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vendredi 18 octobre 2024

LE TRAGIQUE DESTIN D'EUZKADI EN 1938 (neuvième partie)

 

LE TRAGIQUE DESTIN D'EUZKADI EN 1938.


La guerre civile espagnole, du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939, contraint plusieurs centaines de milliers de Républicains et de Basques à l'exil dans le monde entier.


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EXIL A HENDAYE SEPTEMBRE 1936



Je vous ai parlé dans un article précédent de la huitième publication de Pierre Dumas, au sujet 

des Basques dans la guerre civile espagnole.



Voici ce que rapporta Pierre Dumas, dans le quotidien L'Aube, le 31/08/1938 :



"Le tragique destin d'Euskadi.

V. — Les Basques devant la guerre civile.

(Par Pierre Dumas)



Avant le fatal 18 juillet 1936, où donc en étaient les revendications d'autonomie des provinces d'Euskadi ?


Dans un article précédent, je me suis servi de l'irréfutable Larousse pour définir la position des Basques vis-à-vis de l'Espagne ; il me plaît, aujourd'hui, de m'appuyer sur des faits précis et sur des dates non moins irréfutables.



1. Le statut basque préparé et rédigé par le gouvernement républicain de Madrid avait été adopté par un plébiscite, le 5 novembre 1933, par 88 pour cent des voix des trois provinces de Alava, Guipuzcoa et Biscaye ;


2. Depuis ce plébiscite, le statut dont j'ai le texte entre les mains était examiné et approuvé par les commissions compétentes des Cortès.




pais vasco antes autonomia guerra civil
STATUT D'AUTONOMIE 1931
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ces deux premiers points étaient réglés et le vote définitif était donc certain, dès avant l'insurrection de Franco. Si, effectivement, le vote final n'a été émis qu'après le mouvement (octobre 1936), l'essentiel était fait avant : Les Basques possédaient leur statut.



Ce n'est donc pas à la suite d'un marchandage honteux que les Basques se sont classés parmi les défenseurs du gouvernement de Madrid. Ils avaient obtenu, avant la révolution, à peu près toutes leurs revendications.



Voilà qui est clair et, en tout cas, étayé sur des dates.



Et maintenant, comment les choses se passèrent-elles quand le général Franco déclencha le conflit ?



Ici, je puis apporter mon témoignage direct. Le deuxième soir de l'insurrection, dont on ne savait encore ni l'origine, ni le but, l'ami qui m'emportait, la nuit, à travers les forêts sombres de Navarre, vers Pampelune, récapitulait les forces qu'il croyait de voir se grouper autour de Franco.



Moi, j'étais persuadé que les Basques de Bilbao et de Saint-Sébastien — à cause de leur catholicisme opprimé — se rangeraient contre Madrid mais mon ami me répliqua vivement : "Les nationalistes basques sont les pires ennemis de l'Etat espagnol". Et, voulant bien se souvenir du reportage que j'avais écrit trois ans plus tôt, il ajouta :"Vous verrez bientôt combien vous vous êtes trompé à leur sujet dans votre enquête. Ils sont pires que les communistes et les anarchistes".



La nuit se fit plus noire pour moi, et je ne comprenais pas plus la situation que je ne voyais le paysage. Or, en arrivant à Pampelune, vers deux heures du matin, quel ne fut pas mon étonnement d'apercevoir parmi les trophées pris à l'"ennemi" une "bandera", un drapeau des nationalistes basques. On me le montrait avec orgueil, car vous n'ignorez pas que les victoires remportées par un frère sur son frère sont celles dont on s'enorgueillit le plus.



Mon étonnement allait croissant car j'apprenais que, dès le 18 au soir, c'est-à-dire dès le premier soir de la révolution, le premier cercle politique qui avait été pillé par les requetes était le Cercle nationaliste, alors que les cafés socialistes ou républicains n'avaient subi ce sort que quelques heures après.



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REQUETES GUERRE CIVILE ESPAGNOLE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Mon ahurissement fut porté à son comble quand je demandai à accompagner des troupes sur les champs de bataille. Les premiers points vers lesquels on me dirigea ne furent ni le front de Madrid ni celui de Saragosse, mais bien les vallées conduisant vers Irun, Saint-Sébastien ou Bilbao : Vera, San Antonio, Allegria.



Les confrères de droite qui m'accompagnaient alors peuvent comme moi affirmer, après avoir visité les secteurs de Burgos, de Saragosse, de Logroño, d'une part, et les secteurs du front basque d'autre part, que l'effort principal du général Mola — alors seul maître des opérations — se porta contre les nationalistes du Guipuzcoa.




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GENERAL EMILIO MOLA



Il est donc établi par ces faits que ce sont les troupes des généraux insurgés qui ont attaqué les basques. Nous verrons tout à l'heure leurs raisons. Examinons maintenant ce que, pendant ces premières attaques, faisaient les nationalistes de Bilbao.



Depuis l'avènement du "Frente popular" en Espagne, les nationalistes basques avaient désapprouvé à peu près tous les actes de ce gouvernement aussi bien la destitution du président de la République que la persécution religieuse tolérée dans tout le pays. Sur ce point, ils avaient d'ailleurs ostensiblement voté avec la droite.



Mais si les Basques critiquaient le gouvernement de Madrid, s'ils le combattaient par leurs votes et leur propagande, ils continuaient cependant à le regarder comme le gouvernement légal. A plusieurs reprises, ils manifestèrent leur sentiment à ce propos, et refusèrent, pendant les mois précédant le soulèvement, de prêter la main aux amis de Franco.



Le 18 juillet, les Basques sont donc également hostiles à l'action antireligieuse des gouvernementaux de Madrid et à l'action séditieuse des amis de Franco.



Apparemment, le conflit eût pu se développer sans eux, qui seraient demeurés neutres. Ils comprennent parfaitement, d'ailleurs, leur position, puisque leurs députés et leurs chefs, tout en réprimant dans leurs provinces les gestes révolutionnaires des rouges, incitaient les militaires à ne pas donner leur appui à la guerre civile.



Mais la neutralité était-elle possible en Espagne, au soir du 18 juillet ?



Nous ne le croyons pas. Les insurgés, spécialement en la personne de Mola (puisque Franco était encore au Maroc), pouvaient jouer alors la carte de la réconciliation avec les Basques. Ils ont préféré jouer la carte de la guerre. Au lieu de courir sur Madrid, qui, à cette époque n'était pas défendu et qu'ils auraient enlevé presque sans armement, ils se sont hypnotisés sur le Pays Basque, qu'ils ont mis — ne l'oublions pas — un an à réduire.



Certains se demanderont pourquoi "les généraux" ont commis cette erreur psychologique et tactique.



Il y a deux ans j'aurais répondu ceci :

"La lutte entre Franco et les Basques vient de ce que Franco veut la centralisation de la Péninsule, il veut un grand Etat espagnol sans province autonome, sans parlements provinciaux. Les Basque veulent l'inverse".



Voilà ce que j'aurais répondu il y a deux ans... mais aujourd'hui, j'ajoute que si les amis de Franco n'ont pas essayé de se concilier les Basques, c'est parce que ceux-ci n'auraient jamais accepté une collaboration avec les armées italiennes ou allemandes.



Franco et Mola n'ont pas été seuls à vouloir se précipiter — avant Madrid — sur Bilbao et Saint-Sébastien. L'Allemagne, elle aussi, voulait moins la capitale de l'Espagne que les mines de Biscaye et de Guipuzcoa, les quatorze ports de l'Atlantique et les positions stratégiques de premier ordre à la frontière française.




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MINE SAN BARCISO
PAYS BASQUE D'ANTAN

Parmi les papiers saisis dans des officines allemandes de Barcelone, on en a découvert de sensationnels — qui ont déjà été publiés en Angleterre — et qui montrent l'importance du Pays Basque pour l'Allemagne.



A voir la hâte qu'ont montrée les Allemands depuis un an, à équiper les mines, les ports, les aérodromes du Pays Basque, on peut — sans attendre les autres preuves qui existent — affirmer que Berlin fut pour beaucoup dans l'orientation des premières offensives de Franco vers Irun, Saint-Sébastien et Bilbao.



Je me résume :

1. Les Basques n'ont pas pris le parti de Madrid par intérêt solide, puisqu'ils avaient leur statut avant le conflit ;

2. Les armées de Franco ont attaqué les Basques chez eux, dès le 18 juillet sans se soucier de conquérir ni leur appui ni même leur neutralité.



Il était essentiel, après avoir dégagé dans les articles précédents les origines des Basques et leurs rapports avec l'Espagne, de préciser dans quelles conditions la guerre se déclara chez eux.



Sans violences, sans invectives, j'ai simplement apporté ici des dates irréfutables, des faits dont j'ai été le témoin et qui demeurent contrôlables. L'Histoire donnera à chacun ses responsabilités."



A suivre...




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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