LA MUSIQUE DE LA GARDE RÉPUBLICAINE À BILBAO EN 1912.
L'origine de la musique de la garde Républicaine remonte au 4 octobre 1802.
MUSIQUE GARDE REPUBLICAINE 1912 |
La mission principale de cette formation est de rendre les honneurs aux plus hautes personnalités de l'État, d'animer les principales prises d'armes et autres manifestations patriotiques qui rythment la vie de la Nation, mais aussi plus largement, de défendre et promouvoir la musique militaire française.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Figaro, dans son édition du 31 août 1912 :
"La musique de la Garde à Bilbao.
(de notre correspondant particulier).
Bilbao, 28 août.
L'industrieuse et riche capitale de la Biscaye, récemment mise en deuil par l'hécatombe maritime qui a désolé ses ports de pèche, Berméo, Elanchove, Lequeitio et Ondarroa, après avoir rempli ses pieux devoirs envers les défunts en souscrivant plus d'un demi-million en faveur de leurs familles et en célébrant, à Berméo, les funérailles imposantes et présidées par le Roi lui-même, des 116 victimes locales, n'a pas voulu céder à l'abattement et supprimer ses brillantes fêtes annuelles, qui ont été seulement ajournées, et qui se déroulent à présent avec leur animation coutumière. Si la catastrophe d'hier y met une ombre de tristesse, par contre, c'est depuis bien longtemps la première fois qu'elles ne sont pas troublées par les grèves générales périodiques, à cette époque que paraissent choisir à dessein les meneurs pour paralyser ses énormes exploitations minières et métallurgiques et le mouvement de ses docks.
OBSEQUES BERMEO BISCAYE 1912 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans le programme de ces réjouissances et comme le numéro le plus attrayant, la commission organisatrice avait inclus une audition de la musique de la garde républicaine, qui devait offrir, en dehors de son intérêt intrinsèque, celui d'attester l'amélioration sensible des rapports franco-espagnols à la veille de la signature de l'accord qui mettra fin au litige marocain. La diplomatie française, consultée sur l'opportunité de cet engagement, n'y vit aucun inconvénient dans l'état de choses actuel ; et en effet, le séjour des musiciens français en Espagne n'a été qu'une longue suite de démonstrations, amicales, non seulement à leur arrivée à Saint-Sébastien, où ils ne passèrent que quelques heures, et à Bilbao, mais sur tout le trajet entre ces deux villes.
PLAZA DE TOROS ST SEBASTIEN-DONOSTIA 1912 PAYS BASQUE D'ANTAN |
J'ai eu précisément l'occasion d'effectuer ce voyage avec eux et d'être témoin de ces manifestations, plus éloquentes peut-être que partout ailleurs dans ces stations intermédiaires, où nul autre mobile qu'une sincère sympathie ne pouvait induire la population à se rendre en masse au passage de ces soldats et artistes français, qu'elle ne devait point entendre. La réception fut surtout chaleureuse, en Guipuzcoa (province basque frontière qui précède la Biscaye), à Elgoïbar et Eibar, deux gros bourgs renommés jusque sur les marches étrangers pour leurs fabriques d'armes, et le second aussi pour ses bijoux incrustés d'or, et en Biscaye, à Durango, importante étape du chemin de fer de Bilbao.
VUE GENERALE ELGOIBAR GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
On y voyait, sur le quai de la gare, au milieu d'une foule compacte qui traduisait son enthousiasme, à la mode espagnole, par des applaudissements vigoureux plutôt que par des cris, les autorités au complet avec piquets de "miquelets" basques ou de gardes civils, les musiques locales jouant la Marseillaise, voire de charmantes délégations de jeunes filles offrant des fleurs à nos musiciens. L'entrain à entonner notre hymne national s'inspirait peut-être un peu de quelque arrière-pensée politique à Eibar, foyer libéral et républicain de longue date, au sein d'une contrée jadis carliste ; mais l'affection envers la France prédominait sur ces sentiments ou ces opinions qu'un tact parfait à su contenir, de manière à ne pas altérer le sens strictement francophile de telles manifestations.
Il va sans dire, qu'à Bilbao même, elles prirent un éclat et une ampleur sans pareils. Autour de la gare des "Ferrocarriles Vascongados", trop exiguë pour donner accès à ces milliers de personnes, et où la musique de la garde fut cordialement reçue par l'alcade, le vice-consul de France, M. Simon Munarriz, le comité des fêtes, etc., se pressait une multitude dont l'afflux bloquait matériellement le cortège et l'empêcha de gagner l'Hôtel de Ville, selon le programme arrêté.
GARE DE ACHURI BILBAO BISCAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
C'est à grand'peine que les musiciens, montés dans des tramways spéciaux, pavoisés aux couleurs françaises, escortés par la musique municipale de Bilbao et celles de tous les alentours, aux accords de la Marseillaise et aux acclamations du public, purent se frayer passage jusqu'à leur hôtel. Et le lendemain, le dimanche 25, jour du concert, ce n'est pas seulement le dilettantisme, si développé d'ailleurs en ce pays basque, où le moindre village possède sa "banda" (fanfare), son orphéon, ou tout au moins son "tamboril", et dont les grands centres abondent en sociétés chorales et instrumentales ou en virtuoses remarquables, ce n'est pas ce dilettantisme seul qui rassemblait dans la vaste "plaza de toros" de Vista-Alegre, malgré la menace d'un véritable ouragan, semblable à celui qui venait d'exercer ses ravages, près de dix mille auditeurs, et défilant tour à tour sur la piste en l'honneur de leurs collègues français, les musiques de Bilbao, Santa Cecilia, Santurce, Gadalcano, Guecho, Deusto, et celle du régiment de Garellano — sans compter les musiciens venus en spectateurs, comme le chef de l'orchestre municipal de Madrid, M. Villa, ou les membres de la fanfare d'Eibar, qui passèrent à Bilbao tout le temps du séjour de nos compatriotes. Il y avait là, outre la curiosité-artistique, une impulsion amicale envers la France, clairement exprimée dans les viva Françia ! qui suivirent l'exécution de la Marseillaise, par la banda municipale de Bilbao, et l'apparition sur l'estrade de la musique de la garde. Et il faut encore souligner la parfaite unanimité de cette démonstration, sans que les controverses politiques très vives à Bilbao, ancien théâtre des guerres civiles, aient tenté, ni dans la rue ni dans la presse, d'en faire une arme pour ou contre l'idée républicaine.
PLAZA DE TOROS BILBAO BISCAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Puis, cet hommage rendu, les spectateurs redevinrent purement "dilettantes" pour apprécier la magistrale exécution du programme copieux, trop copieux même (puisque, faute de temps, il fallut en éliminer Les Perses, de X. Leroux), de ce concert qui comprenait : Benvenuto Cellini, de Berlioz ; la Jeunesse d'Hercule, de Saint-Saëns ; l'ouverture pour Faust, de Wagner ; la Rapsodie hongroise n° 2, de Liszt ; Armorique, de M. Ballay, le propre chef de la musique de la garde, et Air varié, de Mohr. Tout en goûtant également les souveraines beautés des chefs-d'œuvre antérieurs, c'est peut-être les deux derniers morceaux que le public applaudit le plus vivement : l'un, l'Air varié, prêtant aux tours de force des solistes de la garde ; l'autre, Suite bretonne, dans ses trois parties (Chansons de Cornouailles, le Cimetière du village, le Bourg en fête), évoquant les mêmes émotions rustiques, dont s'inspire et où se complaît la Muse populaire basque, si semblable, en plus d'un point, à celle de Bretagne.
Mais où l'enthousiasme déborda, ce fut quand la musique de la garde attaqua successivement, pour terminer, la Marche royale espagnole, l'Hymne régional basque, le Guernikako arbola, qui chante l'arbre symbolique des fueros de Guernica, et qu'on sut particulièrement gré à nos musiciens d'avoir appris tout exprès, sans avoir eu le temps d'en saisir tout à fait le rythme très spécial, celui de ces airs basques dénommés Zortzicos, à la fois lents et scandés ; enfin, la Marseillaise, à laquelle ils donnèrent, par contre, tout son entrain de marche guerrière, ordinairement méconnu des exécutants étrangers.
GUERNIKAKO ARBOLA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Après les auditeurs privilégiés de ce concert payant, le peuple lui-même eut à son tour l'aubaine d'assister à deux concerts gratuits de la musique de la garde ; et si le premier, dans la soirée du 25, fut contrarié par l'averse, qui n'avait respecté celui de l'après-midi que pour tomber aussitôt après avec une violence redoublée, le lendemain 26 un soleil splendide favorisa, sur la belle promenade de l'Arenal, l'audition de morceaux de Reyer, Saint-Saëns, Mendelssohn, Wagner, et de la Jota aragonaise, de la Zurzuela la Dolorès, du maëstro Breton, dont M. Ballay avait eu la délicate attention de faire figurer le nom sur le programme, pour y réprésenter la musique espagnole.
EL ARENAL BILBAO BISCAYE 1912 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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