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dimanche 29 mars 2020

UN INCENDIE À BOUCAU EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1897 (troisième et dernière partie)


UN INCENDIE À BOUCAU EN 1897.


Le 14 septembre 1897, un incendie se déclare dans un dépôt de bois, à Boucau, appartenant au député Jean-Gratien-Félix Léglise.


pays basque autrefois faits divers
LES FORGES DE L'ADOUR BOUCAU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta la presse nationale, dans L'Argus, le 6 août 1905 :



"...En ce qui concerne la crédibilité des témoins : 



Attendu que le fait de la production des flammèches et celui de la communication du feu sont certifiés par des témoins non reprochés et dont l'honorabilité n'a pas été attaquée ; qu'il serait donc d'ores et déjà acquis qu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de la responsabilité de la Compagnie du Midi, si elle n'avait soutenu : 


1° qu'il est impossible qu'il ait pu s'échapper des flammèches par la cheminée, parce que la grille les retenait et que le charbon "tout venant", employé, n'en produirait pas ; que, dans tous les cas, les escarbilles ou flammèches échappées auraient été impuissantes à allumer l'incendie ; 


2° qu'il était impossible avec la faible brise qui régnait, et surtout, avec sa direction que les escarbilles et flammèches aient été transportées à 33 mètres (depuis la cheminée de la locomotive jusqu'au sommet de la troisième rangée de traverses), et qu'elles aient pu être aperçues en plein jour du vapeur Ida 


3° que la température de 14 ou 15 degrés régnait au plus dans la matinée du 14 septembre 1897 : que le degré initial d'inflammabilité de la naphtaline exigerait 66 degrés et celui de la créosote 90 degrés de chaleur ; que le contact d'escarbilles et de morceaux de coke incandescents, dont l'incandescence s'atténue très promptement à l'air libre, ne provoquent pas d'inflammations au-dessous de ces températures ; qu'enfin, l'embrasement aussi rapide que celui qui est décrit par les témoins est inadmissible ou n'est dû qu'à une cause restée inconnue ; 

pays basque autrefois
USINE ST GOBAIN BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Attendu que la Cour de Pau avait soumis toutes ces difficultés à trois experts, choisis parmi les hommes de science et de pratique ancienne, qui ont examiné successivement toutes ces objections, ont multiplié leurs expériences, soit dans le laboratoire, soit dans les chantiers ; qu'ils se sont livrés à des investigations pour éclaircir des points restés encore obscurs dans la science appliquée à l'industrie, qu'ils ont entendu les dires des parties et déposé leur rapport le 20 octobre 1902 ; 




Attendu que les experts ont observé : que les escarbilles et flammèches peuvent s'échapper par le seul effet du démarrage d'une lourde charge, sans qu'il soit besoin de charger le foyer ou d'y passer la barre ; qu'avec des charbons mêlés d'impuretés, ils avaient produit des flammèches, mais pas susceptibles de mettre le feu à des traverses placées dans les conditions présumées de l'incendie du Boucau ; que les flammèches ne sont visibles en plein jour que dans un nuage de fumée ; que, n'ayant pas réussi à produire de grosses flammèches, ils n'affirmaient pas qu'elles ne puissent exister, puisqu'il est acquis qu'il s'en produit, mais dans des circonstances fortuites, indépendantes de toute préparation et de toute précaution ; 




Attendu que les experts ont noté que la créosote au contact de l'air, ne donne un mélange inflammable qu'à une température de 75 à 90 degrés, selon les espèces auxquelles elle appartient ; que les chantiers de traverses créosotées acquéraient, sous l'action des rayons solaires, une température supérieure à celle des terrains voisins ; que, sous cette action, les traverses suintaient à 40 degrés et au-dessus, se couvraient de bouffioles et présentaient des traces de gemme ou de résine poisseuse, même fluente et susceptible de produire des dégagements d'essence de térébenthine et autres essences analogues de nature à faciliter, le cas échéant, la naissance et le développement d'une combustion ; qu'à la partie supérieure du tas, les traverses frappées par des rayons solaires non obliques gagnaient 12 a 14 degrés de chaleur de plus que les traverses non créosotées ; qu'en septembre 1902, au chantier du Boucau, alors que la température ambiante était de 30... 22°5... et 30° à l'ombre, celle des traverses créosotées frappées par des rayons solaires non obliques était de 49°8, 48°3 et 61° ; qu'à ce même chantier, la différence de chaleur est souvent très sensiblement plus élevée qu'à l'Observatoire de Bayonne, et a pu atteindre 7 degrés de plus ;

PAYS BASQUE 1900
DOCKERS USINE ST GOBAIN BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Que, sur une traverse où la gemme ressuait (24 degrés de température ambiante et temps pluvieux), la flamme d'une allumette a produit instantanément l'inflammation qui s'est très rapidement propagée, tandis que les traverses sans gemme ont dû être portées à 50 degrés pour être enflammées avec des fragments de coke incandescent, dont la grosseur dépassait ceux qui peuvent s'échapper de la cheminée d'une locomotive munie de sa grille ; qu'à 48 degrés, mais non à 40, la flamme de l'allumette agit de même sur une traverse sans gemme ;




Attendu, en résumé, que les experts ont conclu qu'on ne peut déclarer scientifiquement impossible que l'incendie du chantier Léglise ait eu pour cause des flammèches échappées de la locomotive de la Compagnie du Midi, car les circonstances dans lesquelles ces flammèches pouvaient se produire étaient très diverses ; qu'il y a lieu de considérer que les experts ont entendu donner une large portée à ces derniers mots et y comprendre bien des hypothèses, notamment celle de la mauvaise adaptation ou le défaut d'adaptation d'une grille et son état défectueux, car ils ont pu constater eux-mêmes que, dans certaines locomotives de la Compagnie, dans son principal centre d'exploitation, à la gare de Bordeaux, que l'application du règlement sur les grilles laissait à désirer ; qu'enfin, ils estiment que l'embrasement du chantier n'a pas été véritablement instantané et que le développement n'a été que rapide ;




Attendu qu'après la longue et consciencieuse étude des questions complexes et délicates qui étaient posées par la Cour d'appel, étant données la prudence et l'autorité morale dont jouissent les experts choisis par elle, le Tribunal doit consacrer les conclusions de leur rapport ;


PAYS BASQUE 1900
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Attendu que la Compagnie du Midi ne saurait infirmer ces conclusions au moyen d'une lettre datée du 13 septembre 1897 ; (veille de l'incendie] par laquelle la Société Léglise s'excusait de n'avoir pu expédier des traverses parce que les pluies de la semaine précédente l'en avaient empêchée ; 




Attendu que cette lettre n'affirme rien pour le 14 septembre 1897 (jour de l'incendie), pour le 13 (date de la lettre), pour le 12 (qui était un dimanche), ni sans doute pour le samedi, dernier jour de la semaine ; qu'il y a lieu dé répondre à cette occasion, ainsi qu'il a été déjà dit ci-dessus, que les experts ont pu enflammer une traverse avec la flamme d'une allumette, un jour pluvieux, et avec une température ambiante de 24 degrés seulement ;




Attendu, en conséquence, que les faits rapportés par les témoins, quoique se produisant rarement dans la pratique, ne sont pas reconnus scientifiquement impossibles ; qu'on ne peut induire des observations et des appréciations des experts des présomptions contraires à celles qui ressortent des faits établis dans les enquêtes des 2 et 3 mars 1900 ;


pays basque autrefois
USINE ST GOBAIN BOUCAU - BOKALE
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Qu'il y a donc lieu de déclarer la Compagnie du Midi responsable des dommages occasionnés à Capot par l'incendie du 14 septembre 1897 ;




Attendu qu'il n'y a pas de contestation sur le chiffre des dommages-intérêts ; que ceux-ci ont été justement appréciés dans le rapport d'experts du 11 juillet 1899 ; 




Attendu que les intérêts moratoires ne sont dus par le débiteur que depuis le jour de la sommation de les payer ou depuis le jour de la demande en justice ; que c'est le 3 mars dernier seulement que Capot justifie avoir demandé à la Compagnie du Midi les intérêts du montant de l'indemnité pour incendie, en même temps que l'indemnité elle-même ;




Attendu que l'expertise aux fins de déterminer exactement le préjudice éprouvé, ayant été utile aux deux parties, il est juste de laisser la moitié des frais à la charge de chacune d'elles ; 


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USINE ST GOBAIN BOUCAU - BOKALE
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Par ces motifs ;



Déclare la Compagnie du Midi responsable de l'incendie survenu, le 14 septembre 1897, dans les bâtiments de Capot, situés au Boucau, et du préjudice qui lui a été occasionné ;



En conséquence, la condamne à payer à Capot la somme de 44 766 fr. 85. avec l'intérêt à 4 0/0 depuis le 3 mars 1904, et avec dépens dans lesquels seront compris, même à titre de complément de dommages-intérêts, la moitié des frais de la procédure de référé et de ceux de l'expertise, etc..."

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USINE ST GOBAIN BOUCAU - BOKALE
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Observation. - On peut rapprocher de la décision rapportée : C. de Grenoble, 21 août 1862, sous C. de Cassation, 20 novembre 1866 (Sirey. 1867.1.77) ; Trib. Rouen, 12 janvier 1875, sous C. de cassation, 19 juillet 1876 (Sir., 1817.1.147). Adde : C. de cassation, 23 juin 1859 (Sir., 1859.1.782)."





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