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lundi 26 février 2024

UN CRIME À SAMES EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1912

UN CRIME À SAMES EN 1912.


En 1912, un crime odieux vient frapper le village Bas-Navarrais de Sames, peuplé d'environ 800 habitants.




pays basque autrefois basse-navarre crime faits divers
PLACE SAMES
BASSE-NAVARRE D'ANTAN





Voici ce que rapporta à ce sujet la presse nationale et régionale dans plusieurs éditions :



  • La Dépêche d'Eure-et-Loir, le 12 janvier 1912 :

"Tuée par son mari. 

Bayonne, 11 janvier. 


— On trouvait, hier matin, à Sames, dans une mare avoisinant sa demeure, le cadavre de Mme Louise Dufourg, vêtue seulement d'une chemise et portant au cou une blessure profonde faite avec un rasoir. Les voisins ayant constaté que la maison était fermée, l'ouvrirent aux deux enfants, en bas âge de la victime et montèrent à la chambre de la défunte, où régnait le plus grand désordre. Le plancher était couvert de sang.


On alla chercher le mari qui travaillait dans une carrière, à 3 kilomètres de là. Dufourg n’ayant manifesté aucune surprise eu approchant la mort de sa femme, on le soupçonna aussitôt d’avoir assassiné la malheureuse au cours d'une discussion entendue la veille par les voisins. Dufourg protesta de son innocence, mais les contradictions relevées dans ses explications tendant à laisser croire que la morte s'était suicidée, ont motivé son arrestation.



Dufourg, très avare dit on, reprochait à sa femme de trop dépenser."



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QUARTIER DE L'INDUSTRIE SAMES
BASSE-NAVARRE D'ANTAN


  • La Gironde, le 17 janvier 1912 :

"Le Crime de Sames. 



L’émotion causée par l'assassinat de la femme Dufourc commençait à se calmer, lorsque le bruit a couru que le parquet se transporterait une seconde fois à Sames, à bref délai, pour y continuer son enquête, laquelle, paraît-il, n'avance qu’avec lenteur. Il n'en a pas fallu davantage pour ranimer la curiosité publique.



L'affaire ne serait donc pas aussi simple qu’elle l’avait paru tout d'abord. Elle présenterait peut-être même des dessous et des à-côté, tout comme dans les romans au goût du jour. Cette pointe de mystère nous a intrigué, et nous voilà franchissant, par une journée ensoleillée qui ferait envie au printemps, les 10 kilomètres qui nous séparent de Sames.



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BORDS DE BIDOUZE ET QUARTIER SAINT-JEAN SAMES
BASSE-NAVARRE D'ANTAN



La maison du crime sc trouve aux deux tiers de la rampe qui domine le port du quartier Saint-Jean. Elle est quelconque, comme toutes les maisons d'ouvriers. Une personne du voisinage, avec une obligeance qu’on trouve toujours parmi les habitants de la campagne, s’avance vers nous et nous fournit les renseignements que nous sommes venus chercher. C’est son récit, contrôlé et complété par ailleurs, que nous donnons ici :


"Bernard Dufourc, dit Justin, âgé de cinquante et un ans est né à Sames, le 19 mal 1860. Comme la plupart des ouvriers de notre pays, il exerce une double profession : celle de manoeuvre dans une carrière de pierre sise à vingt-cinq minutes d'ici, appartenant à M. Duclercq, fabricant de chaux à Œyre-Gave, et celle de petit cultivateur. Son domaine n’est pas grand, mais, tel quel, il a suffi pour donner à sa famille une toute modeste aisance : il comprend deux lopins de terre, l'un situé au loin, du côte des Barthes, lui appartient ; de l’autre, que voilà, bordant la cour, il n'est que fermier. Avec deux vaches, qui étaient à lui aussi, il labourait sa terre et nourrissait ses enfants.


Dufourc est un ouvrier rangé, très laborieux, assidu au travail, ennemi des dettes, d'une économie frisant l'avarice. Il se privait même, car, contre l’ordinaire habitude des ouvriers, il ne consommait pas plus d'un litre et demi de vin par quinzaine. Il sortait peu. On ne le voyait à l'auberge que le jour des élections.


Il s’était marié, voilà vingt trois ans, à la victime, Marie Laborde, de six ans plus jeune que lui, née à Hastingues, le 25 août 1856. Son beau père. Jean Laborde, est encore en vie ; il habite Came, mais on ne le voyait pas souvent ici.


De ce mariage sont issus dix enfants, et non neuf, comme certains journaux l’ont dit par erreur. Trois sont morts : des autres sept, cinq sont domestiques, deux habitaient avec les parents, Jean Baptiste, l'aîné, conscrit de la clause 1911, va être obligé de se séparer bientôt de ses frères et soeurs, d'aller vivre loin d'eux, dont un malheur horrible l'a fait père et mère à la fois !


Longtemps, le ménage fut uni. Le mari témoignait d’une grande affection pour sa femme ; il avait des prévenances, des soins que n’ont pas le commun des hommes pour la mère de leurs enfants.


Ainsi il lui remettait invariablement ses quinzaines sans en distraire un sou, il allait lui quérir au loin de grosses charges de bois, pétrissait sa méture, lui lavait quelquefois le linge.


Un nuage cependant s’était élevé dans le calme de ce foyer heureux. Depuis quelque temps on pense.... on croit,... on dit que la femme faisait quelques petites dettes chez l’épicier du coin.



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PLACE DU BOURG SAMES
BASSE-NAVARRE D'ANTAN


... Donc la femme, usant du crédit des épiciers, se permettait quelques douceurs en cachette, et le mari, quand il s'en apercevait, n'était pas content ; il faisait des observations, des scènes. Le lundi noir 8 janvier, il rentra très fâché. La mesure de maïs qu’il avait donné l’ordre de remettre au forgeron pour lui payer l’abonnement avait pris une autre destination. Il y eut dispute ; une femme qui passait sur le chemin fut effrayée, elle s'écria : "Ah ! moun Diou, anoèyt que la ba tua !"


Le passage cessa cependant assez vite et nul n’aurait pu penser que, dans cette chambre silencieuse, il se passait un drame atroce, effrayant !


Mardi matin, à six heures un quart, Dufourc prit le chemin de la carrière ; personne ne le vit, mais la femme Bouheben reconnut son sabot et les ouvriers, ses camardes, remarquèrent qu’il était arrivé un peu plus tôt que de coutume. Sa femme était en vie quand il partit, a-t-il déclaré, car il l’avait entendu tousser. Il convient d’expliquer ici qu’ils couchaient dans deux chambres différentes : la femme sous les combles avec sa fillette, le mari au rez-de-chaussée avec le garçonnet. Cette nuit, par exception, les deux enfants avalent couché avec le père.


Cependant, entre huit et neuf heures du matin, deux jeunes gens, y ayant affaire, allèrent frapper au domicile Dufourc : c’étaient le fils du menuisier Duboué et le fils du meunier Hayet. N'obtenant pas de réponse, malgré leurs coups répétés, ils exprimèrent leur surprise à deux voisines, car la porte de la grange était ouverte.


Le fils Hayet monta à la chambre, vit le lit ensanglanté, et sur le parquet un véritable lac de sang.


Avec les voisins et son camarade, on chercha sous le lit, dans le grenier à foin, dans tous les recoins, rien ! On pensa alors à la mare, distante d’une quarantaine de mètres, qui se trouve à l’angle du champ dont Dufourc est fermier. On y découvrit le cadavre de la femme ; il était vêtu d'une simple chemise, sa gorge avait été ouverte par un instrument tranchant, et son corps était sillonné de multiples blessures.


Détail significatif : les sabots de la défunte étaient à côté de l'eau, mais aussi propres que si on venait de les cirer. Or, entre la maison et la mare se trouve la cour, dont le terrain est boueux !


L'autopsie a démontré que la mort remontait à onze heures du soir, contredisant l’affirmation du mari, qui prétend avoir entendu sa jeune femme tousser quand il partait à son travail.


Un voisin fut envoyé au chantier Duclercq pour prévenir le mari et le ramener auprès du cadavre de sa femme. Il ne pleura pas, ne poussa pas des cris de surprise, il dit simplement : "Ah ! pauvre Louise, tu as dû te tuer avec un rasoir !" En route il ajouta une fois ou deux : "Ah ! pauvre de moi", rien autre chose.


Quand on lui posa cette question : Vous saviez donc que votre femme était morte par le rasoir ? Non, répondit-il, mais je l'ai pensé parce que dans le village deux femmes s'étalent suicidées en se tailladant les bras avec un rasoir.


Dufourc écoute avec calme les accusations, il ne discute pas, il se borne à nier : Je m’attends à tout, dit-il, faites de moi ce que vous voudrez, moi je suis innocent, je le dirai jusqu’au dernier souffle.


Ses vêtements et son corps nu ont été examinés avec le plus grand soin, on n’y a relevé aucune trace de sang, aucune égratignure.


De mardi matin à mercredi quatre heures du soir, moment où il a été mis en état d’arrestation, il n’a pas poussé une plainte, pas versé une larme. Malgré les instances dont il a été l’objet, on ne put le décider à manger ou boire. La nuit, il se coucha et il dormit.


Cet homme fut un bon père, comme sa femme une bonne mère. Sur leur compte, personne ne fournira de mauvais renseignements. Les enfants ne croient pas que leur père soit un assassin. A une dame qui s'intéresse à cette famille malheureuse, le fils aîné Jean-Baptiste disait : "Si c'était mon père l’assassin, c’est donc qu’il serait devenu fou : il aimait beaucoup ma mère !" 


Ce qui semble certain, c'est que s'il a tué, du moins n’a-t-il pas prémédité son crime, car la veille, il faisait des démarches pour obtenir, en faveur du conscrit son fils, l'allocation de 75 centimes par jour à titre de soutien de famille.


Le moment de la séparation, en général si émotionnant, ne lui arracha pas un sanglot. S’adressant à ses fils, il leur parla en ces termes : "Ecoutez, enfants, on m'accuse d’avoir tué votre mère. Ce n’est pas vrai. Toi, Jean-Baptiste, vends les vaches et sers-toi de l’argent pour mettre les petits en pension chez quelqu'un de nos amis ; le froment sera pour toi, je te le donne."



P.S. - Au moment où nous finissons cet article (lundi 15 janvier), le parquet enquête sur le théâtre du crime."



Dufourc fut condamné à dix ans de bagne.




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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