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dimanche 1 mars 2020

LE CHÂTEAU D'ILBARRITZ À BIDART EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1912 (deuxième et dernière partie)


LE CHÂTEAU D'ILBARRITZ EN 1912.


Le château d'Ilbarritz à Bidart a été construit entre 1895 et 1897 par Gustave Huguenin pour le baron Albert de l'Espée, héritier des fonderies de Wendel.



Voici ce que rapporta au sujet de ce château La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-

Luz, dans son édition du 31 mars 1912, sous la plume de Montaudran :



"Le château féerique d'Ilbarritz.



...A ses pieds, la plage s’incurve, en contrebas d’un étang poissonneux : l’ancien moulin de Larralde, transformé en usine électrique, y fait mouvoir ses turbines. De là montent les câbles qui, par le souterrain des boulangeries toutes proches, distribuent la lumière et la chaleur dans le château. 





Les cheminements franchissent le ruisseau, déversoir intarissable du lac de la Négresse, qui traverse la propriété et jaillit enfin sur la plage. Ils escaladent le flanc nord de la colline ardue, zigzaguent sur les premières déclivités, bifurquent pour gagner le sommet : l’un, tout en degrés rigides, aborde directement la montée et court sur le castel ; le sentier couvert de gauche s’attarde à flanc de coteau, campe ses tournants aménagés en belvédères face au lac lointain et aux montagnes, rejoint obliquement l’entrée principale du domaine et se ramifie enfin vers la cour d’honneur, le pavillon chinois et les deux conciergeries de la grille d’entrée, dissimulée au détour d’un sentier fruste qui dévale sur la route de Bidart





A l'angle du seul bois de châtaigniers du pays, le chemin couvert prend un raccourci brusque vers le château, sous un tunnel fermé aux bises hivernales, et débouche, entre les yuccas et les tamaris, au pied du castel, devant la porte monumentale des caves et des souterrains. 





La masse du bâtiment écrase et stupéfie alors le visiteur. Tout est puissant et démesuré dans l’énorme édifice : ses cinq étages sur le front de mer, la superposition de ses vérandas, de ses balcons et de ses terrasses hautes, l'esplanade dallée de marbre où viendront, demain, atterrir les aéroplanes, sa toiture double et ses promenoirs, entièrement couverts d’auvents de bois, formant abat-jour sur les fenêtres...


pays basque autrefois baron
CHÂTEAU ILBARRITZ BIDART
PAYS BASQUE D'ANTAN



A l'intérieur, c’est la féerie du marbre et du chêne, revêtant les parois, les plafonds surélevés, les portes massives, les chambranles trapus. Ici, c’est une cheminée taillée dans la Carrare et là, l'escalier monumental tout en chêne de Hongrie et dont chaque marche est sculptée avec art. Partout, des fenêtres doubles, dont les vasistas sont bordés de grosses lampes électriques : en hiver, l'air extérieur, chauffé au passage, renouvellera l'atmosphère des appartements sans la refroidir. 





Ailleurs, après le vestibule, une cheminée à double étage permet au promeneur qui s'y adossera, transi sans doute par la bise, de se chauffer à la fois les pieds et... les épaules. 




Chaque porte, massive, pesante, profondément moulurée, munie de serrures et de gonds en cuivre ciselé et doré, est l’œuvre d’un délicat artiste du bois. Des cheminées sculptées de huit mètres de haut, à colonnes cannelées et burinées avec maîtrise décorent de chêne ouvragé les murs en marbres multicolores. 





Et nous voici déboucher soudain au cœur du château, dans l'énorme, dans la superbe salle de l’Orgue : Ici s’assoupit l'âme même de ce manoir de féerie, sa raison d’être, l'oeuvre d'art qu'il est chargé d'abriter de toute sa masse confortable et lourde. 

ORGUE ILBARRITZ BIDART
ORGUE CHÂTEAU ILBARRITZ BIDART
PAYS BASQUE D'ANTAN




C’est pour donner, au gré du créateur de tant d’ingéniosités insolites, la vie à cet orgue admirable — le plus "musical" et le plus complet de tous les instruments de Cavaillé-Coll — que des centaines de mille francs ont, pendant des années, payé les ouvriers, stimulé les inventeurs, réalisé des miracles de mécanique et de sonorité. 

pays basque autrefois chateau
CHÂTEAU ILBARRITZ BIDART
PAYS BASQUE D'ANTAN




Pour éveiller les voix de l’Orgue, le courant électrique de l’usine assise sur le déversoir de l’étang a gagné les tunnels, traversé les caves. Les câbles goudronnés ont longé les réservoirs où s’accumulent les eaux de pluie — un dispositif électrique les ferait, en cas d’incendie, jaillir jusqu’à ces terrasses supérieures, d'où la vue émerveillée embrasse deux cents kilomètres de rivages et tous les monts basques et cantabres, — ces réservoirs alimentés par des tuyaux et des robinets en argent, métal définitif, qui ne s’oxyde pas dans le salpêtre. 





Sous l'action du courant, les souffleries géantes respirent : la vie tumultueuse des sons circule dans l'orgue incomparable...Nous laisserons les visiteurs romanesques explorer le reste du domaine, découvrir les combles du castel, où les maîtresses poutres sont revêtues de menuiseries fignolées et de placards plus vastes que des mansardes parisiennes. 





Les chasseurs, suivant, vers l’Espagne, les cheminements sans fin qui descendent à travers les prés, traverseront les communs spacieux, les chenils à deux étages (pour les cinquante chiens d’autrefois) avec leurs fenêtres étanches, leurs poêles sans danger, leurs "appartements" pour les mères-nourrices, leurs... téléphones ! Ils entreverront au passage les lièvres énormes qui, depuis quinze ans, multiplient leur race allemande dans les fourrés impénétrables où ils ont fini par prendre des habitudes de broquarts et de chevrotins. 


pays basque autrefois baron
CHÂTEAU ILBARRITZ BIDART
PAYS BASQUE D'ANTAN



Nous demeurerons dans la magnifique nef de l’Orgue, où vient de s’asseoir un des maîtres du clavier. Il nous en explique le mécanisme et la nouveauté avec des exclamations de surprise et de joie. 





C’est que cet orgue de Cavaillé-Coll, de construction absolument nouvelle en effet, offre des ressources inconnues jusqu’à lui. Ses dispositions mécaniques permettent d'obtenir des effets aussi variés qu’inattendus. Une étude spéciale, réalisée à des prix fabuleux, donne à ses timbres une diversité inouïe encore. 





L’instrument incomparable a pour écrin géant une nef de bois choisis et de marbres rares qui occupe plus de la moitié du château. Il comprend soixante-dix-huit registres, répartis sur trois claviers manuels et une pédale séparée. Un quatrième clavier de petites touches, placé sous le premier, permet de faire manœuvrer des instruments accessoires : tam-tam, grosse-caisse, cymbales, tambour, timbales, triangle, castagnettes, tambourin, etc., etc., avec les sortes d'attaques appropriées au mouvement du morceau exécuté. 



pays basque autrefois chateau
CHÂTEAU ILBARRITZ BIDART
PAYS BASQUE D'ANTAN


Dix-huit pédales de combinaisons et genouillères assurent l'enregistrement d’effets permettant d'exécuter, en outre, toute la musique en dehors de la musique d'orgue proprement dite. Neuf boutons d’introduction et d’annulation nous laissent aussi, sur le premier clavier manuel, jouer d’un grand piano de concert Erard, d’un clavecin à deux claviers et de trois célestas. 





Ce n’est plus un orgue, c’est tout un orchestre qui est mis ainsi à la disposition d’un seul exécutant. Les souffleries électriques alimentent les jeux en dosant les pressions nécessaires au caractère de chacun. Si l’on savait ce qu’a coûté, par exemple, le tuyau — tant de fois remplacé ! — qui réalise "le cor bouché de Siegfried et son attaque tremblée et lointaine à la fois", on comprendrait l’enthousiasme du grand chef d’orchestre que nous venons d’entendre jouer la "Tétralogie" sur cet orgue sans rival, d’une "musicalité" à la fois si exquise et si complète, en ce manoir féerique que les habitués de Biarritz appelleront longtemps encore "le Château du Baron de l’Éspée".







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