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mardi 9 janvier 2024

LES RÉVOLTÉS DE LA PRISON D'EZKABA EN NAVARRE AU PAYS BASQUE EN MAI 1938 (quatrième et dernière partie)

LES RÉVOLTÉS DE LA PRISON D'EZKABA EN MAI 1938.


Pendant la Guerre Civile d'Espagne, le 22 mai 1938, 795 prisonniers s'évadent de la prison d'Ezkaba, en Navarre.




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PRISON D'EZKABA EN NAVARRE

Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Dépêche, dans plusieurs éditions :


  • le 2 juin 1938, sous la plume de Michel Lacouture :

"Deux évadés du fort de San Cristobal ont réussi à passer en France.

De notre correspondant particulier.

Bayonne, 1er juin. 


— Mercredi matin deux des évadés du fort de San Cristobal ont réussi à passer la frontière française aux abords du col d'Ibañeta et sont arrivés à Saint-Jean-Pied-de Port. Ce sont deux prisonniers politiques. L'un, Roger Marinero, 22 ans, de Ségovie ; l'autre, Valentino Lorenzo était secrétaire de l'Union générale des travailleurs à Salamanque.



Ils sont tous deux dans un état d'épuisement complet car depuis leur évasion ils erraient dans la montagne, subsistant à l'aide de quelques pois chiches qu'ils avaient emportés et buvant de l'eau. Leur délabrement physique ne leur a permis de donner que peu de détails.



Voici cependant ce qu'ils ont déclaré :


"Nous étions environ 2 500 prisonniers à San Cristobal. Il y avait une majorité de prisonniers politiques auxquels avait été joint récemment un assez grand nombre de phalangistes. Nous nous sommes presque tous enfuis mais, contrairement à ce que l'on a dit, presque sans armes, sans ordre, sans organisation. Nous nous sommes dispersés dans la montagne.


Quant à nous, plusieurs fois nous avons rencontré de petits groupes de nos camarades de prison. Ils vivent dans les grottes comme ils peuvent, recevant parfois des secours de paysans amis.


Nous n'avons pu décider aucun d'entre eux à se joindre à nous pour passer la frontière, car ils craignent les balles du service de surveillance auxquelles ils se sont plusieurs fois heurtés en s'approchant de la frontière française Nous avons pu passer pendant la nuit sans attirer l'attention.


Avec nous, se trouvaient pendant un certain temps à San Cristobal, deux journalistes français dont nous ne connaissons pas les noms. Nous ignorons ce qu'ils sont devenus, s'ils sont restés à San Cristobal ou s'ils se sont enfuis."



Après ces déclarations les deux fugitifs qui sont dans un grand état de faiblesse se sont endormis profondément."



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PRISONNIERS A ESKABA EN NAVARRE



  • le 3 juin 1938, sous la plume de Michel Lacouture.

"La Guerre d'Espagne.

Chez Franco.

La révolte des Phalangistes.

Le miracle de San Cristobal.

De notre correspondant particulier : 



Bayonne, 2 juin. — Nous avons dû nous contenter hier des déclarations succinctes faites par les deux évadés de San Cristobal, car il eût été barbare d'insister en raison de l'état de faiblesse des fugitifs.



Lorenzo et Marinero, après avoir absorbé quelques aliments s'endormirent profondément. A leur réveil, sachant que leur calvaire était achevé, ils ne firent aucune difficulté pour compléter le récit de leur évasion qui confirme, avec des détails nouveaux, des renseignements donnés hier dans la remarquable correspondance de Howers-Mainz publiée par La Dépêche.



Alerte aux prisonniers.



Lorenzo et Marinero, condamnés politiques, purgeaient respectivement à la prison de Pampelune, le premier une peine de douze ans et un jour de prison le second trente ans de prison, pour avoir, étant civil, lutté contre le franquisme.



Les jours succédaient aux jours avec une monotonie désespérante, mais les deux hommes n'avaient pas perdu tout espoir et restaient attentifs aux moindres bruits et mouvements.



Le 22 mai, vers 19 h. 30, alors qu'ils prenaient leur frugal repas qui leur était servi avec parcimonie au deuxième étage de la prison où ils étaient enfermés, Lorenzo et Marinero furent surpris d'entendre des bruits anormaux et des mouvements inusités du côté du corps de garde. Avant même qu'ils eussent pu se rendre compte de quoi que ce soit, des coups de feu éclatèrent et un phalangiste, revêtu de l'uniforme de gardien, leur annonça qu'ils étalent libres.



Après un court moment d'hésitation, tant leur surprise était grande, Lorenzo et Marinero ayant constaté que les prisonniers du rez-de-chaussée et du premier étage quittaient le fort, s'élancèrent à la suite de leurs camarades.



Leur fuite ne fut nullement gênée. Dans l'escalier gisait une sentinelle morte. Ce fut la seule victime qu'ils virent. Le corps de garde était désert et aucun gardien n'apparaissait plus.



Arrivés au dehors, Lorenzo et Marinero apprirent qu'un certain nombre de leurs camarades, par petits groupes de six, se dirigeaient vers la France où ils seraient enfin en sûreté.



Le nombre des évadés était important. La majeure partie des détenus paraissait avoir quitté San Cristobal où se trouvaient surtout des phalangistes ou des civils arrêtés comme hostiles à Franco, en tout 2 600 prisonniers politiques, sauf 150 ou 200 détenus de droit commun. Les phalangistes avaient organisé le complot.



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PRISONNIERS AU FORT SAN CRISTOBAL 
EZKABA NAVARRE


Nos deux hommes ne furent d'ailleurs pas les derniers à s'enfuir. Les portes étaient ouvertes à tout le monde et des unijambistes mutilés de guerre furent transportés à dos d'homme.



La chasse à l'homme commence.



Contrairement aux premières informations, les évadés ne possédaient que peu d'armes, à peine une centaine de fusils en majeure partie trouvés au corps de garde.



L'alerte ayant été donnée, les troupes se mirent immédiatement à la recherche des évadés, aidées dans leur chasse par des projecteurs électriques. Les fugitifs gagnèrent en se dispersant la haute montagne afin d'échapper aux balles des mitrailleuses et des fusils qui étaient entrés en action.



Après trois jours et trois nuits de course éperdue, la dislocation devint générale. Chacun s'en fût comme il put, jouant sa chance individuelle, et les mutilés, qu'il était impossible de transporter plus longtemps furent abandonnés à leur sort, qui, hélas, n'était pas douteux. D'autres, épuisés, sans volonté, préférèrent se rendre et c'est sans doute ce groupe de 400 prisonniers, dont on a parlé, qui fut impitoyablement fusillé.



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ITINERAIRE DES FUGITIFS DE LA PRISON D EZKABA EN NAVARRE


Sauve qui peut !



A partir du 25 mai, Lorenzo et Marinero, qui ont lié leur sort, marchent seuls vers la France, représentant pour eux leur autre sœur, se nourrissant de racines et d'eau claire. Un berger qu'ils rencontrèrent leur donna quelques aliments et leur indiqua le sentier qu'ils devaient suivre. Cette rencontre les réconforta et ils reprirent leur marche pénible.



Mais le découragement s'empara à nouveau de ces deux hommes et, au moment où ils étaient décidés à se rendre, ils aperçurent un groupe de maisons. Bien accueillis, Lorenzo et Marinero apprirent avec joie qu'ils n'étaient plus qu'à quelques centaines de mètres de la France. Leur bonheur fut grand et après avoir absorbé le repas que les paysans avaient prépaies à leur intention, ils quittèrent sans encombre leur inhospitalière patrie, échappant ainsi à une mort certaine.





Les bagnes espagnols.



Le fort de San Cristobal, transformé en prison, a été disposé pour recevoir diverses catégories de prisonniers. Le rez-de-chaussée, le premier et le deuxième étages sont destinés à la foule anonyme des victimes ; le troisième étage est aménagé pour recevoir les intellectuels et les officiers. Cette catégorie de prisonniers est l'objet de plus d'attention.



Plusieurs Français, dont deux journalistes, MM. Chabrat et Bouguennet, croit-on, étaient, d'après Lorenzo et Marinero, détenus à cet étage.



Dans la prison, la rumeur circulait que les Français étaient plus particulièrement maltraités et même frappés. C'était d'ailleurs le sort de tous les prisonniers, dont la nourriture est déplorable.



Lorenzo et Marinero, affectés à un groupe de travailleurs occupés à l'entretien des routes étaient, en raison de cet emploi mieux traités mais cela ne les empêcha pas d'accepter avec joie, même avec tous les risques que comportait l'aventure, de partir à la conquête d'une liberté qu'ils n'escomptaient jamais plus avoir."



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LIVRE LOS FUGADOS DEL FUERTE DE EZKABA


Pour rappel, ce jour là, 795 prisonniers s'évadèrent mais seulement 3 évadés accédèrent à la 

liberté en passant la frontière et en se réfugiant en France. 



Les trois qui parvinrent en France étaient :

  • Jovino Fernandez Gonzalez

  • Valentin Lorenzo Bajo (mort à Bordeaux en juillet 1986, à 86 ans)

  • José Marinero Sanz (mort en 1963, à 47 ans) 




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