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samedi 6 juillet 2024

UN PEUPLIER AU PAYS BASQUE EN MÉMOIRE D'EDMOND ROSTAND EN JANVIER 1925 (première partie)

 

UN PEUPLIER EN MÉMOIRE D'EDMOND ROSTAND EN 1925.


Edmond Rostand, né le 1er avril 1868 à Marseille (Bouches-du-Rhône) et mort le 2 décembre 1918 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète et essayiste français.



pays basque autrefois écrivain labourd arnaga
ECRIVAIN EDMOND ROSTAND


Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 31 décembre 1924, sous la plume de 

Pierre-Plessis :



"Le Carnet d'Aladin.

Le Peuplier d'Edmond Rostand.


Vendredi soir, décembre 1924. 



Sombrement vêtue, simple, un peu hautaine sans d'ailleurs y prendre garde, joignant à l'accent volontaire de ses gestes l'interrogation douloureuse de ses yeux, Mme Mante, sœur d'Edmond Rostand, achève au piano de jouer pour nous La Cathédrale engloutie. Ce salon lambrissé et laqué est éclairé par des lustres vénitiens et parfumé de violettes. Derrière les vitres, l'hiver a dépouillé les arbres. La nuit ternit déjà le sable, les murs et les herbes. Mme Mante interprète Debussy en grande et fougueuse artiste, avec délicatesse et passion. Mais si ses doigts se jouent des touches en virtuose, il semble que sa pensée demeure lointaine, indifférente même à cette agonie d'Apocalypse, à toute cette rumeur de flots et à ces cloches étouffées... Mystère de la tendresse ; prélude d'une plus tendre plainte ! le musicien n'éveillait en nous qu'une symphonie de grelots légers, une route entre deux montagnes, et des chansons dans le soir... Le visage du souvenir est si lumineux qu'il s'impose à l'esprit ou au cœur quelles que soient les forces qui le combattent ou les ténèbres qui l'assaillent. Mme Mante abandonna le piano et, quand tous les invités furent partis, c'est notre souvenir qu'elle appela.



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JULIETTE MANTE-ROSTAND ET SES 4 ENFANTS



— Le poète de Cyrano est trop oublié, dit-elle. Ah ! je ne parle pas des indifférents. Mais déjà beaucoup de ceux qui l'aimèrent et qui le connurent laissent au hasard des saisons le soin de fleurir sa tombe et d'honorer sa mémoire. Son âme sensible et généreuse doit errer, en ces jours anniversaires, des frontons du pays basque aux croix de nos champs de bataille !... Savez-vous combien de Parisiens assistèrent l'autre matin à la messe à Saint-Pierre-du-Gros-Caillou ? Une trentaine !... Et pourtant, qu'on le veuille ou non, il fut le modèle des amis, et le modèle des poètes. Ne croyez-vous pas que depuis sa mort la foi en la poésie soit tombée ?... Il fut l'un des derniers et des plus grands à lutter pour l'honneur des rimes, plus attaché à la servitude de la lyre qu'aux servitudes de la gloire... Ce solitaire n'aimait que l'air pur, les cœurs purs, la sagesse et le silence, la liberté et le courage, ses collines et sa Patrie !...




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EGLISE ST-PIERRE-DU-CAILLOU
PARIS 7EME ARRONDISSEMENT


— Et la jeunesse !...

— La jeunesse ne le lui rend pas !

— La jeunesse ignore les poètes !



Soudain, Mme Mante s'étant tue, j'entendis un bruit d'argent sur la fraîcheur d'un acier, comme la chute régulière d'une larme, quelque part, tout près de nous... Je me penchai : c'était, à ma droite, sur la table où nous avions posé un album de photographies, la cire d'un flambeau qui, goutte à goutte, tombait... Et, savante, sur une vision du passé, au bas du coteau de Cambo, elle dessinait, en blancheur svelte ourlée d'or, un peuplier magnifique tendu vers le libre azur... Les pensées contradictoires qui m'assaillaient me firent fermer d'un geste prompt l'album marqué de cet étrange sceau, mais le peuplier de Rostand était, alors, partout, aux poutres, aux murs, aux portes, sur les velours et sur les meubles, d'autant plus vivant, d'autant plus frémissant, que j'avais voulu l'étouffer.


Je m'exalte. Un mur long et rose 

Passe, étirant ses espaliers.

Je suis ivre de France, à cause 

Que j'ai trop vu de peupliers !...



Des vers me revenaient à la mémoire :


... C'est afin qu'à travers les peupliers l'Etoile 

Sache bien que vers elle il veut se diriger 

Et dans chaque soldat reconnaisse un berger.



et encore :


... Pourquoi les peupliers

Plutôt que les lauriers ? Parce que les lauriers 

Sont au jardin d'orgueil un groupe noir qui reste 

Maix Eux, d'essor sublime et d'essence modeste, 

Préfèrent, chuchotant l'espoir aux pas humains, 

Accompagner la marche en longeant les chemins.


— A quoi songez-vous ? me demanda Mme Mante.

— Je rêve au peuplier d'Edmond Rostand...



Le "peuplier d'Edmond Rostand" !...

Pourquoi pas ?... Oh ! je sais bien que des gens vont rire. Quel farceur ! La poésie est si démodée ! Et l'enthousiasme l'est encore plus !... La grande occupation des gens qui écrivent aujourd'hui est de s'user en controverses destructives. Admirer ! quelle sottise !... Détruire, voilà leur besogne ! Et chacun relève ses manches pour déboulonner son voisin !... On pique, on pousse, on frappe, on taille ! Des ossements de la Pléiade aux amulettes de Francis Jammes, la gent littéraire bataille à cheval sur la monture empanachée d'un éditeur ou sur la carcasse des siècles !... M. Gide bat M. Truc, qui bat Carco qui bat Totoche qui se fait battre par Benoit pendant que Béraud bat Cocteau qui venait de battre Fauchois... Et l'encre coule... Et l'on écrit. Et les romans qui paraissent sont bâclés, les poèmes jetés au panier, Verlaine, c'est de la gnognotte et Ronsard du pipi de chat ! Quant à Rostand, une rigolade !...



Voilà pourquoi j'aimerais, un soir, au vent bleui des Pyrénées, planter dans la colline de Cambo le peuplier d'Edmond Rostand. Nous serions là quelques amis, des poètes et des musiciens, Reynaldo Hahn et Géraldy, des paysans et des joueurs de pelote. Je sais l'endroit qu'il faut choisir. C'est après le petit moulin, en grimpant la côte, au second carrefour, un coin d'herbe et de thym sauvage qui domine l'immensité... La Nive, au loin, dans l'horizon, coule une armure d'émeraude. La montagne de Roland s'éclaire. L'héroïsme et la grâce s'unissent au signal de la nature... Et puisque, par ces jours sans gloire, personne ne prend plus la peine de pleurer sur la mort des muses, sitôt debout, c'est notre peuplier vivant, qui pleurait ses larmes d'or sur la vieille terre, chaque automne !..."



A suivre...





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