UN RÉSEAU D'ESPIONNAGE FRANQUISTE EN 1947.
Des réseaux franquistes ont longtemps existé sur la Côte Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La France Nouvelle, dans son édition du 26 avril 1947 :
"France Nouvelle au Pays Basque et sur la Côte de l'Atlantique.
Le puisant réseau d'espionnage de Franco.
Scandaleuses complicités des services français de sécurité.
Sur la côte basque, Hendaye, gare frontière avec l'Espagne, est aujourd'hui une gare morte. Les quais sont déserts, les rails rouillés. Les trains ne franchissent plus cette limite. Au delà, c’est l’Espagne de Franco, refuge de tous les résidus du fascisme, c’est l'Espagne où des milliers d'agents de l'Abwehr, de la Gestapo et des services de renseignements allemands ont reconstitué de puissantes organisations dont le premier travail est de remettre sur pied dans les pays démocratiques ces "5e colonnes" qui contribuèrent si efficacement aux victoires hitlériennes des années 39 et 40.
A 300 mètres de la gare d'Hendaye, la route franchit la Bidassoa, torrent-frontière, sur le pont "international" d'Irun. De part et d'autre du pont les barrières sont fermées.
Du poste-frontière, on domine la petite ville espagnole d'Irun, dans la vallée de la Bidassoa : ville silencieuse d’où ne monte aucun bruit. On aperçoit les rues désertes et, de temps à autre, les silhouettes des phalangistes et des carabiniers. Car Irun est aujourd'hui une ville militaire, au centre d'un secteur puissamment fortifié. Et tandis qu'à l'horizon, des hauteurs qui dominent Fontarabie, les canons franquistes sont braqués sur la France, d'Irun un puissant réseau d’espionnage rayonne sur notre pays basque et sur toute la côte française de l'Atlantique.
Les objectifs et les chefs.
Les objectifs de ce réseau sont multiples : services de renseignements, infiltration dans l'immigration républicaine espagnole, passage en Espagne de nazis et de collaborateurs français et belges, constitution de dépôts d'armes en France et aide directe à nos néofascistes.
L’espionnage franquiste est dirigé par le colonel Ortega, chef du secteur frontalier d’Irun. A ses côtés, le commandant Ibanez dirige les services de renseignements avec l’aide de deux adjoints : le commandant Ozorès, de la police militaire, et le commissaire Peroda, du poste-frontière de Dancharia, à 16 km. d'Irun
L’existence et l’activité du réseau franquiste ont été révélées par l’affaire Simon Arbelot, par l’arrestation à Biarritz du colonel Picquer, et à Paris du général Villalba, par l'arrestation de l'espionne Alice Bertis et par l'affaire de l'abbé Moulat.
Simon Arbelot, espion de "qualité".
Le 9 février dernier, Simon Arbelot de Vacqueur, ex-consul de Vichy à Malaga, et sa femme "Belou", étaient arrêtés dans une ferme, à proximité du poste-frontière de Dancharia.
Simon Arbelot vivait réfugié à St-Sébastien et il était venu attendre à la frontière sa femme qui résidait à Biarritz et qui possédait un passeport diplomatique délivré par le Quai d’Orsay et une autorisation de résidence espagnole.
Les époux Arbelot correspondaient régulièrement par la filière du réseau franquiste au profit duquel ils travaillaient.
Quelques jours plus tard, Arbelot et sa femme étaient transférés à Paris, et, le 18 février, ils étaient libérés. L'affaire se terminait par un non-lieu.
Pendant l’occupation, Arbelot a largement collaboré à la prose nazie de Paris et signé notamment de nombreux articles dans La Gerbe, d’Alphonse de Châteaubriant.
ALPHONSE DE CHÂTEAUBRIANT 1946 |
Les faux Républicains.
Il y a quelques semaines, la Sûreté arrêtait à Biarritz le colonel Picquer, agent franquiste, se faisant passer pour républicain immigré. Son travail consistait à dépister les organisations de résistance espagnole pour procéder à toutes les arrestations voulues en Espagne. L’arrestation de l’espion Picquer a entraîné celle du général Villalba à Paris.
GENERAL RICARDO VILLALBA RUBIO |
Mais leur chef direct Luis Alfaro vit en toute liberté à Biarritz. Alfarro travaille sous le contrôle du commandant Ibanez, d’Irun.
Leurs complices français, Alice Bernis, Zozaya et Espana, arrêtés en décembre dernier, ont fait des aveux complets. Ils sont aujourd’hui libérés sous le prétexte qu'ils seraient agents doubles (D.G.E.R.). Ils ont repris toute leur activité au pays basque.
Le complot des couvents.
Le directeur du collège St Bernard, à Bayonne, l’abbé Moulat, et l'un de ses professeurs, le frère Armando Ritz, espagnol, organisent depuis de longs mois le passage en Espagne de collaborateurs, belges pour la plupart. Le collège St-Bernard est une charnière du réseau "Bruxelles-Hendaye", l’une des plus importantes filières qui conduisent en Espagne.
PENSIONNAT ST BERNARD BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’abbé Moulat est en contact direct avec le commissaire Peroda de Dancharia. Des collaborateurs arrêtés au moment où ils franchissaient la frontière ont avoué l’aide reçue de l’abbé Moulat. Celui-ci a avoué tonte son activité. L’affaire a été étouffée. L'abbé a été condamné, en tant que simple "contrebandier", à 5 000 francs d’amende.
Aujourd'hui, l'abbé Moulat a repris toute son activité, il rencontre Ortega à Irun et le frère Xavier de St-Sébastien, chez qui séjournent actuellement Degrelle et Peretti Della Rocca.
LEON DEGRELLE SOUS L UNIFORME SS |
Au début d'avril, Péreda est venu à Bayonne, muni de papiers français, et il a eu une longue entrevue avec l'abbé.
Le travail en famille.
Ainsi, toutes ces affaires d'espionnage ont été étouffées. Aucune arrestation n’a été maintenue. Tout ce beau monde travaille en famille, sous l'oeil "paternel" des services français de sécurité.
Ortega et Ibanes viennent en France munie de "laissez-passer" délivrés par les renseignements généraux d’Hendaye dirigés par le commissaire Morel.
La frontière est fermée, mais la police française donne toute facilité aux dirigeants des services d'espionnage franquistes pour venir en France rencontrer leurs agents.
Incurie ou complicité ! C’est en fait une véritable trahison, une aide directe aux agents de Franco qui travaillent contre notre pays. Le scandale dure depuis plusieurs mois.
Tout récemment encore, le 1er avril, le capitaine Ibanez a dîné à Hendaye au restaurant Broca avec plusieurs femmes venues de Paris et reparties tout aussitôt.
Ibanez était accompagné de Gil Fernando, officier de la Policia Armada, de Madrid.
Voilà ce que tolèrent les renseignements généraux d'Hendaye et l'on peut se demander qui couvre une telle carence de nos postes-frontières !
Le commissaire Morel rend d’ailleurs fréquemment des "visites de courtoisie" à Irun au colonel Ortega.
Et voici la D.G.E.R.
La D.G.E.R. est d'ailleurs solidement installée à la frontière franco-espagnole.
Le capitaine Alex Perricaud, de la D.G.E.R., très lié avec le commissaire Morel, a eu une grosse activité dans le pays basque, jusqu’au jour où il a dû quitter la région, compromis dans une affaire de trafic de postes de T.S.F. avec l'Espagne.
Mais les agents de l'ex-D.G.E.R. fourmillent dans la région.
L’un d’eux, Dionne, qui appartint à la bande Carbone et Spirito, partage son temps entre Paris et sa villa de Guétary. Il possède, en outre, un bateau de pèche et se livre au "cabotage". Cet individu poursuit ses activités multiples autant que mystérieuses avec la complicité totale des services de la sûreté.
C’est ainsi que l’an dernier, lorsque Paul Baudoin, ex-ministre de Vichy, fut arrêté à la frontière au moment où il allait passer en Espagne, on découvrit dans l'auto de Baudoin, Dionne et le capitaine Iguelmo, des services de renseignements franquistes de Saint Sébastien, qui était muni d'ailleurs de papiers français.
PAUL BAUDOUIN MINISTRE DE L'INFORMATION SOUS VICHY |
passionnant, et très troublant. Merci à vous
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