LE TRAITÉ D'ELIZONDO EN 1785.
Au cours de l'histoire, plusieurs traités ont été signés entre l'Espagne et la France, pour délimiter la frontière entre les deux pays.
Je vous ai déjà parlé de ce traité dans un article précédent.
... D’un point de vue méthodologique, les directeurs de la brigade, avec l’approbation de Caro et d’Ornano, ont conçu un plan de travail qui, à certains égards, est extrêmement ambitieux et original, et qui s’est reflété dans certains croquis et plans à usage interne. Au premier niveau, et comme nous l’avons déjà mentionné, cinq ingénieurs ont été chargés d’effectuer les calculs trigonométriques nécessaires (c’est-à-dire la préparation des canevas de travail géométriques), tandis que les autres étaient chargés des opérations de levé topographique. Dans un second temps, afin d’effectuer le relevé topographique lui-même (ou "détail du terrain"), les directeurs de la brigade, suivant les instructions générales déjà indiquées, organiseront les ingénieurs en binômes mixtes (chacun composé d’un ingénieur espagnol et d’un ingénieur français) et les répartiront selon une grille qui marque la surface de travail assignée à chacun d’eux.
... Les documents relatifs aux campagnes de 1786 et 1787 prouvent qu’il y avait des ingénieurs français travaillant du côté espagnol de la frontière, et vice versa, circonstance très inhabituelle à l’époque, compte tenu de la grande importance géostratégique d’une région comme celle-ci et des restrictions qui, pour des raisons de sécurité, accompagnaient généralement les opérations cartographiques effectuées à cette échelle de détail. Certaines tâches et plans, à la fois trigonométriques et topographiques, ont été exécutés par des binômes ou des groupes d’ingénieurs des deux nationalités.
Mais, comme nous le savons par une lettre de Don Antonio Zara, à partir de 1791, les ingénieurs espagnols et français travaillèrent séparément, étant donné les difficultés rencontrées par les uns et les autres pour pouvoir franchir les frontières dans le contexte politique dérivé du développement de la Révolution. La manière dont le travail était organisé annuellement à partir de cette campagne fut résumée par Zara dans un mémoire adressé à Floridablanca au début de 1792. Selon elle, les deux parties passaient généralement la fin du printemps et les mois d’été à travailler sur le terrain, opérant en bandes symétriques dans le but de couvrir le même tronçon de chaque côté de la ligne de démarcation.
CARTE GENERALE FRONTIERE PYRENEENNE |
... Au cours des mois d’automne et d’hiver, chacune des parties a procédé séparément, dans son pays respectif, à l’élaboration dans ses bureaux de la carte de la zone travaillée cette année-là, les deux délégations se réunissant au début du printemps de l’année suivante pour comparer et partager les résultats obtenus, échanger des copies des cartes établies entre elles. Dresser la carte des rencontres des deux volets et préparer la conception de la nouvelle campagne annuelle. La cordialité semble avoir présidé aux relations entre les ingénieurs des deux pays, "se traitant mutuellement avec l’harmonie et l’amitié qui sont d’un grand intérêt pour la Commission, mais sans aucune préoccupation qui la perturbe".
D’un point de vue technique, la collaboration entre les deux royaumes a impliqué le défi de coordonner un groupe composé de deux délégations qui, au moins au début, ont commencé avec des formations, des méthodes de travail et des instruments différents. Dans une lettre adressée à la Cour après avoir appris la nomination des six premiers ingénieurs qui devaient former la délégation espagnole de la brigade, Caro lui-même exprimait ses doutes sur l’inexpérience de la plupart d’entre eux par rapport à ceux du côté français.
Cependant, au-delà de ces doutes initiaux et des opinions que certains historiens français ont pu exprimer par la suite, la documentation dont nous disposons auprès de la Commission ne permet pas d’en déduire que ces divergences auraient entravé l’avancement des travaux. Il est vrai cependant que la méthode de triangulation et de relevé finalement adoptée (basée sur l’utilisation du graphomètre pour la triangulation et de la petite planchette pour le détail du terrain) est celle proposée par la délégation française ; que ces opérations étaient basées sur le réseau géodésique fourni par la carte de Cassini ; et que les instruments disponibles du côté français, au début, étaient beaucoup plus avancés que ceux possédés par les Espagnols, ce qui a conduit Zara à demander à différentes occasions l’acquisition d’instruments similaires, qui devaient être achetés à Paris et en Angleterre. Ces demandes, ainsi que les factures correspondantes, permettent de reconstituer de manière très détaillée les moyens techniques utilisés pour établir la carte topographique des Pyrénées.
CARTE DE CASSINI DE BAYONNE A HENDAYE |
De même, nous savons par les carnets de terrain de Junker que dans la triangulation géodésique préparatoire de Junker, le cercle répétitif de Borda, conçu en 1784 par Borda et Lenoir, et amené de Paris à Saint-Jean-de-Luz, le point de départ des opérations de la brigade, en avril 1786, a été utilisé comme pionnier. Les possibilités techniques offertes par cette invention en font l’instrument privilégié des campagnes et expéditions géodésiques françaises jusqu’au milieu du XIXe siècle, supplantant le quart de cercle mobile, qui joue un rôle de premier plan depuis le milieu du XVIIe siècle.
CERCLE REPETITEUR DE JEAN-CHARLES DE BORDA ET ETIENNE LENOIR |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire