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mercredi 6 octobre 2021

LE NATIONALISME BASQUE EN 1907 (première partie)

LE NATIONALISME BASQUE EN 1907.


Dès la fin du 18ème siècle, l'idée de nationalisme Basque commence à naître, en Pays Basque Sud (Hegoalde).





pais vasco antes nacionalismo
SABINO ARANA GOIRI







Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Revue, dans son édition du 15 décembre 1907 :



"Le Nationalisme Basque.



Je visitais, il y a quelque temps, en compagnie d’un ami, le Centro Vasco de Bilbao. Un moulage de plâtre, sous un globe, frappa inopinément mon regard. Je m’approchai. Les yeux fermés, la bouche plissée dans un lamentable rictus, tous les traits tirés par une longue souffrance, c’était bien la tête d’un mort, livide et froide sur le velours grenat. Des poils humains restés collés à la place des sourcils et de la barbe — au moment où l’on avait pris cette lugubre empreinte — donnaient au masque blanc une impression plus saisissante encore. Mon ami, un Basque, alla au-devant de mes questions : "Arana-Goiri, me dit-il d’une voix à la fois douloureuse et fière, Arana-Goiri, le fondateur de notre parti. Ce moulage — qui est ce que nous conservons ici de plus sacré — date du jour de ses funérailles, à Pedernales, le 25 novembre 1903."



Né à Abando, en Biscaye, le 26 janvier 1865, Sabino de Arana-Goiri — ou, comme le désignent ses compatriotes, Arana-Goiri tar Sabin, — après une vie remplie par la poursuite fiévreuse de son idéal et par les persécutions dont il eut à souffrir de la part du gouvernement de Madrid, — mourut à trente-sept ans. Mais il semble que le souvenir auréolé comme dans une légende de leur "martyr" ait augmenté la confiance des nationalistes basques dans l’avenir de leur cause et accru du même coup la force de leur parti.


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SABINO ARANA GOIRI

Il ne serait peut-être pas nécessaire de remonter très loin dans l’histoire pour découvrir les origines du mouvement actuel. Mais les Basques sont fiers de leur passé ; ils l’ont sans cesse à la bouche, et tout leur idéal se résume à y revenir. Force nous est donc d’en dire ici quelques mots.



Les remparts naturels des Pyrénées et la pauvreté des sauvages vallées où il vit depuis un temps immémorial servirent — mieux encore que son courage — ce mystérieux petit peuple contre les invasions successives et contre les ambitions de ses voisins. A vrai dire, il ne se soumit jamais. C’est une erreur — contre laquelle s’élèvent hautement les historiens basques — que les divers petits Etats éparpillés sur les deux versants pyrénéens aient été autrefois incorporés au royaume de Castille. La réalité est que le Guipuzcoa en 1200, l’Alava en 1332, la Biscaye en I379, la Navarre en 1512 reconnurent tour à tour, de leur libre consentement, pour roi ou senor le roi de Castille. Chaque souverain, une fois monté sur le trône de ses pères à Valladolid (plus tard à Madrid) était tenu de se rendre à Guernika, le jour de son élection, pour y prêter le serment solennel de respecter les fueros, les libertés particulières de ces Etats. C’est à cette seule condition que les Basques s’engageaient à lui fournir la moneda, la fonsadera y los yantares, c’est-à-dire à lui payer un tribut annuel déterminé, à lui prêter aide et obéissance en cas de guerre et à lui donner le gîte et le vivre sur leur territoire.



Si le "seigneur" ne remplissait pas ses promesses, chaque Etat conservait le droit de le destituer : c’est ce qui arriva à Henri II dit l’impuissant (Henri IV de Castille) qui se vit préférer Isabelle la Catholique. Pour des raisons analogues, la Biscaye refusa la fonsadera à Tello, poursuivi par son frère Pierre le Cruel.



Les ordonnances ou secrets édictés à Madrid n’avaient de force dans les pays basques qu’après une promulgation spéciale et qu'autant qu'ils ne contenaient rien de contraire aux fueros particuliers.



On comprend que les souverains de Castille aient cherché de bonne heure a se soustraire à ces obligations gênantes et à faire rentre la Navarre et les Vascongades dans l’unité du royaume. Mais les efforts de Philippe III et de Philippe IV échouèrent devant la révolte armée des populations. Les Bourbons se montrèrent plus habiles ou plus énergiques. Philippe V réussit à établir des douanes en Biscaye, qui avait jusque-là vécu dans un régime de liberté commerciale absolue ; Ferdinand VI et Charles III continuèrent son œuvre : "leurs règnes, au dire des historiens auxquels nous empruntons ces détails, ne furent qu’une série ininterrompue d'humiliations pour nos provinces."


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SABINO ARANA GOIRI

Les Basques qui avaient fait assez bonne figure aux généraux français de la Révolution — sous condition qu’on respectât leur indépendance et leurs fueros — s’armèrent contre les armées de Napoléon. La guerre d’indépendance fut, à vrai dire, plutôt une guerre religieuse. Ce fut aussi un brasier où se fondirent beaucoup de sentiments et d’idées particularistes. La Constitution de Cadix, en 1812, abolit le régime féodal. Heureusement pour les Basques, Ferdinand VII déchira cette constitution peu après l'avoir acceptée, et il jura solennellement, le 25 juillet 1814, de maintenir et de respecter les libertés des divers Etats.



Quelle raison souleva ce petit peuple en faveur de don Carlos lors de la "guerre des sept ans" ? Uniquement, semble-t-il, sa haine pour les idées libérales qu’incarnait à ses yeux la régente Marie-Christine. A en croire l’historien Pirala, un de ses généraux, Zumalacarregui, animé du plus pur désir nationaliste, aurait entrepris de restaurer l’indépendance complète des Vascongades ; mais il tomba, frappé d’une balle, à Begona.



général carliste begona
GENERAL CARLISTE TOMAS DE ZUMALACARREGUI



On sait que les Basques payèrent leur révolte de la perte de la plupart de leurs libertés. La loi du 25 octobre 1839 leur enleva leurs assemblées législatives et les soumit à la Constitution du royaume. Deux ans plus tard, un décret d’Espartero leur ôtait leur régime foral, leurs assemblées locales, leur liberté commerciale. En 1844, il est vrai, le gouvernement consentit à leur rendre une partie de ces fueros : c’est ainsi que le Guipuzcoa, la Biscaye et l’Alava continuèrent à bénéficier de l’exemption du service militaire et d’une certaine autonomie économique et administrative.



Un nouveau coup de tête priva définitivement ces provinces de ces derniers privilèges. Après la deuxième guerre carliste, Canovas appliqua la loi de 1839 et le secret d’Espartero dans toute leur rigueur : il soumit les Basques au service militaire et au système d’impôts en vigueur dans le royaume (21 juillet 1876). L’Alava, la Biscaye et le Guipuzcoa ne conservèrent que le droit de discuter chaque année à Madrid le chiffre du tribut à payer à l’Etat, en guise de contributions. La Navarre ne garda de son ancienne autonomie que certaines lois civiles encore en vigueur.



pais vasco antes fueros
LES FUEROS DU PAYS BASQUE ET DE LA NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ces dernières "libertés" même sont menacées. A chaque renouvellement du "concert économique", le gouvernement élève de quelques centaines de millions le chiffre du tribut annuel. L'âme fière des Basques souffre aussi, à l’époque de la conscription, de voir partir leurs fils "au service du Roi." Leur langue n’est pas respectée : défense est faite de l’enseigner dans les écoles et de la parler au prône. Enfin, c’est la pureté même de leur race — dont ils tirent le plus de vanité — qui est en jeu : les Basques, qu’attire sans cesse au delà des mers l’attrait irrésistible des "Indes" voient leur place aussitôt prise dans leur propre territoire par les immigrants des provinces avoisinantes : Asturiens, Galiciens, Castillans. Nombre de familles — surtout dans les classes aisées — se montrent assez oublieuses de leurs nobles origines pour s’allier à des "étrangers" ; le nombre des "métis" et des "maketos", comme ils désignent ironiquement les Espagnols des autres provinces, des croisés de sang basque et castillan augmente sans cesse, et ceci est un objet d'inquiétude et de honte pour les vrais et bons nationalistes.



Mais, c’est, avant tout, la lutte anticléricale en France et la répercussion qu’elle a eue, ces temps derniers, au sud des Pyrénées — et jusque dans les conseils du Roi — qui ont contribué à surexciter les esprits de ces montagnards. Ils sont profondément religieux, très attachés à leurs croyances et à leurs traditions. Ils se vantent de n’avoir adoré qu’un Dieu unique, alors que toute l’Europe était encore plongée dans les ténèbres du paganisme. La foi catholique n’a pas de plus ardents défenseurs ; il suffit de rappeler les noms d’Ignace de Loyola et de sainte Thérèse. Les Jésuites continuent à considérer ces provinces un peu comme leur quartier général : c’est à Deusto, aux portes même de Bilbao, sur les bords du Nervion, que s’élève leur imposante Université. Merry del Val, le fameux conseiller de Pic X, tire ses origines du Guipuzcoa.



La politique anticléricale du maréchal Lopez Domínguez, le projet de loi contre les congrégations rédigé par M. Davila, les attaques journalières de M. Canalejas contre Rome dans le Heraldo de Madrid, ont plus fait, sans doute, que toute autre cause pour la propagande des idées nationalistes. Ces idées ont même réussi à passer la frontière, et c’est une raison de plus en France de nous montrer attentifs. Au sud des Pyrénées, l’agitation catalaniste — qui a également des attaches réactionnaires — et les tendances régionalistes atténuées de quelques autres provinces ont créé une atmosphère favorable qui a permis au nationalisme basque de librement s’y développer."



A suivre...




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