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lundi 15 juillet 2024

SUR LA BIDASSOA AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1928

SUR LA BIDASSOA EN AOÛT 1928.


La Bidassoa est un fleuve côtier, frontalier sur une dizaine de kilomètres entre la France et l'Espagne, au Pays Basque.

Elle prend sa source dans les monts de Navarre et se jette dans le golfe de Gascogne.






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BEHOBIA PONT INTERNATIONAL 1928
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 24 août 1928, sous la plume de Gustave 

Fréjaville :



"Sur la Bidassoa.

Impressions franco-espagnoles.

Béhobie, août 1928.



N'attendez pas que j'essaye à mon tour de décrire, une fois de plus, l'enchantement du pays basque. Le roman, le théâtre, le film ont un peu abusé, depuis quelques années, de la facile couleur locale qui se tire des maisons basses, riantes sous leurs toits évasés, des balcons de bois peint, des frontons à l'ombre des églises, des pelotaris tout blancs faisant claquer sous le soleil leur petite sphère bondissante, des soirs légers couleur de pêche et de prune, des montagnes bleues, mauves et roses, découpant avec grâce l'horizon transparent. On a tant dit, et si bien, que je craindrais de redire. Et il y a, dans ce sortilège d'une région où la nature déploie à chaque pas de nouvelles séductions, tant de choses encore à découvrir que je ne saurais aussi par où commencer pour écrire une chronique de proportions raisonnables.



Mais le voisinage de l'Espagne, dont nous ne sommes séparés que par la sinueuse Bidassoa, large ici de quelques dizaines de mètres, m'impose une autre source de pittoresque et me jette en pleine actualité. Jamais l'Espagne et la France n'ont échangé tant de sourires. Les Pyrénées franchies à Canfranc et les politesses navales de Santander ont empli les journaux, de Cadix à Dunkerque, de tant de propos franco-espagnols qu'en regardant seulement, tout près de moi, le pont international de Béhobie, je puis concilier la paresse légitime des vacances et un semblant d'esprit d'à-propos. 



Ce pont est situé à quelque deux cents mètres en amont de l'île des Faisans — ou de la Conférence — petit tertre de terre neutre au milieu du courant, où une modeste pyramide, sous un bouquet d'arbres, perpétue le souvenir d'anciens événements diplomatiques dont trois vers ironiques de La Fontaine, mieux, je l'avoue, que tout manuel d'histoire, ont fixé jadis dans ma mémoire le cérémonial. A chaque extrémité du pont, gendarmes et douaniers arrêtent le flot des automobiles qui ne cessent d'aller et venir entre Saint-Sébastien et notre côte basque. Béhobie, au delà du pont, devient Béhobia, et c'est un village espagnol. On s'en aperçoit vite...



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BEHOBIE ET BEHOBIA PONT INTERNATIONAL
PAYS BASQUE D'ANTAN



A peine est-on passé sous le regard bienveillant des carabiniers gris et jaunes, on entend s'élever, du seuil des portes, d'inquiètes voix maternelles appelant Pilar ou Pepito. Ceux-ci, pour l'instant, sont confondus parmi le grouillement innombrable d'une marmaille dorée qui court sous le soleil, barbote dans la rivière, et crie Adios ! à votre passage. Tout ce petit monde jacasse, s'interpelle avec des cris d'oiseaux, la langue espagnole, parlée par des voix d'enfants, est d'une fluidité caressante qui surprend l'oreille comme une musique inconnue.



Tout le long des rues, en plein jour, les ampoules électriques, toujours allumées, font de petites taches d'un jaune pâle au coin des maisons ; cette débauche inutile d'éclairage, dans la lumière aveuglante de l'après-midi, a quelque chose d'anormal et vaguement funéraire. Du côté français, et à Hendaye même, nous avons bien vu quelques lampes restées allumées par inadvertance, mais, sitôt la frontière franchie, il semble que ce soit la règle. Nous avons retrouvé ces lampes électriques faisant veilleuse en plein midi, non seulement à Fontarabie et à Irun, mais encore dans tous les jolis villages, de la capricieuse vallée de la Bidassoa supérieure, en remontant vers le col de Velate, et dans tous ceux de la plaine de Pampelune, brûlée par un soleil africain... Ce détail, constant, une fois remarqué, répand on ne sait quelle bizarre impression d'abandon catastrophique ou de fantaisie sacrilège.



Tous ces villages navarrais portent leur nom écrit en espagnol et en basque sur le mur de leur première maison ; les lettres sont bien lisibles de la route, et présentées élégamment dans un rectangle de céramique. C'est une attention charmante pour le voyageur, une politesse de bon aloi, quelque chose comme une présentation courtoise de l'hôte au visiteur. Ainsi on sait chez qui l'on arrive. Le pays basque français cache le nom de ses villages sur des plaques bleues introuvables et effacées, et il faut deviner où l'on passe à grand effort de cartes déployées et de savants repérages. 



Il est vrai que les villages français, souriants au bord de leurs eaux vives, entre des montagnes fourrées de verdure au delà desquelles les hauts sommets baignent dans une brume de pastel, ne ressemblent guère, à première vue, à ceux du versant méridional des Pyrénées : ceux du val de Batsan, resserrés et secrets dans le creux d'une gorge aux flancs abrupts, qui fait songer aux défilés de notre haute Vézère, avec sa rivière maigre coupée de barrages muets et de ponts bossus ; ceux de la torride région de Pampelune, accroupis sur leur sol chauffé à blanc et confondus avec lui, comme ces insectes étranges qui prennent l'aspect des écorces ou des branches sèches sur lesquelles ils vivent accrochés. Ces villages épars dans la campagne brûlée que traverse la route de Roncevaux, sont d'une étonnante couleur d'or roussi, où l'ombre rare cisèle à peine le contour du clocher quadrangulaire, à deux cloches visibles, dépassant de peu, de son toit presque plat, les toits des maisons groupées autour de lui. Dans cette torpeur lumineuse, on est effaré de voir de loin en loin vivre des hommes. Faisant tourner sur l'aire couverte de blé de petits rouleaux de bois montés à pleins poumons cet air de flamme, leurs chemises ouvertes sur des torses d'un bronze presque noir. Je cherche en vain dans mes souvenirs quelque chose qui ressemble à cette aveuglante fournaise, à ces pierres que le soleil a pénétrées et qui rayonnent d'un feu intérieur : peut-être la plaine d'Avignon, à deux heures de l'après-midi, par nos étés les plus implacables ; peut-être, sous le grand soleil d'août, le chaos désertique des Baux et ses cubes de pierre incandescente...




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13 LES BAUX DE PROVENCE



Mais, le souvenir des Baux, je l'ai surtout retrouvé à la "Fonda" du col de Velate, une auberge antique isolée dans la montagne, sous le vol tournant des grands oiseaux de proie qui se bercent en plein azur sur leurs ailes tendues. Là fonctionne encore normalement une de ces cheminées primitives dont on montre aux Baux, comme une curiosité du passé, les vestiges séculaires. Au-dessus d'un feu de grosses bûches qui occupe le milieu de la cuisine, un énorme cône noirci par la fumée s'élève verticalement et va s'ouvrir au-dessus du toit, où des volets mobiles, manoeuvrés par des cordes, permettent de régler le tirage selon la direction du vent !... A côté de ce foyer médiéval, on n'est pas peu surpris de voir briller l'éclairage électrique : car la Fonda solitaire du col de Velate a su s'inspirer des progrès de l'industrie moderne et, utilisant les sources de la montagne, produit elle-même son courant.



Pendant quatre jours, avec une reprise le dimanche suivant, Béhobie a célébré bruyamment sa fête annuelle de Santiago. Les musiciens, avec leurs bérets rouges, étaient venus d'Irun, pour faire danser une foule où les Espagnols étaient en grande majorité. Ces jours-là, des deux côtés du pont international, le meilleur passeport, je pense, est celui qui est inscrit sur un visage familier ; Béhobie et Behobia se fondent fraternellement dans des flots de limonade et de bière et mêlent, avec le plus joyeux entrain, leurs danses et leurs chants. Dans la foule confuse des danseurs, que traverse fantastiquement le rayon lunaire des phares d'automobile, les uniformes des carabiniers coudoient la sobre tenue de toile des gendarmes français ; on danse le fandango basque sur l'air de la jota aragonaise et de jolies Espagnoles, coquettes avec un peu d'excès, brillantes de perles, fardées avec éclat, entourent, en jouant de l'éventail, les manèges dont l'orgue poussif joue des chansons parisiennes du répertoire de Damia ou de Parisys. La différence des langues n'amène que peu de confusion dans la cordialité générale. D'ailleurs tout le monde parle basque.




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CHANTEUSE DAMIA EN 1920


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PARISYS PAR HARCOURT EN 1938



Et puis, dans le tramway d'Hendaye, l'autre jour, un monsieur sûr de lui répliquait à son épouse, qui venait de lire à l'enseigne d'un magasin : Fabrica de imperméables, et s'étonnait d'avoir deviné le sens de ces trois mots :


L'espagnol, c'est très facile, que j'te dis, pour toutes les nations qui causent le latin."



(Source : Wikipédia)




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