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samedi 20 janvier 2024

DOLORÈS IBARRURI "LA PASIONARIA" EN 1948 (première partie)

DOLORES IBARRURI "LA PASIONARIA" EN 1948.


Dolores Ibarruri Gomez, connue sous le nom de La Pasionaria, était une militante, une femme politique et une figure emblématique de la Guerre d'Espagne.



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DOLORES IBARRURI LA PASIONARIA


Voici ce que rapporta Dolorès Ibarruri dans le mensuel Démocratie Nouvelle, le 1er avril 1948 :



"L'Espagne, tête de pont Yankee en Europe.



L’Espagne est aujourd’hui, comme elle l’a déjà été dans le passé, un pays convoité par des étrangers, attirés, dans certaines circonstances historiques, soit par les richesses de son sol et de son sous-sol, soit par son enviable situation stratégique au centre des chemins du monde.



Ces convoitises, fréquemment concrétisées par des invasions et des guerres d’agression, ont fait de l’histoire générale de notre pays un tissu de luttes glorieuses et héroïques du peuple pour l’indépendance de la patrie, et elles ont en même temps mis en relief l'attitude indigne et antinationale des castes dirigeantes qui, de tout temps, ont placé leurs propres intérêts au-dessus de ceux de la nation, hypothéquant les richesses nationales et faisant dépendre les intérêts vitaux de l’Espagne de la bonne ou de la mauvaise volonté des gouvernements ou des groupes capitalistes étrangers.



Intervention anglaise.



On parle très fréquemment du retard industriel de l'Espagne, en l’attribuant à la "paresse africaine" de son peuple, ou à l’incapacité des Espagnols de créer quelque chose de positif et de durable.



Mais comment est-il possible d’expliquer qu’un Pays comme l’Espagne, avec ses puissants gisements de minerai de fer (dont les réserves étaient estimées, au milieu du siècle dernier, à plus de 800 millions de tonnes), qu’un pays possédant une base charbonnière non méprisable, n’ait pas été le premier pays industriel de l’Europe, alors que l’Angleterre, qui ne possède pas de gisements de fer ou qui en possède peu et de mauvaise qualité, fut longtemps le premier pays industriel du monde ?



L'existence des richesses minières espagnoles, et spécialement du minerai de fer de Biscaye, dénommé "rubio" (blond), qui contient de 60 à 90 % d’oxyde ferrique, est connu depuis l’antiquité la plus reculée. Cette richesse, qui aurait dû constituer la base du enveloppement industriel de l’Espagne, a servi à enrichir les étrangers au prix de la ruine et du retard de notre pays.



L’invention, en 1851, des convertisseurs Bessemer, en transformant toute l’industrie sidérurgique, marque le début du grand développement industriel de l’Angleterre. Mais elle marque aussi le début de l’exploitation éhontée et déchaînée des mines de fer espagnoles, et l’intensification de l’intervention anglaise dans les affaires intérieures de l’Espagne, déjà commencée par Wellington en 1808, sous prétexte d’aider le peuple espagnol à se libérer de Napoléon.



Toute la politique réactionnaire et antinationale des castes espagnoles du siècle dernier porte le sceau de la perfidie anglaise. Les guerres civiles qui ensanglantèrent le sol de l’Espagne à différentes périodes du XIXe siècle, ne furent pas sans rapport avec les maœuvres des agents anglais, lesquels, soutenant à certains moments le gouvernement central contre les insurgés, et à d’autres apportant à ceux-ci des appuis et des moyens pour continuer la guerre, obtinrent en échange des concessions et des avantages des uns et des autres, et spécialement des "cristinos" et des "isabelinos" vainqueurs dans les deux principales guerres civiles.



Les capitalistes anglais organisèrent l’exploitation des minerais de fer de Biscaye dans les conditions les plus avilissant, au moyen de deux compagnies minières : la Orconera Iron Company et la Luchana Mining, exportant tout le minerai vers l’Angleterre, ruinant l’industrie sidérurgique espagnole.



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ORCONERA IRON COMPANY BARAKALDO BISCAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



A partir de 1848, lorsque le premier chemin de fer fut construit en Espagne, notre pays se trouva devant la tâche de construction d’un réseau ferroviaire général, ce qui pouvait impulser un développement extraordinaire de l’industrie sidérurgique pour laquelle toutes les conditions requises existaient en Espagne.



On ne profita pas de cette situation. La construction des chemins de fer fut confiée à des entreprises étrangères, qui importèrent leur matériel, alors que celui-ci aurait pu être produit à meilleur marché dans le pays, ce qui aurait développé l’industrie nationale.



Un homme politique conservateur espagnol, José Sanchez Toca, dans un livre intitulé : Les problèmes actuels les plus urgents pour le gouvernement de l'Espagne, écrivait en 1916 :


Sous la pression de l'oligarchie ploutocratie, dont l'influence, pénétrant par tous les interstices dans notre vie civile, économique et politique, nous soumettait à des capitulations de nation diminuée, — faisant que des citoyens étrangers étaient plus protégés que ceux de notre propre nationalité pour exploiter le sol, le sous-sol, les voies ferrées et toute autre entreprise établie en notre territoire — nous avons prospecté, fait les contrats et exécuté le programme de notre réseau général ferroviaire, de notre marine marchande, de nos constructions navales et de nos armements militaires, pour le plus grand bénéfice et pour la suprématie d'entrepreneurs capitalistes et industriels étrangers.



Fer, cuivre, mercure, aux mains des étrangers.



Certains chiffres, bien éloquents par leur concision même, démontrent ce qu’a représenté l’exploitation des mines de fer de Biscaye par les Anglais :

                        Extraction   Consommation 

Années en tonnes espagnole Exportation 

1880     3 062 858    330 000      2 732 858 

1909     9 384 000    840 000      8 545 000



C’est-à-dire que, dans une période de vingt-neuf années pendant lesquelles se consolidèrent les bases de la puissance industrielle des grands pays européens, l’Espagne augmenta l’extraction de minerai de fer de 6 321 142 tonnes. Mais, sur cette quantité, 92 % furent exportées, en grande majorité vers l'Angleterre, et seulement 8 % restèrent pour la consommation de l’industrie nationale.



Notre minerai de fer avait servi de base à la puissance économique de l’Empire britannique. Les chiffres suivants mettent en lumière cette réalité, bien lamentable pour les Espagnols.


                                Production d'acier, en tonnes

Années                   Espagne                     Angleterre

1870                        50 800                        233 300

1929                        1 003 459                   9 784 600

1947                        617 500                      13 800 000



En 1907 furent votées par le Parlement espagnol les lois sur les communications maritimes et la création de l’armée navale. Ces lois ouvraient une nouvelle possibilité pour développer l’industrie métallurgique nationale.



On pensa alors à la construction, en Espagne, d’une entreprise productrice de plaques blindées et de pièces de haute forge. Les Anglais, par leurs pressions et leurs manoeuvres auprès des gouvernants espagnols, empêchèrent la réalisation de tous ces projets, obtenant pour eux le monopole des fournitures pour les constructions navales, et développant en Espagne des entreprises britanniques telles que la Sociedad Espanola de Construcciones Babcock § Wilcox, la Sociedad Espanola de Construccion Naval, filiale de la Vickers Armstrong ; la Spanish Parsons, filiale de la Parsons Marine Steam Turbine, pour terminer et monter les matériaux, moteurs et appareils fournis par l’industrie britannique.



Les Anglais s’assurèrent également le contrôle de l’industrie des armements, au moyen de la société Placencia de las Armas Co. Ltd, qui contrôle la S. A. Placencia de las Armas et la Compania Experencias Industriales S. A. (Toutes deux filiales de la Vickers Armstrong et de la John Brown Co. Ltd.)



Il serait trop long de citer tous les exemples d'efforts des impérialistes anglais pour empêcher le développement industriel espagnol, dans des branches aussi importantes que l’extraction du charbon et les constructions hydroélectriques.



Mais il est nécessaire de rappeler que le cuivre de Riotinto est exploité spécialement par la compagnie anglaise The Riotinto Co. Ltd. qui, en 1837, acheta au gouvernement espagnol, pour 92 millions de pesetas, 32 000 acres de terrains, dans lesquels se trouvaient les mines de cuivre et de pyrite les plus riches de toute l’Europe. A côté de la Compagnie de Riotinto, existe encore la Tharsis Sulphur and Copper Co. Ltd., la première compagnie britannique créée pour exploiter les richesses en cuivre de l’Espagne, et plusieurs autres compagnies dans la province de Séville et à Huelva.



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THE RIO TINTO COMPANY LIMITED


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MINES DE RIOTINTO HUELVA ESPAGNE



La caractéristique générale de toutes ces entreprises, c’est quelles elles ont réalisé une exploitation rapace des gisements, en négligeant totalement les services de conservation et d’élargissement. Entre 1910 et 1945, la Riotinto a déclaré des bénéfices pour un total de 23.088.631 livres esterlins, avec un capital qui était au début de 2.250.000 livres et qui est aujourd’hui de 3.750.000 livres.



Avec les bénéfices obtenus en Espagne, la Compagnie de Riotinto s’est emparée du monopole du cuivre, au moyen des entreprises Rhokane, Nchanga, Mufulire et Rhodésian Anglo-American qui exploitent les gisements de cuivre de l’Afrique.



La Compagnie de Riotinto, par ailleurs, a été une de celles qui ont le plus férocement exploité les travailleurs espagnols qui, fréquemment, durent se dresser en protestations indignées, non seulement contre l’exploitation anglaise, mais contre le traitement odieux et humiliant dont ils étaient victimes de la part des "gentlemen" anglais. Pendant le soulèvement franquiste, la Compagnie de Riotinto fut un des plus fermes soutiens du général Franco.



L’Espagne est aussi le premier pays producteur de mercure du monde, mais l’économie espagnole ne bénéficie pas de cette richesse. Bien que l’exploitation se fasse en régie d’Etat, son commerce mondial est monopolisé par le trust Mercurio Europeo établi à Londres et qui contrôle la totalité de la production espagnole et italienne."



A suivre...



(Source : Les quais de chargement du minerai de fer d’Orconera, dans le magazine K Barakaldo 03 – AVPIOP (patrimonioindustrialvasco.com))




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