorisation des représentants du peuple, les abus de confiance commis à l'égard de ces derniers, la libération de la municipalité aristocrate d'Hasparren dans des conditions plus que douteuses, et la mauvaise volonté mise à prononcer de nouveau son arrestation. L'un des considérants de l'article prend même soin de spécifier nettement que les gens ainsi destitués n'on rien de commun avec les "patriotes forcenés".


D'ores et déjà se fixe de la sorte un point capital de notre histoire révolutionnaire ; il ne s'agit nullement, le 12 pluviôse an II, ni avant, ni après, du conflit entre les "enragés" et les "indulgents", les "citra" et les "ultra" qu'Albert Mathiez a montré s'être produit sur tant d'autres points du territoire français et dans lequel Pinet aurait représenté à Bayonne la tendance du centre, la tendance robespierriste. Comment d'ailleurs des révolutionnaires extrémistes auraient-ils relâché les aristocrates d'Hasparren, mise en liberté plus que suspecte aux yeux des montagnards sincères, et si bien attestée par ailleurs ?


Il s'agit bien ici de révolutionnaires de circonstance, de jacobins d'intérêt, en un mot de ces déracinés et de ces pilleurs d'épaves qui apparaissent dans toute révolution et tentent de l'exploiter du seul point de vue de leur intérêt personnel.


D'autres commentaires ne peuvent que renforcer cette conclusion. Des griefs plus spéciaux que Pinet articule contre les membres du comité, tous sont loin d'avoir la même valeur ; en particulier, l'incompatibilité de multiples fonctions publiques, stipulée par la grande loi du 4 Décembre 1793 — 14 frimaire an II, se révéla partout d'une application difficile et souvent impossible devant la rareté de candidats à la fois civiques et capables ; en revanche, certains membres du comité sont désignés comme des "émigrans" — crime évidemment capital aux yeux de Pinet, encore que nous ne sachions trop en l'occurrence la valeur exacte de ce terme à propos d'hommes qui semblent n'avoir eu rien de commun avec tant de nobles partis au dehors des frontières. Mais surtout au qualificatif d'"émigrans" se joint celui d'"étrnagers" ; ne cherchons point ici un écho des discussions parisiennes et de ce mystérieux complot de l'étranger que Chabot dénonça à Robespierre et au Comité de Sûreté Générale. C'était bien de véritables non-français qu'il s'agissait ici — nous aurons l'occasion de le montrer plus loin. Du coup, et surtout à Bayonne, tombaient-ils sous le coup de la méfiance générale et des premières mesures prises alors par les soins de la Convention contre tous ceux qui, à la faveur de nos discordes, voulurent en profiter pour pêcher en eau trouble, sinon pour attiser nos querelles et les exploiter au besoin pour leur seul intérêt.



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COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE

Nombreux d'ailleurs étaient les étrangers dans la riche cité bayonnaise du 18e siècle qui pouvait revendiquer fièrement le double titre de grand port et de ville frontière. Si les meilleurs d'entre eux s'assimilaient lentement à nous par un long travail d'années, les déchets qui s'y trouvaient ne pouvaient que remonter à la surface par temps de révolution. Sans parler des agitateurs ! En dehors du comité destitué, Pinet songeait peut-être à ce monde hétéroclite d'Espagnols, amis de coeur des Brissotins, des Girondins, prêts à déchaîner avec eux la croisade de la liberté et la guerre de propagande pour rentrer en maîtres dans leur pays derrière les armées de la France. Et le nom de l'illustre Marchena "victime de l'inquisition" et le souvenir de son rôle passé à Bayonne étaient alors présents dans tous les esprits.


D'un point de vue plus spécial il convient d'indiquer aussi la place relativement considérable tenue dans notre ville par des éléments, qui étaient, ceux-là, français d'origine, mais bayonnais de circonstance. A côté des étrangers de race et de nationalité, il y a les Français étrangers à la cité bayonnaise qui sont eux aussi au premier plan de la scène. L'un d'eux, le cordonnier parisien Leclerc devient maire dans la nouvelle municipalité instaurée par Pinet aîné le 10 Octobre 1793 ; trois autres deviennent officiers municipaux et huit d'entre eux figurent parmi les notables du Conseil général de la commune. Quant aux membres du comité révolutionnaire institué au même moment, la plupart d'entre eux — nous pourrons le constater tout à loisir — sont encore des allogènes, venus de tous les points du pays, surgis brusquement de la foule anonyme où ils étaient encore hier perdus, comme dans toutes les périodes troublées de l'histoire. Et ceci achève de montrer, en marge de l'arrêté de Pinet aîné, les caractères très particuliers dont se colore l'histoire de la Révolution bayonnaise...


Mais l'arrêté du 12 Pluviôse an II n'illustre pas seulement la place éminente tenue par les non-bayonnais dans la Révolution montagnarde locale. Il apporte aussi une contribution relative au rôle de chacun des représentants en mission dans les Basses-Pyrénées et plus spécialement à Bayonne. Les proconsuls sont loin de former un bloc infrangible et il existe quelque fissure dans le front uni qu'ils offrent de loin aux ennemis de la Révolution ou de la République..."



A suivre...









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