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mercredi 31 janvier 2024

UN CRIME À AYHERRE EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1922 (troisième et dernière partie)

UN CRIME À AYHERRE EN 1922.


En 1922, un crime odieux est commis dans ce village d'Ayherre, en Basse-Navarre, comptant à l'époque environ 1 000 habitants.




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SOUVENIR D'AYHERRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, dans plusieurs éditions :



  • le 4 août 1922, sous la plume de Me Renard :


"L'épilogue du crime d'Ayherre.

L'Assassin du Maquignon devant la Cour d'Assises.

Pinaquy est condamné aux travaux forcés à perpétuité.



Mercredi ont commencé devant la Cour d'Assises de Pau, les débats de l’affaire Pinaquy dont nous avons longuement parlé au mois d’avril dernier. 



Nos lecteurs se souviennent que le 21 avril 1922, à la première heure, on découvrit le cadavre du sieur Héguy Jean-Baptiste, maquignon à Ayherre, dans le fossé du chemin de grande communication n° 22. A côté se trouvaient l'aiguillon et le béret du défunt. Le corps portait de nombreuses blessures. Le crime était flagrant. L’information établit aussitôt qu'Héguy avait été assassiné la veille, au moment où il rentrait chez lui à pied, ramenant une vache du marché de Peyrehorade et qu'après l'avoir tué, on avait vidé ses poches contenant 1 500 fr. dont un billet de 1 000 francs. L’autopsie révéla de nombreuses plaies sur la poitrine et une plaie pénétrante au bras gauche faite par une arme à feu de petit calibre. La bouche et l'arrière-gorge de la victime étaient remplies de mottes de terre glaise enfoncées profondément, qui avaient provoqué l’asphyxie par étouffement. 



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UN MAQUIGNON
PAYS BASQUE D'ANTAN


Dès le début des constatations, on avait ramassé sur le chemin un bouton de veste avec fil d'attache encore adhérent, paraissant avoir été arraché au vêtement de l’agresseur, et on avait ramassé dans le fossé des papiers maculés de sang ayant servi à atténuer les cris de la victime ou à s’essuyer les mains et qui étaient des feuilles d’expédition en blanc des chemins de fer de l'Etat. 



Les soupçons se portèrent sur Pinaquy Pierre, commis en transports à Bordeaux, et l'on acquit bien vite la certitude qu'il était l'assassin. Il fut démontré qu'il avait rencontré Héguy au marché de Peyrehorade le 10 avril, qu’il l’avait suivi au retour, qu'il l'avait devancé par moments, s'efforçant de ne pas le perdre de vue, et qu’il l’avait attendu au lieu du crime. Pinaquy fut arrêté par la police mobile, à Bordeaux, le 20 avril. 



Une première perquisition opérée dans sa chambre fit découvrir des vêtements ensanglantés, une chemise remplie de sang aux poignets et un revolver de petit calibre, chargé, dont une seule cartouche avait été tirée. A un veston, il manquait un bouton dont le fil n'était plus adhérent à l'étoffe, et, rapprochement fait, on constata que le bouton ramassé à côté du cadavre de Héguy était absolument identique à ceux du vêtement de Pinaquy. On trouva aussi sur ce dernier un couteau suisse et des feuilles d’expédition en blanc des chemins de fer de l’Etat. En même temps, on apprit que cet individu était rentré à Bordeaux le 20 avril, à midi et quart seulement, qu’il avait eu soin de se mettre en tenue de travail avant de se présenter à ses patrons. Quelques jours après, une seconde perquisition dans la chambre de Pinaquy, faite à la suite de confidences de celui-ci à un co-détenu, permit de découvrir dans la manche d’une vareuse une somme de 1 100 fr. en billets de banque. 



L’information a démontré que Pinaquy travaillait à Bordeaux sans toucher de salaire en argent, qu'il était seulement couché, nourri et entretenu, et qu'il était sans le sou. Comme prétexte de son absence, il a dit à ces patrons qu'il était obligé d'aller à Libourne. 



Les confrontations faites avec les diverses personnes ayant vu Pinaquy le 19 avril suivant Héguy et se préoccupant de son passage ont été décisives. L'accusé a été formellement reconnu. Pinaquy a reconnu qu'il était venu au marché de Peyrehorade le 19 avril, mais il a prétendu qu’il était rentré à Bordeaux la même nuit. Mais les vérifications faites ont démontré l'inanité de toutes ses allégations. 



L'analyse chimique a démontré que le sang sur la chemise et les manches de la veste était bien du sang humain et non du sang d’animal, comme il l’avait affirmé. Malgré les charges accablantes qui démontrent sa culpabilité, Pinaquy n'a pas fait d’aveux. A une question incidente du magistrat instructeur, il a cependant répondu qu’Héguy n'avait que 1 100 fr., mais il s'est vite repris et il a été impossible de l’interroger. Pinaquy appartient à une famille honorable de petits cultivateurs. Son casier judiciaire est négatif. Mobilisé en 1917, il a été fait prisonnier 4 mois avant l’armistice. Il n’a ni citation ni décoration. Il a prémédité et exécuté son crime avec sang-froid, n’hésitant pas à tuer pour voler un homme estimé de tous ses compatriotes. 



Les deux audiences de mercredi après-midi et de jeudi après-midi également ont été prises par l’affaire Pinaquy. De nombreuses dépositions contrarient la tactique de l’accusé, qui proteste de son innocence.



Dans son réquisitoire énergique, sévère, remarquablement étayé, M. Loup, avocat général, demande une condamnation sévère, mais n’écarte pas le principe des circonstances atténuantes. 



Me Pinatel a la lourde charge de défendre l’accusé. Il s’en acquitte avec une grande habileté. 



Le jury délibère et rend un verdict affirmatif sur toutes les questions. Il admet cependant les circonstances atténuantes. 



En conséquence, la cour condamne Pinaquy aux travaux forcés à perpétuité."




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CHOCOLATERIE ET RESTAURANT ISSOURIBEHERE AYHERRE
PAYS BASQUE D'ANTAN


  • le 5 août 1922 :

"La Cour d’assises des Basses-Pyrénées, siégeant à Pau, jugeait, cette semaine, l’assassin du maquignon Héguy, tué à peu de distance d’Ayherre, commune où il habitait. Le crime avait été particulièrement affreux. Héguy avait été sauvagement frappé et le brave homme — car on le disait simple et doux — avait été assassiné pour 1 500 francs. 



Les attaques de maquignons sur la grand'route et même leur assassinat se sont répétés depuis quelques mois. On s’attendait donc à ce que le jury fit un exemple. Il ne l'a pas fait aussi implacable qu’on inclinait à le penser. Pinaquy a été condamné aux travaux forcés à perpétuité. 



Le jury a répondu affirmativement sur toutes les questions, mais il a mitigé de circonstances atténuantes ce verdict en premier lieu sévère. 



On n’a jamais à demander compte aux jurés des raisons qui ont dicté leur décision. Ils jugent dans toute la plénitude et toute l'indépendance de leur conscience. Mais il n’est point défendu de rechercher ce qui les a entraînés juger de telle ou telle façon. 



Pour quel motif ceux-ci ont-ils acquitté Pinaquy : parce qu’il n’avait pas d’antécédents judiciaires ? pour ne pas jeter dans la douleur la plus profonde et l'opprobe définitif de pauvres parents estimés ? Peut-être bien. Mais peut-être davantage parce qu’un doute, si léger fut-il, malgré les lourdes charges de l’accusation, pouvait encore subsister dans leur esprit. 



C’est une solution moyenne qu’adopte souvent le jury, lorsque la culpabilité ne lui est pas, après tout démontrée d’une façon certaine, de s’arrêter au seuil de la peine la plus terrible que des hommes puissent infliger à un autre homme : celle de la mort. 



— Prenez garde ! ne manque jamais de dire un défenseur, lorsque l’assassin n’a pas avoué son crime, et qu’en dépit du faisceau de présomptions même graves, réuni par l’avocat de la République, la preuve n’est pas péremptoire — prenez garde ; si vous alliez envoyer à l'échafaud un innocent ! Quelques années après que cette tête sera tombée, il se peut qu’on découvre le véritable coupable. Redoutez l’erreur judiciaire. Souvenez-vous de Lesurques ! 



Et les jurés se dressent : "Ma conviction est que cet homme a commis le crime dont on l’accuse. Et pourtant !... Et pourtant, si je me trompais ?..." Et c’est pour faire bénéficier l’accusé de la possibilité, si improbable qu’elle paraisse, de la révélation lointaine de son innocence, qu’après avoir répondu : "oui", à toutes les questions, ils ajoutent cette simple phrase qui retient levée la main du bourreau : "A la majorité, il y a des circonstances atténuantes en faveur de l’accusé".




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