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samedi 3 février 2024

RENAU D'ELISSAGARAY D'ARMENDARITS EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (première partie)

RENAU D'ELISSAGARAY D'ARMENDARITS.


Bernard Renau d'Eliçagaray, né le 2 février 1652 à Armendarits (Basse-Navarre, Basses-Pyrénées) et mort le 30 septembre 1719 à Pougues-les-Eaux (Nièvre), est un ingénieur et officier de marine, à l'époque de Louis XIV.




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AFFICHE PASTORALE RENAU D'ELISSAGARAY


Voici ce que rapporta à son sujet le bulletin N° 10 de la Société des Sciences, Lettres et Arts de 

Bayonne, le 1er juillet 1932 :



"Un Basque illustre.


Renau d'Elissagaray 1652-1719.



Certaines époques ont une pléthore de grands hommes. Il semble que tous les grands artistes, les grands capitaines, les esprits éminents se soient entendus pour paraître en même temps. Ce spectacle nous est offert plusieurs fois dans l’histoire du monde, mais, fait curieux, ces hommes ne semblent être grands que par rapport à un autre plus grand encore, qui pour accomplir ses vastes desseins a su les découvrir et donner à leur génie, l’impulsion nécessaire à son développement. C’est ainsi que Louis XIV nous apparaît réellement comme une planète éblouissante ayant pour satellites Colbert, Condé, Luxembourg, Villars, Duquesne, Vauban et bien d’autres. Mais de même que Louis XIV absorbe en partie la gloire de ces hommes illustres, ceux-ci, à leur tour, éclipsent d’autres personnages de second plan qui, à n’importe quelle époque moins riche en génies de premier ordre, auraient été considérés comme tels et auraient eu la place qu’ils méritent. Tel est le cas du Basque Bernard d’Elissagaray dit petit Renau dont je vais avoir l’honneur de retracer devant vous l’étonnante carrière, tout en m’efforçant de vous dépeindre son caractère magnifique, incarnation parfaite des vertus de la race euskarienne.



Le nom d’Elissagaray est des plus anciens au Pays Basque. Un membre de cette maison, originaire de la Navarre espagnole, avait suivi Jean d’Albret quand en 1512 il fut dépouillé de ses possessions transpyrénéennes par Ferdinand II roi d’Aragon. Les d’Elissagaray ont été Seigneurs de l’abbaye laïque portant leur nom sur la paroisse d’Ibarrolle-Bunus. Par des mariages ils se sont alliés aux d’Arcangues-Gurrutchea, aux d’Yrumberry, aux d’Orzaiztegui ; mais je suis très porté à croire que Petit Renau n’a aucun lien de parenté avec ces nobles familles et que le nom d’Elissagaray qu’il n’emploie du reste jamais lui vient de sa maison natale située tout auprès de l’église d’Armendaritz, comme l’indique du reste l’étymologie basque : Elissagaray, au-dessus de l’église. Comme tant de fois dans notre région, la maison a donné son nom à ses habitants. En effet, au-dessus de la porte principale de cette demeure, aujourd’hui une auberge et une épicerie, on peut lire l’inscription suivante, qui entoure une croix gravée : "Pierrech eta Maria 1626" et au-dessus "Eliczagaray". Quoi qu’il en soit, les Elissagaray mènent à Armendaritz la vie simple et patriarcale des paysans de l’époque. Le père de notre héros, Tristan, qualifié dans son acte de mariage d’héritier d’Hostatuberri et de maître de la maison d’Elissagaray, a épousé le 31 Janvier 1645 Marie de Guilendéguy dont il a déjà quatre enfants Bertrand, Guillaume, Jean, et Marie, quand le jour de la Chandeleur de 1652 lui naît un quatrième fils, Bernard, baptisé le jour même par le vicaire François Durruty. C’est dans le cadre admirable d’une famille navarraise que le petit Bernard passe ses premières années. La tendresse, la piété de sa mère, les fortes vertus, la douce mais ferme autorité de son père et surtout l’atavisme de toute une ascendance plongeant ses racines dans le plus lointain du sol euskarien lui inculquent dès l’âge le plus tendre ces principes de foi, d’honnêteté, de patience et d’honneur qui le suivront dans toute sa carrière et que jamais il ne démentira.



Le vicaire Pierre de Suhart donne à l’enfant les premiers rudiments d’instruction. Son intelligence s’éveille, tout l’intéresse et on est émerveillé de tant d’esprit dans un corps si petit car les années passent et le jeune Bernard ne grandit pas comme il devrait, non toutefois qu’il reste un nain ou qu’il soit difforme. "Il avait, nous apprend Fontenelle, une très petite taille mais très bien proportionnée et qui tirait de l’agrément de sa petitesse même, l’air adroit, vif, courageux."



Claude de Montréal, baronne d’Armendaritz, dont le château est situé à un quart de lieue du village, remarque l’enfant et l’engage à son service. Bernard tout jeune encore quitte ses parents et revêt la livrée de page. En cette qualité il prend part aux jeux et surtout aux études des enfants de la châtelaine. Il est facile de s’imaginer tout le profit qu’il en tire, tellement que Madame de Gassion, en visite chez la baronne d’Armendaritz, est séduite par l’allure de son page et manifeste le désir de se l’attacher. Madeleine de Gassion, femme du président à mortier du parlement, nièce du fameux maréchal, est la fille de Monsieur Colbert du Terron, cousin germain du grand Colbert. Claude de Montréal ne peut rien refuser à une dame si bien apparentée et lui cède le jeune Bernard. Celui-ci quittant le Pays Basque pour le Béarn vit avec ses nouveaux maîtres dans leur château d’Arbus, à une lieue de Pau. A partir de ce moment, et je n’ai pu savoir pour quelle raison, Bernard change de nom et prend celui de Renau qu’il gardera toute sa vie. Etant donné l’exiguïté de sa taille, on y ajoute le qualificatif de petit et c’est sous le surnom de Petit Renau qu’il passera à l’histoire.



Au château d’Arbus, la société est choisie, policée. Au contact des gentilshommes béarnais, s’essayant à imiter le ton et les manières de la cour Petit Renau s’affine. Il écoute tout ce qui se dit, en fait son profit. C’est quand on parle le plus qu’il parvient à s’isoler davantage, à voir le plus juste, et à penser le plus profondément. De tout ce qu’il entend, il tire des réflexions tellement extraordinaires chez un jeune homme, qu’elles frappent M. Colbert du Terron en visite chez sa fille.



Monsieur Colbert du Terron n’est pas le premier venu ; si sa maison n’est pas très ancienne, il a su se créer une situation importante dans l’administration du royaume. Intendant de Sa Majesté à La Rochelle et très versé dans les questions maritimes, il a été chargé par le souverain de chercher un emplacement favorable à la création d’un nouveau port de guerre. Son choix s’est porté sur une petite seigneurie située à l’embouchure de la Charente, nommée Rochefort où depuis 1666 il est occupé à creuser un port, à bâtir un arsenal.



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ARSENAL DU PONANT 1666
17 ROCHEFORT



Colbert du Terron est la bonne fée de Renau. Sentant chez le jeune Basque des dispositions extraordinaires pour les mathématiques, il demande et obtient de sa fille l’autorisation d’emmener son page. Madeleine de Gassion consent bien à contre-cœur à se séparer de cet enfant qu’elle appelle son fils. Dans le lourd carrosse de voyage de son protecteur, Petit Renau gagne la Saintonge. A Rochefort il est accueilli avec joie au foyer de Monsieur du Terron. Traité en enfant de la maison, il fait partie de la famille à tel point que les deux filles cadettes de son bienfaiteur qui deviendront plus tard, l’une, la Princesse de Carpègne, l’autre, Madame de Barbançon, l’appellent leur frère. Et, comme le fait très justement remarquer Fontenelle, il faut qu’un jeune homme ait de rares qualités pour se faire ainsi aimer de tous dans une demeure étrangère.



Dans la ville naissante, l’actif du Terron mène tout de front : constructions civiles, militaires, navales, terrassements de toute sorte, assainissement des marais environnants. A la suite de son maître, Renau parcourt les chantiers, s’informe de tout avec une soif intense de connaître. Les maîtres charpentiers surpris de sa vive intelligence le promènent dans la coque des galères, entre les ponts, sur les mâts des frégates. A l’arsenal il étudie à loisir les différents canons, leur calibre, leur portée. Bientôt la construction et l’armement d’un navire de guerre n’ont plus de secrets pour lui.

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ARSENAL 1690
17 ROCHEFORT



Le soir dans la grande salle de l’intendance où sont réunis les du Terron et leurs hôtes, il s’isole, réfléchit, repasse dans son esprit tout ce qu’il a vu et entendu et s’instruit à force de méditer, sans presque jamais ouvrir un livre. L’adolescence de Renau s’achève ainsi dans cette atmosphère d’intense labeur. Son esprit est totalement accaparé par ses études et il y trouve son seul plaisir, ignorant tout des passe-temps de son âge. On est étonné qu’un garçon de vingt ans, vivant dans un port de guerre où fréquentent toute espèce de gens, conserve cette pureté de mœurs, cette intégrité totale et mène droit son chemin sans jamais défaillir. On ne peut expliquer cette attitude que par la profondeur de sa foi inébranlable de Basque. Aussi, ne faut-il pas s’étonner quand à vingt-deux ans, en 1674, il s’enthousiasme pour la doctrine que le père Malebranche, un oratorien, expose dans son traité sur la "Recherche de la vérité". Renau trouve un nouveau sujet de méditation dans les grands thèmes exposés par le maître, dans cette abnégation totale en la personne de Dieu.



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LIVRE DE LA RECHERCHE DE LA VERITE
DE NICOLAS MALEBRANCHE



En 1675, Colbert du Terron est nommé intendant de la flotte qui, sous le commandement de Duquesne, doit aller au secours des Siciliens révoltés contre l’Espagne. Très absorbé par sa nouvelle charge, il laisse à Petit Renau le soin de rédiger et même parfois de signer les longs rapports qu’il envoie à Sa Majesté. On est étonné de leur clarté, de la largesse de vues, de la hardiesse des idées. Le marquis de Seignelay, fils du grand Colbert est séduit et quand en 1679 il s’agit de donner un conseiller au comte de Vermandois, grand amiral de France, le choix se porte sur Renau. Voilà déjà treize ans que le grand amiral occupe sa charge et pourtant il n’a que quinze printemps quand Bernard d’Elissagaray est nommé près de lui, à l’âge de 27 ans, aux appointements de 2 000 écus. Le maître et l’élève ne sont pas des inconnus l’un pour l’autre, car le jeune prince a séjourné assez longtemps à Rochefort où sa santé compromise par le climat malsain a causé bien des tracas à la brave Madame du Terron qui s’obstinait à lui faire prendre médecine, malgré la vive répulsion du jeune homme pour ce traitement.



Petit Renau quitte Rochefort où il a passé de si bonnes années, choyé au foyer de l’intendant. Le voilà à présent à la cour, monde tout nouveau pour lui, dans ce palais de Versailles tout resplendissant de ses ors éclatants et de ses marbres neufs. Tout autre que Renau serait ébloui, dépaysé mais là encore son caractère de Basque lui permet de s’assimiler, tout en gardant sa forte personnalité et sans jamais s’étonner de rien. Non seulement il fait l’éducation navale du grand-amiral mais encore le roi le désigne pour apprendre la géographie et l’arithmétique à la princesse de Conti. De par sa nouvelle charge, Renau a droit d’assister au Conseil de la Marine. Dans cette assemblée souvent présidée par le roi en personne, il est le collègue des amiraux et des ingénieurs les plus illustres. Il y a là le vieil Abraham Duquesne, brave entre les braves, vainqueur de Ruyter ; Tourville, dont la gloire naissante laisse prévoir les plus beaux exploits ; Gabaret, son lieutenant ; Vauban déjà célèbre par de nombreux sièges ; il y a là aussi le ministre Colbert et son fils Seignelay. Il s’agit de réformer la marine et surtout de modifier la construction des vaisseaux trop lourds pour les évolutions de la guerre moderne. La discussion est vive au Conseil ; M. Duquesne tient pour l’ancien système : il veut conserver aux navires ces châteaux d’arrière et d’avant largement sculptés, dorés comme des retables espagnols, si utiles en cas d’abordage, car l’équipage peut s’y retirer et y soutenir un long siège. Le minuscule Renau est oublié, quand Duquesne se souvenant qu’il vient de Rochefort lui demande un renseignement sur un détail de construction particulier à cet arsenal. Renau en profite, saisit l’occasion, et développe un système absolument opposé à celui du vieil amiral. Il déclare que, si l’on veut obtenir plus de souplesse dans la manœuvre et plus d’efficacité dans le tir, on doit supprimer ces trop lourds châteaux d’arrière et d’avant, donner à toute la coque la même épaisseur, diminuer la courbure du vaisseau, disposer les sabords en échiquier et donner le même calibre à toutes les pièces d’artillerie, afin d’éviter les erreurs de gargousses. A l’énoncé de ces réformes, Duquesne se récrie ; sans se déconcerter, Renau réplique textuellement "que puisqu’on s’opiniâtrait à faire d’un vaisseau une forteresse, il ne faudrait pas s’étonner si les vaisseaux marchaient non plus que des forteresses." Vauban appuie le jeune ingénieur, Colbert et Seignelay entrent dans ses vues, Duquesne capitule devant ce génie de 28 ans. Le roi ordonne à Versailles la construction d’un modèle de frégate sur les données de Renau. Un charpentier est mandé de Dunkerque et bientôt sous les yeux émerveillés de la cour et des officiers de marine appelés à donner leur avis, Renau fait évoluer autour des divinités de bronze du grand bassin la réduction minutieuse d’un vaisseau de combat. L’essai est concluant. Louis XIV envoie Renau d’Elissagaray dans les différents arsenaux enseigner sa méthode aux charpentiers de la Marine. Ce sont des maîtres importants ayant chacun leur secret de construction jalousement gardé. Maître Hubac à Dunkerque, Legonidec à Brest, Honorat au Havre de Grâce voient d’assez mauvais œil ce petit être leur imposer sa façon. Et pendant ces années 1680 et 1681 Renau va d’un port à l’autre surveillant les chantiers, si bien qu’en quelques mois, il forme une équipe de jeunes maîtres connaissant à fond leur métier, susceptibles à leur tour de former des élèves. Malgré ses courses multiples de Brest au Havre, du Havre, à Dunkerque, Renau vient souvent à Versailles assister au Conseil de la Marine."



A suivre...




(Source : Bayonne : Renau d'Eliçagaray, marin et ingénieur naval bas-navarrais sous Louis XIV (baskulture.com) et 1666 débute la construction du futur Arsenal du Ponant (Rochefort) sur la côte Atlantique - PHystorique- Les Portes du Temps)




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