UN PROJET DE RÉSURRECTION DE LA NATIONALITÉ BASQUE EN 1906

LA NATIONALITÉ BASQUE EN 1906.

Après la mort de Sabino Arana Goiri en novembre 1903, l'Assemblée Nationale du Parti nationaliste basque, qu'il a fondé, avec son frère Luis, adopte, à Bilbao, en Biscaye, en décembre 1906 le Programme-Manifeste qui sera le support des actions du parti pendant de nombreuses années.

PNV 1906
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta à ce sujet le Journal des débats politiques et littéraires du 3 décembre 

1906 :

"Un projet de résurrection de la nationalité basque. 

Madrid, le 30 novembre. 

Le parti séparatiste biscayen (Biscaytarra), qui vient de décider de s'intituler désormais "Parti nationaliste basque", a publié, à l'issue de plusieurs réunions tenues à Bilbao un curieux programme, tendant à régénérer la race et la langue basques, contaminées, dit-il, par l'influence française ou espagnole. La nationalité basque, ainsi reconstituée, moralement du moins, comprendrait les quatre provinces espagnoles d'Alava (Vitoria), Biscaye (Bilbao), Guipuzcoa (Saint-Sébastien), Navarre (Pampelune) et les pays de Laburdi et de Zuberoa dans les Basses-Pyrénées françaises. 

PNV 1906
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le programme a un quadruple objet :

1° que le peuple basque suive les enseignements du christianisme comme ses ancêtres les conservèrent ; 

2° que les usages et coutumes tombés en désuétude soient remis en honneur ; 

3° ressusciter les institutions juridiques, économiques et autres de l'ancien temps ; 

4° développer les arts et les lettres basques, et répandre la langue basque (euskara) de telle sorte qu'elle soit seule parlée dans la contrée. Dans ce but, il faut augmenter la solidarité entre les pays et les individus de race basque, et pour assurer l'existence indépendante de 1" Euskaria", travailler au rétablissement des "Juntes" générales et des "Cortès" législatives, ainsi que de tous les organismes anciens de gouvernement et d'administration, investis des mêmes droits, pouvoirs et facultés qu'autrefois. 

On demanderait donc spécialement l'abrogation des lois du 19 septembre 1877, 25 octobre 1839, de celles de la Révolution française de 1789, et en général de toutes celles, en France et en Espagne, qui entraveraient le fonctionnement de ces "Juntes". 

Le parti nationaliste aspire dans l'ordre politique à en revenir à la situation de l'Euskarie (Pays basques), antérieurement au régime actuel, en prenant pour devise : "Dieu et les lois antiques." Pour entrer dans ce parti, il faudra être de naissance ou d'origine basque et âgé de plus de seize ans ; les prêtres et religieux en sont exclus. 

Le programme se divise en dix articles et une addition. 

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La direction du parti sera confiée à des "Juntes" municipales, Conseils régionaux et un Conseil suprême, nommés à l'élection secrète. Le Conseil suprême, outre les assemblées extraordinaires, en tiendra une ordinaire annuelle en décembre ; ses décisions seront sans appel. Les ressources seront fournies par quotes ordinaires volontaires, au mois ou à la semaine, et quotes extraordinaires, imposées le cas échéant par les assemblées régionales, enfin par des legs, dons, produits des spectacles publics que percevront les juntes municipales. On constituera ainsi un trésor dont disposeront les Conseils régionaux et le Conseil suprême. La justice entre les affiliés au parti sera rendue par un tribunal de 30 membres, choisis parmi ceux de l'assemblée régionale, qui châtieront les fautes graves ou légères commises par les adeptes contre la doctrine ou les autorités nationalistes en les expulsant du parti et leur retirant leurs fonctions, s'ils en exercent. 

On formera huit commissions spéciales : de culture, action sociale, propagande, presse, élections, fonds, statistique et émigration. La première étudiera la création de chaires, cercles littéraires est académies. La seconde se divisera en trois sous-commissions : d'intérêts moraux, contre le blasphème, la prostitution, l'alcoolisme, le jeu, les spectacles immoraux ou anti-basques ; d'intérêts matériels, pour la fondation de corporations, coopératives, Syndicats agricoles, caisses d'épargne, monts-de-piété ; enfin, de bienfaisance (Associations de charité, aides, maisons de fous ou de correction, assistance domiciliaire). La commission de propagande organisera des fêtes, meetings, conférences pour la diffusion de la langue Euskaria. 

PNV 1906
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Jusqu'à ce qu'elle soit employée dans les écoles, actes officiels, etc., elle fortifiera l'amour de la race basque, en évitant son mélange avec les autres, par des mariages entre Basques ; elle ressuscitera les mœurs et coutumes anciennes et respectables. Les commissions électorales, de fonds et de statistique n'offrent qu'un intérêt technique. Celle d'émigration contrecarrera les menées des agents d'émigration et en tous cas tâchera d'orienter le mouvement migrateur, si elle ne peut l'arrêter, vers certains pays, afin d'éviter la dispersion des Basques dans le monde et de les y grouper en grands noyaux. Dans chaque chef-lieu de région seront fondés des offices centraux du travail, et dans les autres localités des Sociétés d'instruction et de récréation appelées "Batzokis", sous le contrôle des Juntes municipales. Dans l'addition au programme, il est recommandé aux nationalistes vivant hors des pays basques de créer des organismes analogues et de les confédérer entr'eux sous l'autorité du Conseil suprême. Ils auront les mêmes droits et obligations que les autres affiliés. Dans les pays étrangers, où le nombre des résidents basques le permettra, ceux ci pourront constituer une région extraterritoriale semblable aux six régions franco-espagnoles déjà citées, et les membres de leurs Conseils régionaux pourront faire partie du Conseil suprême quoique sans y siéger. Le 8 décembre prochain, aura lieu, au "Centro Vasco" de Bilbao, une assemblée générale pour l'approbation de ce programme. 

Ce curieux projet de résurrection de la nationalité basque, qui intéresse, on le voit, la France ainsi que l'Espagne, prend une portée considérable au moment où la délégation des députations provinciales de ces pays négocie avec le gouvernement espagnol le renouvellement du concert économique, consacrant leur autonomie financière. Plusieurs y voient une menace de recrudescence du mouvement séparatiste. Un grand nombre d'affiliés avaient, en effet, demandé qu'on stipulât que ce parti s'organise dans les limites de l'unité nationale ; mais le programme n'en fait aucune mention."

(Source : https://www.euskalmemoriadigitala.eus/handle/10357/4169)

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