DANSES À HENDAYE EN AOÛT 1929.
Dans les années 1920, les danses en plein air sont des activités très importantes.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Intransigeant, le 1er septembre 1929, sous la plume
d'Henry Musnik :
"Réjouissances au pays basque.
Hendaye, août 1929 (de notre envoyé spécial).
— Il y a eu une petite pause de quelques minutes après le Toro de Fuego. Le temps de se remettre de ses émotions. Mais voici déjà que l’orchestre entame quelques notes vives :
"— Fandango !... Fandango !..."
Ce n’est qu’un cri sur toute la place. Des cercles se forment. Les spectateurs accompagnent la cadence de leurs claquements de mains. Les danseuses et danseurs claquent des doigts, le pouce contre le majeur. Et des castagnettes ont surgi aux mains de deux musiciens.
Comme c’est entraînant !...
KIOSQUE A MUSIQUE HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ces hommes qui, tout à l’heure encore, déambulaient de-ci, de-là, démarche spéciale de montagnards, jambe demi-pliée, sont devenus d’un seul coup des miracles de légèreté et de grâce.
Vous ne pouvez imaginer — non, vous ne pouvez pas... — ce que cette vision sur une place basque, au milieu de la foule enfiévrée, de gars et de filles qui tournent, sautent, agitent les pieds chaussés d’espargates blanches, comme d’ailes, en des bonds de parfois 50 centimètres de haut, sans perdre le rythme, un seul instant, est prenante.
DANSE DU FANDANGO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voir danser le fandango sur la place par le peuple, voir les jeunes filles offrir avec une suprême volupté qui n’appartient qu’aux reines, leurs épaules, leur poitrine, leurs hanches, tout en restant chastes, voir les grands diables en blouse noire et à la boina (béret) rejeté sur la nuque, agiter leurs bras, tourbillonner, se jeter de côté, s’incliner de biais en des poses défiant tout équilibre et reprendre la mesure à la seconde même où ils l’ont quittée...
Ne me parlez plus des acrobaties du charleston et autres block-bottom ! Tenez... Dans un coin de la place, j’ai vu deux couples — des Parisiens sans doute — qui dansaient une sorte de fox-blue, sur l’air du fandango. Ils croyaient "épater" les populations. Mais personne ne les regardait, les pôvres !... Et si j’ai haussé les épaules, c’est parce que je vous jure, je voulais dissimuler le soupir de pitié qui les aurait encore plus froissés s’ils l’avaient surpris.
PLACE DU MARCHE ET EGLISE HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le fandango dura un bon quart d’heure... Infatigables, ces Basques !... Quand on croyait que la mesure allait finir, hop ! une nouvelle phase surgissait et les danseurs tournoyaient de plus belle. Ce furent les musiciens qui, en fin de compte, demandèrent grâce les premiers. Et quand tout s’arrêta, quelle salve d’applaudissements !... Nourris... Sincères... Chaleureux... Les spectateurs remerciaient les danseurs de leur avoir procuré ce merveilleux spectacle. Les danseurs remerciaient les musiciens. Les musiciens remerciaient la foule. Chaîne sans fin qui, dans ce pays, attache les cœurs les uns aux autres.
Le temps d’empoigner une gourde de peau de bouc, de jeter la tête en arrière et de faire jaillir un filet d’eau qui s’enfonce dans la gorge avec un joyeux glou glou, les danseurs étalent de nouveau sollicités. Une rafale d’instruments... Les groupes sont formés.
BUVEUR AU CHAHAKOA ILLUSTRATEUR F HUYGENS |
Mais ce n’est plus la même danse. Celle-ci tient presque du sport. Son nom, je vous l’ai dit, signifie "Léger-Léger". Des pointes, comme les danseuses d’Opéra, des sauts comme les Russes, des... mais je suis en train de profaner l’arin-arin. Non. Ce n’est pas tout cela. Ce n’est qu’une seule chose. C'est l'arin-arin, inimitable et inégalé. La musique joue le même air, revenant sans cesse, mais de plus vite en plus vite. Les danseuses et danseurs s’encouragent mutuellement des yeux, du sourire, de la voix, du geste. Les respirations deviennent haletantes. La musique est affolée. Les pieds s’agitent si vite qu’on ne les reconnaît plus. Parole !... On ne peut plus les suivre des yeux. On croit toujours voir ceux du précédent ou du suivant. Les danseurs passent comme des chevreaux. Les danseuses sont des cabrettes.
Dans la foule, ce sont des réflexions sans fin. Les vieux, dont le menton, qui fut jadis en pointe et qui, aujourd’hui, se relève comme un sabot, approuvent de leur bouche édentée et se tournent vers la petite vieille à la coiffe noire qui sourit, accrochée à leur bras :
VIEUX BASQUE ILLUSTRATEUR G GOBO |
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