UNE PROMENADE À BORDAGAIN EN 1923.
La colline de Bordagain à Ciboure a, depuis longtemps, un endroit prisé des voyageurs, des touristes et des gens du pays.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque,
le 31 décembre 1923, sous la plume de Mesmes :
"Promenade à Bordagain.
18 Décembre 1923.
Un soleil d'extrême automne patine les vieilles façades endormies au bord du bassin ; des rayons brillant doucement, font luire d’un éclat atténué, les briques de la maison de l’Infante. Le rigide corset de quais gris enserre le port paisible où dort une lisse nappe d'argent. Entre les jetées de Ciboure et de la Cabane du Douanier, un pan d’azur, qui est la baie, tranche violemment sur une gaze légère, qui est le ciel. Il est deux heures après-midi ; petits vapeurs et lourdes pinasses sont à la pêche ; peu de passants autour de moi, sur le pont ; personne sur les quais ; un grand calme flotte, délicieux.
Au bout du quai de Ciboure, je prends la rue du Chai. Elle grimpe tout de suite entre de petites villas neuves aux couleurs vives et d'antiques demeures basques ternes et ridées comme de vieux visages fatigués. Ces maisons semblent avoir poussé çà et là au gré de caprices inexpliqués ; la route se faufile entre leurs façades aux angles imprévus et monte en zigzags multipliés. Par les échappées que ménagent ccs bâtisses espacées, des prairies apparaissent mouchetées des taches brunes du fumier ; sur la pente du coteau qu’on longe, de jolis groupes d'arbres portent leurs légères frondaisons de cuivre et d’or mat.
QUAI DE CIBOURE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je chemine dans un chemin encaissé, bordé de haies jaillissantes ou de murs moussus. Ma canne donne de petits coups secs sur le sol pierreux. A droite, des créneaux naturels ménagés dans le talus ou la muraille, encadrent d'exquises marines : Sainte-Barbe, l’Artha, Socoa ! A gauche, une tour octogonale sarrasine, pousse dans le ciel, émergeant des haies vives. Et, à un coude brusque du chemin qui me fait tourner le dos à un délicieux lambeau de rade, elle apparaît en entier, cette tour de Bordagain, sur son socle de murs nus, isolée, légère et méditative au milieu de ce pays tourmenté et magnifique sur lequel elle a vu couler tant de siècles.
TOUR DE BORDAGAIN CIBOURE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Au pied, de l'ancienne église, j’occupe le sommet même du coteau ? Là-bas vers le Nord, Saint-Jean-de-Luz éparpille ses maisons blanches le long de la plage et parmi les pins noirs de Aïce-Errota. On dirait d'un éboulis de blocs énormes après l’explosion d’une mine dans quelque carrière de Paros. Le port dessine ses bassins en figures géométriques où vient de perdre le ruban d’argent de la Nivelle. La rade est de lappis-lazuli ; elle miroite entre les bras rigides des digues de Sainte-Barbe et de Socoa. Le vieux fort gris, bien détaché de la falaise, découpe sur le flot sa silhouette plus alerte, et la mer se perd dans des lointains de brume légère où Biarritz semble flotter.
FORT DE SOCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Au sud, le coteau dévale en une houle gigantesque et immobile vers un horizon vaporeux et bleuâtre. Puis, au loin ces vagues de prairies de champs et de chaumes se relèvent ; leurs lignes parallèles s’étagent et paraissent monter à l'assaut de quelque falaise titanesque sur laquelle elles se brisent en un embrun sombre et formidablement haut qui est la Haya.
Et à gauche, la Rhune bleue et violette, se présente par sa face large. Son profil de bonnet phrygien a disparu. Sa cime est, d'ici petite et ronde ; ses flancs s'étoffent abondamment vers la droite et la gauche ; elle s'étale entre Ascain et Urrugne ; elle ressemble à ces mères-poules ébouriffées et importantes qui, sous leurs ailes à demi ouvertes et sous leur plumage hérissé, abritent la couvée récente.
TABLE D'ORIENTATION LA RHUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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