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mercredi 17 janvier 2024

DEUX BOXEURS BASQUES EN 1932 (première partie)

DEUX BOXEURS BASQUES EN 1932.


Dans les années 1930, deux boxeurs Basques des deux côtés de la frontière, et  de niveau différent, sont à l'affiche de nombreux combats de boxe.




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BOXEUR PAULINO UZCUDUN



Je vous ai déjà parlé, dans des articles précédents de Paulino Uzcudun, le 22/08/2017 et le 

19/12/2019, voici aujourd'hui un nouvel article publié le 20 août 1949 par Gaston Bénac dans le 

quotidien Paris-presse L'Intransigeant, sur Paulino Uzcudun, mais aussi sur un boxeur 

d'Iparralde (Pays Basque Nord) : Bardos.



"Deux Basques ont cherché la gloire sur les rings.

De la belle époque à nos jours : les souvenirs de Gaston Bénac.


Paulino Ezcudun mérita vraiment sa fortune. - Bardos, par contre, ne fut qu’un jouet entre les mains de ses managers.



Un soir de printemps 1932, deux Basques, coiffés du traditionnel béret bleu, chaussés d'espadrilles, pénétraient dans la salle de rédaction de "L'Auto". L'un deux, originaire d'Hendaye, s'exprimait convenablement en français, me présentait une lettre émanant d'un sportif de Saint-Sébastien ; l'autre, un solide gaillard aux épaules carrées, au nez écrasé, regardait autour de lui, curieux, étonné.



"Je vous envoie un paysan du pays basque espagnol, un colosse d'une force naturelle étonnante : Paulino Uzcudun, champion du découpage de bois à la hache Nous sommes persuadés qu'il peut faire et qu'il fera un excellent boxeur. A vous de le guider et de le mettre en bonnes mains..."



Mon embarras était grand. Que faire de ce paysan basque qui ignorait tout de la boxe, qui n'avait jamais assisté à un combat et qui, en plus, n'était pas de la toute première jeunesse ? Paulino Uzcudun avait en effet 26 ans lorsqu'il arriva à Paris pour tenter la grande aventure.



J'en fis la remarque à l'accompagnateur hendayais :


— Ne soyez pas inquiet à ce sujet, me répondit ce dernier, Paulino est un homme neuf qui n'a pas été gâté par les facilités de la vie. C'est un paysan, un bûcheron, li est d'ailleurs aussi souple qu'il est fort...



Je l'adressai au manager Anastasie, qui dirigeait un gymnase tout en haut de la rue Pelleport, sur ce toit de Paris qu'est Ménilmontant, près de la maison où naquit Maurice Chevalier.



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PHOTO DE LOUIS ANASTASIE MANAGEUR ET PROMOTEUR DE BOXE
AGENCE ROL 1932



Huit jours plus tard, j'allai rendre visite à notre poulain basque. Je le trouvai en train d'effectuer sa leçon de culture physique de façon sensationnelle. Cet homme venu des champs et des bois, à  l'est de Saint-Sébastien, était étonnamment souple.


— C'est un véritable phénomène d’agilité et de force naturelle, me confia Anastasie. S'il réussit à apprendre la boxe, il deviendra un jour champion du monde. 



Crochets du gauche et premier succès.



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BOXEUR PAULINO UZCUDUN



Sous la direction du professeur Arthus, le bûcheron de Régil apprit à se mettre en garde, à appliquer un direct et à feinter. Malgré son poids, Paulino possédait un excellent jeu de jambes naturel...



On était au mois de septembre ; Anastasie décida de le faire débuter à la salle Wagram. On plaça devant lui, comme un cheval d’essai, le Russe Touroff.



Evidemment, Paulino apparut comme un novice. Il dansait sur le ring et son inexpérience était visible. Au troisième round, il mettait Touroff K.O. pour plus que le compte :


— Il a surtout un terrible crochet du gauche, décrétaient les critiques, C.-W. Herring en tête. Lorsqu'il saura boxer...


— Je perfectionne en lui le swing du gauche qui sera son arme la meilleure, précisait Arthus.



Et, en effet, son large swing du gauche devint l'arme préférée de Paulino, son arme exclusive, ajouterais-je, et cela au détriment de sa droite.



Après deux mois de travail, il apparut au début de 1924, tout à fait transformé, ses coups étalent plus précis...



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BÛCHERON BOXEUR UZCUDUN PAULINO



Ses victoires.



Il écrasait Touroff, à Madrid, en match revanche, et cela en deux rounds ; il mettait Mathieu K O. en quelques secondes. A Bilbao, au premier round aussi, il "liquidait" Paul Journée à Saint-Sébastien et Marcel Nilles, à Barcelone. Dans le même laps de temps, Arthur Townley s'endormit dans le pays des rêves sur le ring de Wagram.



Enfin, placé en face de l'ancien champion d'Espagne, Teixidor, Paulino le battait par K. O. en cinq rounds. Le gros Espagnol, le boxeur aux seins de nourrice, qui faisait connaissance, pour la première fois, avec le plancher de la salle Wagram s’écriait :


— M'avoir fait ça à moi, son compatriote et protecteur !



Les sceptiques, les "débineurs", commençaient à réviser leur jugement :


— Oui, il y a dans cet homme trop primaire une force naturelle extraordinaire, finissaient-ils par déclarer.



Ce qui leur avait échappé, c'était cette étonnante facilité d’assimilation du bûcheron basque, qu'ils prenaient à tort pour une sombre brute. En six mois par exemple, Paulino qui ne parlait que la seule langue basque, avant de venir à Paris, avait appris à parler convenablement le français.



Frank Goddard à terre, ensanglanté.



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BOXEUR FRANK GODDARD 1924



L'été venu, Paulino Uzcudun partit passer trois semaines de vacances dans son pays. A Saint-Sébastien, il fut fêté comme un grand homme. Mais c'est dans sa ferme du Régil, adossée à la montagne, qu'il préférait passer la plus grande partie de ses deux semaines de détente, au milieu des siens, près de sa mère, de sa soeur, de ses frères, de ses grands boeufs, de ses moutons. Sollicité de toutes parts, il assista à deux grands matches de pelote basque à main nue, auquel participaient le géant Mondragones et Atano III, le chat-tigre d'Azcoitia.



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PILOTARI MONDRAGONES



C'est chez lui, à Régil, que j'allais lui faire part d'un projet que nourrissait un organisateur : l'opposer aux Arènes de Bayonne, au champion d'Angleterre Frank Goddard.



Paulino accepta et, après cinq jours d'entraînement, à Saint-Sébastien, il se présenta, entre deux averses, face au géant britannique, au milieu de la foule des estivants de Biarritz et de Saint-Jean-de-Luz. L'adversaire était de taille, au moral et au physique. Paulino n'avait-il pas été trop présomptueux ?



Non, dès le premier round. Goddard était dominé et semblait, à la reprise suivante, incapable de riposter. Au troisième round, le champion britannique, la figure en sang, l'air hébété, était littéralement massacré. Et, au cinquième round ses 95 kilos, répartis sur une taille de 1 m 90, se trouvaient étendus sur le ring, inertes.



Et ce fut Paulino qui porta dans son coin cette masse de chairs sanguinolentes...



Mais l'Angleterre l'appelait vers elle. Sa victoire sur Frank Goddard avait fait grand bruit autour des rings de Londres... On l'opposa d'emblée à l'Australien Georges Cook, boxeur scientifique et rusé s'il en fut. Là, Paulino connut son premier échec : il fut nettement battu aux points par le seul poids lourd en Europe qui, à ce moment-là, savait boxer. Il ne devait d'ailleurs pas être plus heureux lors de son match revanche à Paris. 



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BOXEURS GEORGES COOK ET DONALD MAC CORKINDALE



Débuts victorieux aux Etats-Unis.



En 1925 et 1926, il ne connaissait pas une seule défaite. Il vengeait sur Phil Scott et les Américains Soldier Jones et Drake, de joyeuse mémoire (ces deux hommes montèrent sur le ring du Palais des Sports de Paris complètement ivres), l'échec subi des mains de Georges Cook. Il battait, avant la limite, Delarge à Barcelone, le gros Marseillais Barrick à Madrid, Brettenstater à Berlin.



L'Amérique devait bientôt appeler à elle le bûcheron basque, devenu la grande vedette européenne des poids lourds. Celui qui n'était, trois ans auparavant, qu’un paysan ignorant tout de la boxe, partit pour New-York dans dans une cabine de luxe, emportant un smoking qu’il venait de se faire faire chez "Tomasini", le tailleur à la mode de la rue Royale.



Il fut accueilli aux Etats-Unis plus comme, une attraction que comme un boxeur. On exigea — alors qu'il voulait jouer au gentleman — qu'il ne s'habillât que de la "Chamarra" (petite blouse bleue) et ne se coiffât que du béret basque. On organisa une séance en son honneur â Madison-Square et on lui fit couper un arbre à la hache devant 25 000 spectateurs.



Ses premières victoires, à La Havane furent foudroyantes. En un round, il se débarrassait d'O'Grady, de Fierro, d'Homer Smith et il knock-outait, à New-York, le géant nègre Harrv Wills en quatre rounds. Le grand Danois Knute Hansen et Tom Heeney, plus résistants, ne s'inclinaient qu'aux points. A ce moment-là, Paulino Uzcudun allait jouer sa chance dans l'espoir de devenir candidat au titre suprême...



Le beau rêve continuait... 



Hélas ! il fut battu deux fois, à la fin de cette année 1927, et par Jack Delaney sur coup bas, et par Jonnhy Risko, un autre prétendant, aux points cette fois. 


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BOXEUR JOHNNY RISKO


A suivre...



(Source : M. [Louis] Anastasie [manager et promoteur de combats de boxe] : [photographie de presse] / [Agence Rol] | Gallica (bnf.fr))




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