Libellés

mardi 26 octobre 2021

L'HISTOIRE DU PARLEMENT DE NAVARRE EN 1873 (deuxième partie)

 

L'HISTOIRE DU PARLEMENT DE NAVARRE.


Le Parlement de Navarre est une ancienne cour de justice, fondée en 1620 par Louis XIII à la suite de l'annexion du Béarn et de la Basse-Navarre au royaume de France.





bearn autrefois justice
PARLEMENT DE NAVARRE PAU
BEARN D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Droit, dans son édition du 6 juin 1873, sous la 

plume de G.-B. de la Grèze, Conseiller doyen à la Cour d'appel de Pau : 



"Le Parlement de Navarre.



Chapitre II.



Les gloires du Parlement de Navarre.



Parmi les grands hommes qui figurent au premier rang des gloires nationales de la France, nous sommes fiers de compter plusieurs magistrats célèbres. Nul n'ignore les noms des Harlay, des Molé, des Lamoignon, des d'Aguesseau, des Pasquier, des Séguier, qui nous rappellent la simplicité des moeurs et la dignité de la vie, le courage civil et la majesté du sacerdoce judiciaire.



Chaque Parlement peut citer des personnages dont la mémoire lui est chère, quoique leur vie ait jeté moins d'éclat. En Béarn, on ne saurait oublier Ravignan, de Mesmes, Ferrier, Sponde, Gillot, Lescan, Marca, Gassion, Doat, Dalon et d'autres encore. Le célèbre Cujas, était issu d'une famille béarnaise, qui, dit-on, existe encore.



A l'origine du Parlement apparaît d'abord Marca, né à Gan, près de Pau, le 23 janvier 1594. Il a laissé de grands ouvrages. Nous ne le considérons pas ici comme auteur, mais comme magistrat.




 
bearn autrefois magistrat
PIERRE DE MARCA
BEARN D'ANTAN


A vingt-deux ans, il entra au conseil souverain de Béarn tout composé de calvinistes ; seul défenseur du parti catholique, il n'eut là que des adversaires. Le plus redoutable était Lescan, homme d'éloquence et d'énergie qui eût été un Brutus sous les rois et un Catilina sous les consuls. Il sacrifia tout à ses opinions, jusqu'à la vie. Condamné à mort par le Parlement de Bordeaux, il porta sa tête sur l'échafaud.



Le feu du génie s'allume au choc des discussions. Marca, pour vaincre de grands obstacles, sentit la nécessité de faire de grands efforts, et lorsque Louis XIII fonda le Parlement de Navarre, il créa une charge extraordinaire de président, pour récompenser le magistrat énergique qui lui avait rendu tant de services.



Les études de théologie et d'histoire, qui ont fait la renommée de Marca, ne l'empêchaient pas d'être le modèle des magistrats par son amour du devoir et sa science de jurisconsulte. Pendant dix-sept années, il ne manqua jamais une audience sans motif légitime. Son esprit conciliant se manifestait dans la joie qu'il éprouvait à terminer les procès par des transactions plutôt que par des arrêts...


Après avoir perdu sa femme, marié ses filles et laissé sa place de président à son fils aîné, Marca voulut se consacrer entièrement à la science et à la religion. Il quitta Pau, et son mérite fut ailleurs mieux apprécié. Les Béarnais, transplantés ailleurs, ont en général bien réussi.



Le cardinal de Richelieu consultait souvent Marca et appréciait beaucoup ses lumières et sa sagesse. Il eut recours à son habilité de jurisconsulte dans plusieurs affaires, notamment dans celle de Monsieur. Il le choisit comme membre de la commission chargée de juger Cinq-Mars et de Thou.



marquis ecuyer le grand france
MARQUIS DE CINQ-MARS
https://www.christies.com/lot/lot-entourage-des-freres-le-nain-ecole-francaise-6016073/



Nous avons été heureux de retrouver et de mettre au jour la preuve que Marca ne mérite pas le reproche qu'on lui a adressé lorsqu'on a dit qu'un évêché lui fut donné comme prix du sang. Marca fut nommé évêque du Couserain, le 5 avril 1642. Cinq-Mars et de Thou ne furent arrêtés que le 13 juin 1642...



Envoyé en Catalogne comme inspecteur général, Marca montra de grands talents politiques et fut nommé archevêque de Toulouse. En cette qualité, il était conseiller né du Parlement. A l'occasion du mode de sa prestation de serment, il y eut des controverses qui donnèrent naissance à plusieurs mémoires. L'archevêque se montra jurisconsulte habile, et sans crainte de blesser les susceptibilités parlementaires, il n'hésita pas à soutenir que les Parlements n'avaient succédé aux Cours du royaume, tenues par les anciens rois de France, qu'en ce qui regardait l'autorité judiciaire.



Marca jouissait d'une telle renommée de jurisconsulte qu'il était en quelque sorte l'avocat consultant de tout le clergé de France.



Son habilité politique était si appréciée à la Cour qu'il fut question de lui à la mort de Mazarin pour remplacer le premier ministre. Louis XIV voulut gouverner lui-même. Il conféra à Marca la haute position d'archevêque de Paris.



De cette dignité si éminente, le célèbre prélat ne retira d'autre honneur que la sépulture à Notre-Dame. Il venait de succomber à l'âge de cinquante-huit ans, à une maladie imprévue, le 29 juin 1662, lorsque arrivèrent de Rome les bulles qui furent déposées sur son cercueil. 



Les ouvrages nombreux de Marca sont connus et toujours estimés. Bossuet l'appelle un homme de très beau génie, et d'Aguesseau le proclame un des plus grands esprits de son siècle.



bearn autrefois magistrat richelieu
HISTOIRE DE BEARN DE PIERRE DE MARCA
 Par Lombards Library — Travail personnel, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=12630003



Deux contemporains de Marca, Gassion et Bordenave, ont publié des recueils de discours, d'arrêts et de plaidoyers au Parlement de Navarre...



Jacques de Gassion était le père d'un des meilleurs capitaines de son époque, le maréchal de Gassion, tué à trente-sept ans sur le champ de bataille.




bearn autrefois marechal france
JEAN DE GASSION
MARECHAL DE FRANCE



Les arrêts et remontrances de Jacques de Gassion eurent un grand éclat... Les oeuvres de Gassion contiennent des arrêts et sont riches en détails sur les Grecs et les Romains, mais très pauvres en renseignements sur les moeurs du temps ou du pays. Pau, station hivernale aujourd'hui fort en vogue, est une ville de plaisir. L'étude y est peu appréciée et l'esprit aime surtout à s'y exercer  dans l'invention d'amusements continuels. On se demande si ce goût de la vie inoccupée, ce penchant vers une somnolence de l'intelligence est d'importation étrangère ou une espèce de maladie endémique...



A côté de Gassion, plaçons Arnaud de Bordenave dont le nom figure toujours avec honneur dans la magistrature béarnaise.



Bordenave publia ses plaidoyers ; son livre et celui de Gassion nous permettent de comparer l'éloquence du parquet et celle du barreau au moment où fut créé le Parlement de Navarre. Aucun avocat ni magistrat du pays, n’ont essayé depuis lors de charmer le pays par la collection de leurs harangues.



Arnaud de Bordenave, selon l’expression du premier président de Lavie, était un homme de bien, d'honneur et de grande littérature. Ses hautes qualités le firent apprécier après sa mort, mais ne le protégèrent pas durant sa vie de l'injustice de ses contemporains.



Le roi, qui avait besoin d’argent, voulut aliéner une partie de son domaine de Béarn, et créer de nouveaux offices. Le Parlement faisaient d’énergiques remontrances.



Bordenave était allé à Paris. Ses ennemis voulurent le perdre dans l’opinion du peuple, et, comme les accusations les plus absurdes sont celles qui se propagent le plus vite, on répandit le bruit qu’il avait obtenu une part d’impôt pour lui ; qu’ainsi il faudrait lui payer tribut pour chaque tête de bétail ou de volaille par chaque baptême ; enfin pour le droit de se chauffer avec du bois ou même au soleil.



La populace, exaspérée, va assiéger la maison de Bordenave. On fait usage des armes pour résister à l'invasion. Le sang coule ; la fureur populaire s’irrite, tout est pillé, saccagé. On ne laisse que les murs, on emporte les meubles, les livres, les tapisseries. Cinquante barriques de bon vin disparaissent. Le beau cheval de l’avocat expire sous le poids du fardeau qu’on lui fait supporter dans ce déménagement précipité. Bordenave ne dut sa vie qu’au choix du lieu infect où il était resté blotti.



Le Parlement, afin d’apaiser la foule, rendit un arrêt, quoique ce fût un dimanche, pour refuser d’enregistrer les édits du roi ; les émeutiers le trouvant si bien disposé, exigèrent, avant de rentrer chez eux, un arrêt qui les relevât du crime commis chez Bordenave. Celui-ci ne reçut jamais d’indemnité, et sa seule vengeance fut de tout raconter dans une relation imprimée adressée au duc de Gramont.



Ouvrons le recueil des plaidoyers, Bordenave eut l'honneur de plaider le premier plaidoyer prononcé à Pau, dans la première audience du Parlement de Navarre. Il remonte d’abord à la tour de Babel, à propos de l’origine de la diversité des langues, il vante la langue béarnaise, la plus belle de toutes après la langue française par ses termes très significatifs, la brièveté de la phrase et la bonté de l'accent. Il regrette que son début en français ne soit que l’expression d’une langue qui bégaie en son enfance.



...Quelque naïf que puisse paraître parfois le savant avocat, en plaidant contre son ordre, il sait en parler avec dignité. Voici ce qu’il dit des préséances : "La gloire qui suit la profession d'avocat ne consiste pas à marcher devant ou après. Cela est bon pour ces personnes là qui tiennent l'honneur et le rang non pas de leur propre mérite, mais de leur charge. Ce qui ne peut pas être des avocats auxquels la vertu sert de fourrier qui les loge superbement, c’est elle qui leur donne le rang et leur garde la place d'honneur partout où elle les range."



Quelle fut la décision de Messieurs du Parlement ? Devaient-ils préférer l'épée à la robe, ou de simples avocats à des gentilshommes ? Voici ce qui fut ordonné : un banc fut accordé aux avocats et à tous les gens de robe dans l’église et temple d’Oloron, immédiatement après celui des lieutenants du sénéchal ; mais, en même temps, il fut accordé un banc aussi, de l’autre côté de l’église, aux gentilshommes et gens portant épée jusqu’à ce que autrement il en fût ordonné. Deux conseillers, M. du Four et M. de Livron, furent chargés de faire exécuter l'arrêt.



Des écrivains étrangers aux études juridiques ont reproché à Gassion et à Bordenave un étalage grotesque de citations.  



L’éloquence judiciaire en France est née dans l’Église. Elle s’est d’abord modelée sur le sermon. Au moyen âge elle a quelque chose de naïf mais ne manque pas de bon sens ni d’esprit. Au seizième siècle une transformation s’opère. Les Grecs, chassés de Constantinople ont répandu partout le goût des controverses et des subtilités oratoires ; l’imprimerie, nouvellement inventée, a propagé les auteurs classiques, et la Renaissance a mis à la mode la mythologie grecque et romaine.



Les orateurs croient parer leurs plaidoyers en les revêtant d'un luxe étrange de citations bizarres, entassées pêle-mêle, sans ordre ni méthode, où tous les saints du Paradis se heurtent contre tous les dieux de l’Olympe.



Au dix-septième siècle, l’éloquence judiciaire se montra retardataire lorsque commença à briller l’aurore du grand siècle. L’art de bien écrire précéda l’art de bien parler.



Du reste, Balzac, qui a été un des précurseurs de nos gloires littéraires, ne fit paraître le premier recueil de ses lettres qu’eu 1626. Or, la première édition des œuvres de Gassion date de 1602, et Bordenave, comme lui, brillait déjà à Pau à la fin du seizième siècle. Je regrette de ne pouvoir m’arrêter davantage sur les deux orateurs béarnais dont les écrits nous sont parvenus. On y a trouvé des phrases pleines de pédantisme, j’aurai su y trouver des pensées nobles et généreuses.



...Marca, Gassion, Bordenave ne sont pas les seuls magistrats ou avocats du Parlement de Navarre qui aient joui d’une renommée de jurisconsultes ou d'orateurs, mais ce sont les seuls qui aient laissé des écrits qui permettent de les juger."



A suivre...



(Source : Wikipédia)




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 300 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire