AU "PAYS DES BASQUES" EN MAI 1934.
Gaëtan Bernoville, né le 6 novembre 1889 à Saint-Jean-de-Luz (Basses-Pyrénées) et mort le 11 janvier 1960 à Paris 5ème arrondissement, est un journaliste et écrivain catholique français.
Il publie, en 1930, Le Pays des Basques : Types et Coutumes.
Voici ce que rapporta à ce sujet Charles Baussan dans le quotidien La Croix, le 27 mai 1934 :
"Au Pays des Basques.
Le précepte antique "Connais-toi toi-même" vaut pour les peuples aussi bien que pour les individus ; la France a beaucoup à apprendre à se regarder elle-même, sans vaine complaisance, à étudier et comprendre les diverses races et les divers pays, si bien soudés, si bien fondus en elle, en une seule nation et une seule terre. C’est donc, on peut le dire, une œuvre patriotique que cette Collection "Gens et pays de chez nous", qui s’ouvre si heureusement par le livre de M. Gaétan Bernoville : le Pays des Basques.
Le pays basque a sept provinces, trois sur le versant français. — Labourd, Basse-Navarre et Soule, — quatre sur le versant espagnol, — Guipuzcoa, Biscaye, Navarre, Alaba. Ces sept provinces sont sœurs ; elles ont même sang, même langue, mêmes traditions. Mais, dans ce livre, M. Gaétan Bernoville ne parle que des trois provinces qui sont de ce côté-ci des Pyrénées.
Ce pays, il ne l’a pas seulement étudié dans une enquête à laquelle rien n’échappait, il le voit et il le sent ; c’est pour lui "une chose vivante et naturelle, dessinée par le contour des collines et de douces habitudes de vie" ; ce pays-là, c’est son pays !
Avec les voix des Basques, il entend les voix, de son enfance et de sa jeunesse ; son livre, ce sont toutes ces voix qui parlent.
La côte, d’abord, et le pêcheur. M. Gaétan Bernoville dit le charme de la capitale du Labourd, Bayonne, demeurée basque ; l’histoire de Biarritz et de Guéthary, devenues, de villages marins qu’elles étaient, des villes d’hôtels et de touristes ; l’histoire, avec les portraits, de Saint-Jean-de-Luz et des pêcheurs luziens, jadis baleiniers et corsaires, aujourd’hui mélangés aux pêcheurs bretons pour la pêche à la sardine. Il dessine la scène pittoresque de l'arrivée des bateaux sardiniers et de la course des marchandes, le panier sur la tête, le long des rues, à qui trouverait le plus vite des acheteuses.
LIVRE LE PAYS DES BASQUES DE GA£ETAN BERNOVILLE |
C’est en deçà de cette bande côtière de 4 ou 5 kilomètres de large qu’est le paysan-type sur lequel surtout M. Bernoville fait porter ses observations. A l’intérieur des terres, on ne parle guère que le basque. Avec le caractère basque, indépendant, fier, soucieux de l’honneur, c’est la langue principalement, une langue la plus fermée qui soit, qui a, jusqu’à présent, maintenu et même sauvé la race et ses traditions et fait des Basques un peuple à part. Entre les Basques et les influences étrangères, cette langue est une barrière. Mais "une barrière qui tend à céder". Les enfants apprennent le français à l’école ; les fonctionnaires parlent français ; autos et autobus pénètrent partout. La langue basque s’altère. "Elle tient encore assez fortement, mais pour combien de temps?"
Combien de temps encore l'entendra-t-on, presque seule, dans le royaume paysan dont M. Bernoville nous montre les paysages ? "Dans ces trois provinces ? — Le Labourd, avec ses vastes plateaux arides ; ses landes où s’ouvre la fleur jaune du genêt ; la longue rue du village d’Ustaritz et, au delà, le collège Saint François-Xavier ; Hasparren, au centre d’une petite plaine où l’on arrive par des routes sauvages ; Espelette, village où le presbytère et la mairie vivent dans le même vieux château et dont les maisons s’étagent harmonieusement sur deux coteaux.
CHÂTEAU FEODAL MAIRIE ESPELETTE LABOURD D'ANTAN |
La Basse-Navarre, montagneuse dans le Sud et plus riche et plus molle de dessin, au Nord, que le Labourd : avec ses ponts de pierre fortement arqués et envahis par des plantes exubérantes que l’on rencontre, d’ailleurs, un peu partout en pays basque ; avec Saint-Jean-Pied-de-Port, ville dorée et chaude, autour de sa citadelle, œuvre de Vauban, et ses vieilles rues grimpantes, étroites et ensoleillées ; avec Saint-Palais, gros bourg tranquille au milieu des prairies et des champs de betteraves et de fèves.
CITADELLE ET FOSSES SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT BASSE-NAVARRE D'ANTAN |
La Soule, pays de forêts et de pâturages : avec Mauléon et sa citadelle ; avec l'Hôpital-Saint-Blaise, maigre village éparpillé sur la colline, qui possède une église du plus vieux roman et qui eut jadis un hôpital pour les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.
EGLISE HÔPITAL-SAINT-BLAISE SOULE D'ANTAN |
Dans ces paysages rit la façade de la maison basque, le crépi blanc, trait commun aux trois provinces ainsi que l'inscription qui, au-dessus de la porte d’entrée, dit le nom du propriétaire ou la date à laquelle la maison a été bâtie. La façade labourdine a des boiseries extérieures sculptées et peintes en rouge brun. La ferme navarraise a souvent des balcons de bois peints eux aussi en rouge. La ferme souletine a déjà le toit d'ardoise de la ferme béarnaise. Tout cela, quelque intéressant que ce soit et admirablement décrit, ce n'est encore que le cadre, voici le personnage : "Le paysan, c’est le Basque." Race agricole et pastorale, le Basque "reste ce qu’il est : l'exemple d'une petite nation organisée pour ne pas mourir".
Le beau portrait, celui de ce paysan racé, de grande allure, fier d'une fierté qu’il porte extérieurement : "Le paysan qui conduit sa charrette à bœufs, l’aiguillon sur l’épaule, la tête haute, rasée sous le béret, vous diriez un proconsul romain."
PAYSAN BASQUE GUIDANT SON ATTELAGE DESSIN DE F HUYGENS |
L’âme a la même grandeur, ou plutôt c'est elle qui la donne. Le Basque a l'amour de l'indépendance et de la liberté ; mais il a, en même temps, "le sens de la hiérarchie située sur le plan familial, patriarcal pastoral, régional et religieux..." Au foyer le principe de l’autorité s’articule avec souplesse au culte de la liberté.
Le Basque est un taciturne. Il aime à l’extrême les divertissements, les fêtes patronymiques du village, les danses sur la place, le jeu au fronton. Mais en tout cela peu de paroles. Pas de longues histoires aux repas de fêtes, mais des chansons en chœur : "Chanter, c’est encore une façon de se taire."
Le paysan basque "accepte virilement le quotidien comme l'éternel". Chez lui, "la paix du foyer, l'union de la famille viennent d’une conception traditionnelle, innée, de la vie et de l’ordre, non d’une douceur sentimentale". II est superstitieux, croit aux sorts et aux jeteurs de sort, mais ces superstitions coïncident chez lui avec une religion simple et profonde. "Le paysan basque est éminemment religieux. Il a une vie paroissiale intense et observe scrupuleusement au foyer les rites religieux."
Il a de la personnalité jusque dans son costume. En Soule et en Navarre, il porte une blouse courte les jours de fête ou de marché. Dans les trois provinces, il chausse ses pieds de sandales et surtout il est coiffé du fameux béret : "En général le Basque n'enlève son béret qu'à l'église, pour saluer Dieu. A l'égard des autres, son salut consiste à déplacer son béret de gauche à droite et à le soulever légèrement, ou mieux encore, à ne faire qu'un signe de tête."
LIVRE LE PAYS DES BASQUES DE GAETAN BERNOVILLE |
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