DES TRAFICS À HENDAYE EN 1937.
En 1937, le passage des armes pour alimenter la Guerre Civile Espagnole se fait souvent par la frontière franco-espagnole au Pays Basque Nord.
Voici ce que rapporta le quotidien Ce Soir, le 27 septembre 1937, sous la plume de Charles Reber :
"L'impératrice Zita passe en Espagne.
(De notre envoyé spécial Charles Reber).
Saint-Jean-de-Luz, 26 septembre (par téléphone).
La police a reçu ces derniers jours de nombreuses lettres anonymes ainsi que beaucoup d'indications. Tout cela est à vérifier. Tout l'après-midi d'hier et toute la nuit ont passé à ce travail. J'ai suivi les policiers dans le pays de Ramuntcho jusqu'à ce matin et je crois pouvoir dire, sans compromettre les recherches et perquisitions qui auront lieu aujourd'hui, qu'une bonne dizaine de dépôts ont été repérés hier et cette nuit.
Le pays basque a toujours été un pays de contrebande, mais, de tous temps c'est de l'alcool et des vivres que l'on passait.
Depuis que les Allemands se sont installés dans le port de Pasajes, en octobre 1S36, la contrebande des armes a supplanté tous les autres trafics clandestins. Depuis le mois d'août dernier, elle a été intensifiée en prévision des événements que l'on voulait provoquer.
Contrebande nocturne.
Comment se fait-elle ? Nous avons pu nous en rendre compte très exactement cette nuit en un lieu dont je tairai le nom. Les armes prohibées arrivent directement de Hambourg au port espagnol de Pasajes ; de là, les requetes de Franco les apportent jusqu'à la frontière franco-espagnole.
"REQUETES" PAYS BASQUE D'ANTAN |
J'ai vu certaines de ces armes. L'une est une mitrailleuse allemande Schmesser de 9 mm., tirant 32 coups. Ces mitraillettes sont emballées de telle façon qu'elles peuvent rester plusieurs jours sous la pluie. C'est-à-dire que dès leur départ de Hambourg elles sont destinées à la contrebande. L'autre arme est une bombe de forme ovoïde du même modèle que celle trouvée l'autre jour chez le marquis de Linares.
MITRAILLEUSE MP40 DITE "SCHMEISSER" |
Au début de la contrebande, c'est-à-dire l'an dernier, c'étaient des parabellum que l'on importait de Pasajes, mais ce trafic a cessé aujourd'hui au profit des mitraillettes Schmesser. Des racoleurs qui séjournent sur le territoire français et qui se recrutent parmi les groupements d'extrême-droite embauchent les contrebandiers dans le pays basque. Le chef de ces racoleurs est un nommé Périco Pergaretsae. Cette nuit, dans la forêt de Biriatou, nous avons repéré son auto immatriculée à San Sébastian sous le numéro S.S. 51-33. Elle accompagnait un camion mystérieux dont le voyage a été surveillé.
Au début, peu de contrebandiers basques savaient qu'il s'agissait d'armes à passer. Plusieurs hommes même. quand ils découvrirent le contenu des paquets, jetèrent ceux-ci et refusèrent de faire ce trafic.
Dans le pays basque, les contrebandiers ont de l'honneur !
Ces nuits dernières, surtout, ont été propices parce que la lune se cache de bonne heure.
FRONTIERE A HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Comment on procède.
Deux contrebandiers armés ouvrent la marche de la colonne qui s'approche à pas feutrés des lieux où les armes ont été déposées pendant la journée par les requêtes de Franco. Quand la marchandise a été chargée, la colonne repart, toujours protégée par son avant-garde armée. Les porteurs chargent les paquets de 25 à 30 kilos et contenant chacun 4 mitraillettes, marchant par intervalles de 10 mètres. L'arrière-garde est composée d'un homme armé, lui aussi.
Le chef de la bande reçoit des racoleurs une somme de 160 francs par paquet de 4 armes. Il donne au porteur une somme de 15 à 16 francs par paquet, soit un dixième de ce qu'il touche.
Les paquets d'armes sont stockés dans le pays basque dans des granges appartenant à des membres de partis et groupements d'extrême-droite. Certains stocks restent dans le pays, d'autres sont acheminés vers Paris et le centre de la France. C'est ainsi que la gendarmerie a saisi tout récemment 7 500 cartouches et un lot de plusieurs dizaines de mitraillettes allemandes Schmesser, mitraillettes et munitions venaient du poste espagnol de Mehain où se trouvent 17 soldats de Franco sous le commandement d'un capitaine. Ce poste n'a aucune raison d'être, sinon celle de favoriser la contrebande des armes à destination de la France.
Un des principaux dépôts d'armes se trouve à Saint-Jean-de-Luz et une prise importante a eu lieu cette nuit.
La police a repéré des dépôts actuellement surveillés. Dans la commune d'Urrugne dont M. de Coral est maire et à Ainsare, la contrebande n'a jamais été aussi active.
Tels sont les résultats auxquels les policiers, douaniers et gendarmes ont abouti dans l'enquête ouverte dans le pays basque sur la contrebande des armes. De nombreuses personnes ont été interrogées. S'il est un point sur lequel elles se sont montrées unanimes, c'est bien le suivant : cette contrebande a été organisée et réglée par le commandant Troncoso, le capitaine Ibanez et le fameux marquis de Linarès.
HENDAYE 1937 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Des camions militaires allemands à Hendaye.
A côté de cette contrebande secrète, il en est une légale, qui indigne la population d'Hendaye. Depuis quelque temps, arrivent en gare d'Hendaye des wagons pleins de camions militaires allemands Magirus-Diesel de cinq tonnes. Soixante camions sont déjà arrivés au rythme de 15 à 20 par jour.
Hier après-midi, j'ai vu quatre de ces camions ; ils sont de couleur bleu foncé, avec des bâches vertes. Ces envois sont adressés à M. Léon Pardo, citoyen français et membre d'un parti d'extrême-droite. M. Pardo participa au coup de main de Brest contre le sous-marin "C-2" et il s'est enfui à Burgos dans l'auto de l'agent allemand Fernandez.
L'impératrice Zita à Hendaye.
IMPERATRICE ZITA |
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