LA BIDASSOA ET HENDAYE EN 1848.
La Bidassoa est un fleuve côtier, frontalier sur une dizaine de kilomètres entre la France et l'Espagne, au Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Eclaireur des Pyrénées, le 9 novembre 1848 :
"Variétés.
En compulsant quelques archives particulières du pays de Labourd et de la Navarre, le hasard a fait tomber entre nos mains quelques pièces d’un intérêt historique tout local qu’on a bien voulu nous autoriser à publier. La première, dont nous donnons aujourd’hui le commencement est un mémoire appartenant aux archives d'Urtubie, relatif la délimitation des frontières de France et d’Espagne sur la Bidassoa. Bien qu’il ne porte aucune date, il est évident qu’il a été écrit à l'époque du traité des Pyrénées et dans le but d’éclairer le ministre français. Fidèle à notre principe, nous le reproduisons dans toute son intégrité, sans rien changer même à l'orthographe. Nous y avons ajouté quelques notes propres à corroborer certains faits ; enfin, nous l’avons fait suivre d’une sentence sur la même matière rendue le 26 avril 1667 par d’Artagnan et de Barres St-Martin, commissaires de Louis XIV, au défaut des commissaires d'Espagne, sentence qui jusqu'à nos jours a servi de base de conduite à nos nationaux.
Mémoire touchant la rivière de Bidasso qui sépare la France d'avec l'Espagne.
Quoyque cette rivière face depuis trois ou quatre cents ans la séparation des deux royaumes, néanmoins d'autant que les Espagnols, qui ne possèdent les terres de ladicte rivière que par pure force et par les droicts des armes, y ont entretenu des forts, afin de se maintenir en leur usurpation (c’est à savoir la ville et forteresse de Fontarabie et le château de Behobie, qui fuct ruiné à environ cent ans, l'une et l’autre desquelles places est sur le bord de ladite rivière), ils n’ont pas voulu souffrir que les François naviguassent avec des vaisseaux à quille aux advenues desdictes forteresses, feignant que cella leur donnoit de la jalousie ou soupçon qu’on ne voulut faire quelque entreprise sur icelles ; tellement que toutes les fois que les François ont paru sur ladicte rivière avec des vaisseaux de ceste nature, les Espagnols ont fait jouer sur eux le canon desdictes forteresses, et cella ce fit particulièrement pendant le règne de Louis XII roy de France, et de Ferdinand et Isabelle roy et reyne d’Espagne, à cause des guerres qu'il y eust entre ces deux princes, tant en Italie pour raison du royaume de Naples, que du costé de Roussillon, où la place de Falces fut assiégée par les François.
En l’an 1510, le roy Louis XII, estant engagé à une très fâcheuse guerre en Italie, contre le pape Jules II, fist tout ce qu’il peust pour empescher que Ferdinand ne se joignist audit Jules, et après avoir arresté le traicté de Cambray, il voulut aussy, pour éviter toute occasion de noise, que les différends qui estoient entre les frontaliers, touchant ladicte rivière de Bidasso, feussent réglez et pacifiez. C’est pourquoy il comist le premier président de Bourdeaux et le lieutenant général de Bayonne pour en conférer avec les députez desdicts Ferdinand et Isabelle, et accorder tous ensemble les expédients qu’ils jugeroient les plus convenables.
Ces quatre commissaires, ayant eu plusieurs conférences, tombèrent à la fin d’accord d'un jugement provisionel, par lequels ils déclarèrent l'usage de cette rivière commun entre les François et les Espagnols réciproquement, tant pour la pesche que pour les autres choses, avec cette différence néanmoins que lesdicts François en useraient avec vaisseaux sans quille seulement, et les Espagnols avec quille indifféremment ; et quand au surplus, l’usage feut déclaré esgal entre lesdictes parties.
LOUIS XIV ET PHILIPPE IV D'ESPAGNE ÎLE DES FAISANS BEHOBIE 7 NOVEMBRE 1659 |
Voici ce qu’on trouve à ce sujet dans une lettre écrite de Bayonne, le 28 juillet 1639, par un gentilhomme de la suite du cardinal Mazarin, lors du voyage de ce ministre à la frontière pour le traité des Pyrénées.
"On en propose un (tempérament) qui est de se voir dans une isle au milieu de la rivière pour se rencontrer comme dans un lieu neutre, auquel cas D. Louis de Haro, ministre d’Espagne, ne prétend pas le disputer ; mais il se présente une difficulté sur ce point, fondée sur ce qu’en l’année 1510 des commissaires nommez de part et d'autre pour le règlement des limites rendirent une sentence par laquelle ils nous adjugèrent les isles qui sont dans la rivière, et le droit d'y mettre des nasses, qui sont des pilliers qu’on enfonce, et qu’on avance dans l’eau pour tendre les filets, sur cela on «dit que les isles nous appartiennent, et par conséquent on tombe dans la difficulté. Nous respondons que jamais nous n’avons acquiescé à la sentence, parce qu'elle ordonne que ceux de St-Jean-de-Luz et de Ciboure pourront entrer avec des vaisseaux sur la rivière, et qu'ils n’auront la liberté de se servir que de bateaux plats, ce qui nous estoit autant préjudiciable qu’utile à ceux de Fontarabie, qu’on délivroit par là du soupçon que l’entrée des vaisseaux leur pouvoit donner, et de la jalousie du commerce : que cela est si vray qu’il fût vérifié en ce temps-là que le commissaire nommé par le roy avoit esté corrompu par le moyen d’un saumon qu’on luy avoit donné sur les lieux, qui estoit plein de pistoles d’Espagne. Sur ces raisons de part et d’autre, l’on parle de bastir sur pilotis un quarré en forme de salle justement sur le milieu de la rivière."
ÎLE DES FAISANS BEHOBIE 1659 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et dans une autre lettre du même gentilhomme, datée de Saint-Jean-de-Luz, du 31 du même mois :
"Après quelques allées et venues de MM. de Pimentel et de Lyonne, il a esté accordé que la conférence se ferait dans une isle qui est à deux lieues d'ici, au milieu de la rivière qui sépare les deux royaumes. Don Louis donnera une déclaration par laquelle il reconnoistra que l'isle appartient également aux deux rois, cela pour oster le doute que le jugement de 1510, dont j’ay parlé, pourroit laisser dans les esprits : ensuite on y bastira une loge, et par le moyen des deux ponts, chacun ministre venant par le sien, il sera vray de dire que M. le cardinal traitera sur les terres de France, et don Louis sur celles d’Espagne"."
DON LUIS DE HARO |
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