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dimanche 11 février 2024

LE CHÂTEAU D'ARCANGUES EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1932 (première partie)

LE CHÂTEAU D'ARCANGUES EN 1932.


Le château d'Arcangues, situé sur la commune d'Arcangues, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 2 avril 1980.




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CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 9 de la Société des Sciences, Arts et Lettres de 

Bayonne, le 1er janvier 1932, sous la plume de Pierre d'Arcangues :



"Le Château d'Arcangues.



Couvert de lierre, de chèvrefeuille et de ces fleurs rouges dont le nom m’échappe, qui l’automne venu, retombaient en grappes pourpres le long des vieux murs, chargé d’années... et de gouttières, lézardé comme un parchemin, mais environné d’une poésie que, seules les vieilles maisons conservent avec le parfum des lessives et des tapisseries, le vieux château d’Arcangues est mort en 1900.



Il était lui-même le second. Le premier datait probablement de la fin du XIIe ou du commencement du XIIIe siècle et fut brûlé entièrement en 1636, lorsque les Espagnols occupèrent une partie du Labourd et firent de Saint-Jean-de-Luz la base de leurs incursions dans le pays. C’est également de la fin du XIIe siècle que M. de Jaurgain fait dater l’église d’Arcangues.




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EGLISE D'ARCANGUES
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il est bien regrettable que les maisons ne puissent pas écrire leurs mémoires ; il y aurait dans leur récit plus d’impartialité que dans ceux des hommes. Estaunié, le grand romancier, a écrit sur ce sujet plusieurs œuvres émouvantes dont une "Les choses voient" est particulièrement saisissante et je me souviens notamment du récit dramatique que conte un vieux miroir suspendu dans le salon d’une maison de campagne.



Je suis persuadé que le vieil Arcangues, dans lequel j’ai vécu jusqu’à l’âge de quinze ans, aurait eu beaucoup de choses à dire.



Est-ce parce que son souvenir est mêlé intimement à l’éveil de ma jeunesse ? Est-ce parce que ses pièces sombres conservaient une odeur de mystère ? Je ne sais, mais je n’ai aucune peine à évoquer toutes les sensations que j’y éprouvai et, en fermant les yeux, je retrouve parfois jusqu’au parfum de chacune des pièces. Ah ! le parfum des vieilles maisons ! Avez-vous observé combien il est spécial ? Celui de la grande cuisine, notamment je le respire encore, il me semble ; c’était un mélange de lavande et de vieux noyer. Rien ne saura jamais me le rendre. On eût dit qu’il y flottait les fumets des piperades et des confits, des garbures et des jambons !



Les couloirs obscurs étaient jalonnés de marches traîtresses ; les larges planches des planchers moutonnaient comme des vagues ; cela avait un peu l’air d’une attraction à Luna Park : bref, tout était bien combiné... pour qu’on se casse la figure, mais on ne se la cassait pas, car il y a un Dieu pour les vieilles maisons, j’en suis certain.



Les lampes étaient à l’huile et les baignoires... absentes. L’eau qu’il fallait pour toute la consommation de la maison extraire d’un vieux puits était plus précieuse que le vin ; le courrier arrivait quand il pouvait...



Mais le soir, dans la campagne recueillie, montaient les irrintzinas et les chants des bouviers. Aucun clakson ne troublait le frémissement des arbres et les nuits étaient si calmes que la maison semblait suspendue dans un hamac au-dessus des brumes et des cimes.



Les écuries et le poulailler touchaient presque le château. La remise aux voitures occupait même une pièce du rez-de-chaussée au-dessous de la chambre d’amis (attention touchante) de manière que le matin les invités étaient agréablement bercés par le chant des coqs et les sifflements des cochers qui lavaient les voitures.



Tous les dimanches après-midi, mes parents recevaient. Je voyais arriver, ébloui, les vieilles calèches, les coupés de chez Maumus, les landaus de Darrigrand, aux postillons noirs et rouges, soutachés d’argent et les grelots que nos chevaux anglo-arabes portaient à leur collier faisaient dans la grande allée un joyeux tintamarre.



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MAISON MAUMUS BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Parmi ces équipages, l’un d’eux retenait toujours plus particulièrement mon attention d’enfant. C’était celui de mon oncle et de ma tante Jules Labat. C’est que le ménage Labat jouissait d’un prestige mérité et incontesté. Lui arrivait avec son impériale blanche, elle avec ses yeux pétillants de malice et avec eux entrait un parfum de crinoline et de Second Empire. Ils sont trop près de nous encore pour que je me permette de vous en tracer un portrait détaillé, mais les châtelains de Gramont ont occupé à juste titre une place si grande à la Mairie de Bayonne et dans la société de cette époque que je me plais à saluer au passage leurs belles figures disparues.



Leur équipage était vieux comme eux. Il se composait de deux juments noires que l’on appelait "les miroitantes", je ne sais diable pas pourquoi. Elles étaient tellement grasses, luisantes et apoplectiques qu’on était partagé entre l’admiration pour les soins dont elles étaient l’objet... et la crainte de les voir éclater. Le cocher était vieux comme l’équipage. Il se nommait Jean Cassou. C’était un petit vieillard à la figure ridée comme une pomme, aux yeux vifs. Il conduisait la voiture de ses maîtres comme si elle eût été le char de l’Etat et les jours de grand déjeuner à Gramont, il aidait à servir à table. On le revêtait à cette occasion d’une livrée, sorte de redingue à boutons d’or. Mais comme il n’était pas très expérimenté dans l’art de servir à table, il ne passait pas les plats. On lui confiait les vins. On lui avait dit qu’il fallait annoncer les vins qu’il servait... mais dame, Jean Cassou, s’il savait bien les boire, confondait un peu leurs noms. Et c’est ainsi qu’ayant à servir un jour un vin fameux en Espagne le Pedro Jimenez, il annonça pompeusement, à la joie de tous les convives "Perdreau criminel 1875." Il eut beaucoup de succès. Tout le monde connaissait Jean Cassou et je me souviens encore de la manière alerte dont il lampait — zampaka ! comme disent les basques — son verre de vin, debout sur son siège, pendant que ses patrons, au salon "goûtaient"... Car je ne suis pas tout à fait sûr qu’on prît en ce temps du thé dans le vieil Arcangues.




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VIN PEDRO XIMENEZ B



Mais la partie de la maison qui émut le plus mon imagination d’enfant, c’est certainement le grenier ou plutôt les greniers, car ils étaient nombreux, énormes et obscurs. Encombrés d’un tas de meubles cassés, d’objets hétéroclites, de livres à moitié dévorés par les rats, ils constituaient une espèce de royaume ténébreux et effrayant où je ne m’aventurais que tremblant. Des chauves-souris s’y entrecroisaient sans arrêt ; des vieilles chouettes empaillées perdaient le reste de leurs plumes, des mannequins y pleuraient leur son. C’était à la fois comme un bric-à-brac et un cimetière où, parfois, les bois craquaient si étrangement que je m’enfuyais éperdu. Et, le soir venu, dans ma chambre qu’un mince plafond séparait de ce domaine hanté, j’écoutais, blotti sous mes couvertures, la sarabande effrénée des rats qui certainement devaient donner des dîners de gala aux frais des chapelets d’oignons qui séchaient, je crains, depuis de nombreuses années.



La bibliothèque... était évidemment une bibliothèque, puisqu’elle contenait un très grand nombre de livres ; mais elle tenait plutôt d’un débarras par l’amoncellement d’objets divers qu’elle abritait et par l’incroyable désordre qui y régnait.



C’est là que je pris contact pour la première fois avec les archives familiales. Et lorsque je dis que j’ai pris contact avec elles, ce fut évidemment d’une manière peu courante pour ce genre de documents ; car c’est avec les pieds que ça se passa. Ils gisaient en effet par terre, enchevêtrés, mélangés inextricablement ; c’était comme une mer houleuse de parchemins et l’on était saisi d’une sorte de désespoir à la pensée qu’il faudrait un jour classer tout cela.



Ce classement, il fallut tout de même s’y résoudre.



Le vieux château ne tenait plus que... par une habitude d’enfance.



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CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Les nuits de vent du sud, il craquait de toutes parts ; il oscillait doucement comme les chênes qui l’entouraient ; les escaliers s'emplissaient de bruits sinistres et... ma foi, nous n’étions guère rassurés. II fallait donc se décider à démolir la vieille demeure et il fallait auparavant classer les archives.



Mon père se fit aider par deux Bayonnais que je n’ai pas besoin de vous présenter, car ils ont laissé une œuvre que tout le monde connaît et une réputation d’archéologues qui n’est plus à faire : Paul Labrouche et mon cousin Pierre Yturbide. Tous les deux, aidés par un troisième non moins célèbre, M. de Jaurgain, avec cette patience et cette passion que seuls possèdent les hommes habitués à compulser les vieux textes, ramassèrent, lirent et mirent en ordre une énorme quantité de documents d’un grand intérêt pour notre famille. Certains avaient trait à l’histoire de notre région. Ils trouvèrent notamment parmi eux, au sujet des remparts de Bayonne, des indications précises, dont ils tirèrent profit par la suite.



Le vieux château fut démoli et mon cœur d’adolescent saigna un peu, je m’en souviens, en regardant tomber les pierres grises que veloutaient les mousses du temps. Mon père et ma mère, en élaborant les plans de la nouvelle construction, tinrent avec juste raison à ce que son architecture rappelât celle qu’ils venaient de jeter à bas et c’est ainsi que tout en étant beaucoup plus grand et surtout beaucoup plus confortable, le château actuel le rappelle parfaitement.



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CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Mais puisque ce n’est que dans les livres de M. Estaunié que les maisons racontent leur histoire, il faut bien que ce soit moi qui vous dise aujourd’hui le peu de choses que j’en sais et qui, du reste, a été fidèlement rapporté dans l’étude que M. Joseph Nogaret publia dernièrement sur les châteaux basques.



Pour cela, et je m’en excuse, je suis obligé de retracer les grandes lignes de l’histoire de ma famille ; car la vie des maisons n’est que le reflet de ceux qui y passent.   



Tout ce que je vais avoir l’honneur de vous dire, si toutefois j’ai la chance de ne pas vous incliner vers un doux sommeil, est le résumé de ce que j’ai fidèlement consigné dans un livre auquel je travaille depuis trois ans et qui va paraître très prochainement. J’y ai scrupuleusement observé une exactitude qui est, dans ce genre de travail, le plus élémentaire des devoirs et j’y ai inséré les photographies des documents les plus importants."



A suivre...






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