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mercredi 10 janvier 2024

UN CRIME À SAINTE-ENGRÂCE EN SOULE AU PAYS BASQUE EN JUIN 1939 (deuxième et dernière partie)

UN CRIME À SAINTE-ENGRÂCE EN 1939.


En juin 1939, le village de Sainte-Engrâce est secoué par le crime de deux soldats Espagnols.



pays basque autrefois soule crime faits divers
EGLISE ET MONTAGNES STE-ENGRACE SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Dépêche, le 6 juin 1939, sous la plume de Georges 

Naychent :


"Le double crime du col d'Ourdayte.

Les auteurs en sont deux soldats de Franco.

Les victimes, surprises pendant leur sommeil, furent assommées à coups de crosse, puis décapitées et les assassins ramenèrent les têtes en Espagne.


De notre envoyé spécial : Licq-Atherey (Basses-Pyrénées), 5 juin.



 — Ce matin, à 7 heures, une caravane de magistrats, de policiers et de gendarmes, complétée par deux journalistes et trois photographes, se rendit au col d'Ourdayté, à l'endroit où le berger Jonnet découvrit, samedi après-midi, les deux corps décapités Le jeune Larcuen Esteban. transféré du camp de Gurs à Tardets hier soir, faisait également partie du groupe.



Quelques questions lui ayant été posées déjà par M. Claverie, commissaire divisionnaire de la 17e brigade de police mobile, on savait avant le départ que ce jeune homme n'était qu'un rescapé du drame odieux.



Au bout de trois heures et demie de marche difficile et épuisante, nous touchons enfin le petit bois de sapins où gisent les cadavres.



Un tableau impressionnant.



Le spectacle qui s'offre à nos yeux est horrible. Les deux corps sont à une distance de 20 mètres environ, tous deux en ébat de décomposition avancée et assaillis par de grosses mouches. Les têtes ont été tranchées avec des couteaux ou un rasoir. C'est l'avis du médecin légiste, M. le docteur Barbaste. On reste confondu devant tant de sauvagerie. Tout près des corps nous voyons les objets que nous avons énumérés hier, avec en plus un bonnet de police kaki à liseré rouge, comme en portent les fantassins de l'armée espagnole.



Larcuen Esteban, reconnaît formellement les victimes.



Le jeune Espagnol Valentin Larcuen Esteban est mis subitement en présence des corps mutilés.


— Ce sont bien les compagnons dont je vous ai déjà parlé, déclare-t-il avec une visible émotion. L'un se nomme Jésus Burguette, l'autre Domingo Acin.


— Vous ne vous trompez pas ? questionne le magistrat instructeur.


— Non, répond le jeune homme, par le truchement d'un interprète, je ne me trompe pas. Je les reconnais à leurs vêtements, aux couvertures, aux souliers qui sont restés là. C'est à cet endroit que j'ai été assailli moi-même pendant mon sommeil, à coups de crosses, par des soldats espagnols qui venaient avec nous en France. Le bonnet de police que vous avez ramassé appartient à l'un d'eux. 



Le récit du témoin



M. Deleris, juge d'instruction, procède aussitôt à l'interrogatoire complet de Larcuen Esteban. Son greffier. M. Bellichon, s'est commodément installé sur une pierre avec sa machine à écrire et inscrit les réponses de l'Espagnol.



Le bruit de la machine, dans ce décor sauvage, est quelque chose de tout à fait inattendu.


— Je me nomme Valentin Larcuen Esteban, précise le témoin. Combattant dans les milices gouvernementales, j'avais été fait prisonnier et interné au camp d'Albatera, province d'Alicante.



Le 8 avril je me suis enfui en compagnie de Jésus Burguette et de Domingo Acin, âgés respectivement de 20 et 23 ans. Nous avons décidé de passer en France. Après avoir marché environ trente-six jours, nous sommes arrivés dans le village d'Uncastillo. dont je suis natif.



Après avoir séjourné cachés pendant quatorze jours, nous sommes partis vers la France. Après avoir contourné le village d'Isaba, Burguette a demandé à une femme où aboutissait la route. Elle nous donna les renseignements, mais nous avions à peine parcouru quelques mètres que nous étions arrêtés par un peloton de quinze soldats.



On nous conduisit dans une maison où on nous donna à manger. Puis on nous attacha tous trois à une corde. Deux soldats furent chargés de nous conduire à Isaba, où se trouve un chef de bataillon. A moitié chemin nous avons cassé la croûte et pour cela Burguette et Acin furent d'abord détachés.



Profitant du moment où les deux soldats roulaient une cigarette, mes deux amis se saisirent chacun d'un fusil, tandis que je me libérais de mes liens. Possédant ainsi les armes de nos gardiens, nous demandâmes à ceux-ci de nous suivre. Ils nous obéirent. Un peu plus tard, d'ailleurs, après avoir franchi la frontière au col d'Ourdayté, ils acquiesçaient à notre projet et nous étions parfaitement d'accord.



A minuit, après avoir parcouru environ un kilomètre en territoire français, nous nous sommes arrêtés tous les cinq près du torrent à cet endroit même. Comme il faisait froid, nous fîmes du feu. Les deux soldats se chauffaient face à nous.



Mais Acin, par mesure de précaution, avait enlevé la culasse des fusils. Nous n'avons pas tardé à nous endormir.



Le drame.



Que se passa-t-il ensuite ? Larcuen Esteban déclare qu'il fut brusquement réveillé par un choc violent à la tête. Il venait de recevoir un coup de crosse. Bondissant vers le torrent, en se meurtrissant aux pierres. il se blottit contre un rocher.



Pendant ce temps, les deux soldats oui s'étaient emparés des fusils pendant le sommeil des évadés, s'acharnaient sur Burguette et Acin. Larcuen Esteben encore étourdi n'entendait plus aucun bruit et espérait même vaguement revoir ses compagnons. Mais, peu à peu, il réalisa ce qui s'était passé et, le petit jour venu, il descendit vers Sainte-Engrace.



Il ignorait évidemment que les soldats avaient décapité les cadavres. Il n'a pu donner aucun renseignement sur l'identité des agresseurs. Il sait seulement que l'un était originaire de la province de Saragosse et l'autre des îles Canaries.



Et les têtes furent emportées en Espagne.



On sait maintenant que les assassins emportèrent les têtes en Espagne comme trophées et peut être aussi pour bien prouver qu'ils n'avaient pas laissé filer leurs prisonniers. Un lieutenant de l'armée espagnole, commandant le poste frontière, de Venta-d'Arraco, a lui-même déclaré à des cyclistes qu'il avait fait une sérieuse réprimande aux soldats lorsqu'il les avait vus arriver avec leurs sanglants trophées.



Une réprimande, ce n'est vraiment pas assez, les criminels ayant accompli leur odieux forfait sur le sol français devraient être jugés et châtiés comme ils le méritent.



Au moment où nous quittons le théâtre de cette horrible tragédie pour regagner Sainte-Engrace, le capitaine de gendarmerie, accompagné de quelques-uns de ses hommes, se disposait à aller jusqu'à la frontière pour s'entretenir avec le lieutenant espagnol.



Nous regardons un instant les fossoyeurs bénévoles qui, ayant enterré les corps sur place, ornent de deux croix de bois ces tombes sommaires.



Et nous repartons à travers la montagne. En route, un sérieux orage nous causera un gros retard."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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