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vendredi 23 février 2024

LA FRONTIÈRE À HENDAYE - HENDAIA EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1936

LA FRONTIÈRE À HENDAYE EN AOÛT 1936.


Pendant la Guerre Civile Espagnole, Hendaye et Béhobie, villes-frontière ont été les premiers témoins du Pays Basque Nord de ce conflit, en particulier en août et septembre 1936.




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VUE GENERALE PONT INTERNATIONAL BEHOBIE 1937
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Matin, le 16 août 1936, sous la plume de Pierre-

Gilles Veber :



"Jumelles sur la frontière.

Hendaye, août 1936.



Avant la guerre, l'homme le plus documenté sur le carlisme était certainement, à Hendaye, Etienne Ithurria. Il avait foulé, durant les hostilités, tous les sentiers de montagne parce que reprenant les théories en usage à l'époque du Roi Soleil, pour lui il n'y avait plus de Pyrénées. Il connaissait les gués de la Bidassoa où l'on peut faire passer, à coups de fouet, des mules et des chevaux aptes à porter ultérieurement des canons de 65 et des cacolets emplis de cartouches. Il avait des amis dans les deux camps, car, jusqu'à la minute des promesses d'indépendance du Komintern, les Basques, qu'ils fussent Guipuzcoains ou Navarrais ou de Biscaye, étaient avant tout Basques. Il admirait le curé Santa-Cruz, généralissime de Don Carlos et tireur de première classe, dont les espadrilles noires collaient au rocher aussi bien que les pieds fourchus des chèvres de Vera, mais plaignait les carabiñeros, que le même curé avait adossés aux châtaigniers de San-Esteban, afin de leur apprendre la foi carliste, en appuyant ses arguments avec des lingots de plomb.



Ce Basque madré comme un renard, intelligent et fin, nous montrait les petits fortins bruns, posés à flanc de rocher entre le Jaïzquibel, les Trois Couronnes et les gorges du torrent où sautent les truites et nous contait l'épopée locale de ces redoutes, le chiffre de leurs minuscules garnisons, leur résistance aux gouvernementaux. Ici face à l'île de Faisan dont les peupliers avaient frôlé le brocart des diplomates de Louis XIV et de Sa Majesté Très Catholique, un bataillon du 49e de ligne de Bayonne avait formé les faisceaux dans les maïs et, non loin du jeu de pelote de Béhobie, des canons français étaient pointés sur la fabrique d'allumettes espagnoles. On se battait en effet à San-Martial entre Béhobia et Irun et le préfet des Basses Pyrénées craignait, avant Pierre Benoit, que les combattants fratricides ne franchissent la rivière et ne vinssent s'entretuer dans les roseaux français. Le tocsin sonnait dans l'église de Fontarabie, les bérets rouges montaient vers la Guadelupe ou jadis les pécheurs tinrent en échec les grognards de Napoléon, les détonations des vieilles pétoires à pierre répondaient au grondement des mortiers.



Enfants, nous revivions cette guerre civile avec passion. Mieux que des soldats les récits du vieux Basque enfiévraient nos imaginations et les batailles de 1873-1874 nous paraissaient toutes récentes, il nous semblait, qu'au détour du chemin, nous allions apercevoir le curé Santa-Cruz avec sa carabine et son rosaire. D'autres guerres avaient passé. Les Espagnols, au calme dans leur neutralité, avaient vu, pitoyables, les grands blessés français se traîner dans les palaces de la côte française transformés en hôpitaux. On croyait que jamais le sang ne coulerait plus à Pampelune, à Burgos, à Bilbao. Le vieil Ithurria est mort et il repose maintenant dans la sérénité bleue du petit cimetière d'Hendaye et pourtant, renversant une fois de plus le sablier, le destin qui se complaît à recréer une haine semblable et des événements pareils a ouvert la boite de Pandore au même endroit.



Huit mille sept cent quarante-deux automobiles venues des Landes, du Béarn et de Bordeaux ont déversé sur la ligne frontière des milliers de curieux. Jumelles en mains, ils venaient voir la guerre carlistique qui recommençait ardemment. Des familles entières étaient perchées à la croix des Bouquets sur le panorama de la vallée dans laquelle s'accroupit Irun. Des télémètres d'amateur étaient braqués sur San-Martial où s'aggloméraient quelques miliciens du Front populaire que les armureries pillées de Saint-Sébastien avaient munis de fusils de chasse aux bretelles de ficelle et qui portaient, à la manière des toros de Miura, des cocardes écarlates, piquées sur l'épaule. Le canon de marine embossé à la Guadelupe et dont la gueule, silencieuse et graissée, était autrefois tournée vers la France, aboyait sur Renteria. On s'égorgeait à nouveau dans le village d'Oyarzun et les objectifs prismatiques pouvaient suivre les départs et les arrivées des pièces adverses. Des nuages de fumée pâle drapaient le contour de la montagne, se mélangeaient parfois à un feu de fougères.



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ENDARLAZA VERA DE BIDASSOA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Dans les maïs, le bataillon du 49e de ligne de Bayonne, qui évoquait pour nous le père Ithurria, avait été remplacé par des gardes, désormais très mobiles au casque noir estampillé de la grenade dorée. Des gendarmes, mousqueton sur l'épaule, patrouillaient à bicyclette, le long des voitures rangées sur les bas-côtés. Le pont international de Béhobie n'était plus international du tout, de chaque côté les barrières douanières avec leur mosaïque de cabochons à facettes étaient baissées, et à Béhobia, deux enfants des jeunesses communistes en chemises bleues, cravatés de rouge. le colt leur battant les jambes, attachaient une chaine au parapet de fer. A Biriatou, c'était la cohue. A flanc de colline, les curieux, à croupetons, fixaient leurs regards sur la route sinueuse qui mène à Vera. Parfois un camion ou une benne, où s'accrochaient des hommes en manches de chemise, s'emballait vers le pont d'Enderlaza, à la limite de la Navarre. Là-bas, à Danchaïrena, au poste frontière du col de Saint-Ignace dont les méandres sinueux descendent à Pampelune. Les douaniers français, en kaki, retenaient une foule compacte, qui contemplait flottant au vent pyrénéen, l'étendard de l'ancienne monarchie, rouge, jaune et rouge. 




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BIDASSOA BIRIATOU 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN



Sur l'Atlantique hérissé de moutons blancs, les longs fuseaux gris des torpilleurs anglais fendaient les vagues, filant sur Saint-Sébastien afin de recueillir leurs nationaux. Et, pendant qu'au-delà des montagnes se heurtaient les passions, nous pensions, en fixant le souvenir du vieux conteur de la guerre carliste, que rien n'était nouveau sous le soleil et que, selon l'expression du revuiste "Plus ça changeait et plus ça recommençait." Hélas !"








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