LE CHÂTEAU DE BIDACHE.
Le château de Bidache a été le siège de la principauté souveraine de Bidache et a appartenu à la famille des seigneurs de Gramont, au moins depuis 1329.
Je vous ai déjà présenté les châteaux suivants : Urtubie (Urrugne), Arcangues, Maytie (Mauléon),
Bidache, Haïtze (Ustaritz), Beraün (Saint-Jean-de-Luz), Artigaux (Moncayolle), Lacarre,
Irumberry (Saint-Jean-le-Vieux), Ahetzia (Ordiarp), Ruthie (Aussurucq), Cheraute, Ahaxe,
Charritte, Menditte, Eliçabia (Trois-Villes), Elhorriaga (Ciboure), Larrea (Ispoure) Saint-Pée-
sur-Nivelle, Mouguerre, Mauléon, Sault (Hasparren), Jaureguia (Armendarits), Garro
(Mendionde), Beyrie sur Joyeuse, Etchauz (Saint-Etienne-de-Baïgorry), Luxe-
Sumberraute, les châteaux sans histoire, le château de Laxague à Ostabat, et le
château d'Aphat à Bussunarits-Sarasquetteil, et le château d'Espelette, voici aujourd'hui le
château de Bidache.
Voici ce que rapporta à son sujet, J. Nogaret, dans le Bulletin du Musée Basque N° 11 de 1936 :
"Les châteaux historiques du Pays Basque Français.
Chapitre Quatrième.
La souveraineté de Bidache.
Les châteaux de Gramont à La Moularie et Bidache.
Il peut paraître étrange de voir figurer dans une galerie des châteaux basques, celui de Gramont situé à Bidache, localité qui à aucune époque n'a fait partie du Pays Basque. On ne saurait cependant le passer sous silence pour plusieurs raisons. Le premier château des Gramont était à La Moularie, en plein Pays Basque ; leurs domaines se sont étendus sur ce pays, où ils possédaient les seigneuries de Labastide-Clairence et Bardos ; en outre ils ont joué un tel rôle en Labourd et en Basse-Navarre, dont ils ont été pendant plus d'un siècle vice-rois et gouverneurs, leur nom a été si intimement lié à l'histoire de ces deux provinces que notre étude serait incomplète si une place ne leur était pas réservée. Mais comme il a été beaucoup écrit sur leur rôle dans l'histoire de France, nous nous bornerons à rappeler les événements auxquels ils ont été mêlés dans la région et surtout ceux dont le château de Bidache a été le témoin.
On a dit sur l'origine des Gramont des choses fantaisistes et inexactes ; mais il en a été fait justice et l'on sait maintenant qu'ils descendent des vicomtes de Dax, issus eux-mêmes des ducs de Gascogne.
Lorsque s'organisa dans le pays le régime féodal, un des fiefs les plus importants fut la vicomté de Dax, qui s'étendait des environs de Saint-Sever jusqu'aux confins des pays de Cize et d'Ossès. Cette région était alors couverte de landes, de forêts et peu peuplée. Vers l'an 1040 le vicomte de Dax, Garcie-Arnaud, apanagea son second fils Bergon-Garcia des seigneuries de Gramont, Bergouey et Garris, en pays de Mixe. Bergon-Garcia s'établit dans la première et construisit un château-fort sur la montagne de La Moularie entre Bergouey et Charritte de Mixe, non loin du petit village actuel de Vieillenave qui alors n'existait pas sans doute et qui dût se former sous la protection du château féodal.
Mathieu Paris, moine anglais qui nous a laissé une histoire de la Guienne sous l'occupation anglaise, en a fait la description suivante : "il est basti sur une montagne presqu'inaccessible, environné de rochers qui soustenoient sur leurs poinstes les tours du casteau qui commandoit la vallée d'alentour".
A quelle époque et dans quelles circonstances les Gramont quittèrent-ils La Moularie pour s'établir à Bidache ? Il n'est pas possible de répondre avec précision. Certains prétendent que l'un d'eux, nommé Brun, aurait reçu en partage le territoire de Bidache.
D'après une autre version, qui paraît plus vraisemblable, ce changement aurait eu lieu au XIIIe siècle. Le seigneur de Gramont était alors Arnaud-Guilhem, qui vécut 88 ans et fut un des féodaux les plus batailleurs de tout le pays. Il ne fut pas toujours heureux dans ses guerres avec ses voisins, notamment en 1245. Il afficha une telle indépendance à l'égard du prince Edouard, gouverneur de la Guyenne, son suzerain pour certains de ses domaines, qu'Edouard arriva avec une armée, assiégea le château, le prit et fit Arnaud-Guilhem prisonnier.
Après un an de captivité le seigneur de Gramont recouvra la liberté ; mais Edouard garda le château et ne consentit à le restituer que 16 ans plus tard, en 1262, en si mauvais état qu'Arnaud-Guilhem se borna à en faire un ouvrage exclusivement militaire. Quant à lui, il s'était fixé dès sa libération, en 1256, à Bidache où il possédait une habitation qui, agrandie et modifiée, devint sa résidence et celle de ses descendants.
Il est probable en effet que les Gramont n'avaient pas tardé à remarquer la situation éminemment favorable de Bidache placé d'une part sur la grande voie de communication reliant le Pays Basque à la Gascogne et d'autre part sur celle mettant en communication Bayonne et le Béarn par Briscous et la Bastide-Villefranche, la seule fréquentable à l'époque où la vallée de l'Adour ne présentait que des marécages. C'était là une situation des plus favorables pour la perception des droits de péage, source de revenus importants pour les seigneurs riverains et l'on sait combien d'abus en résultèrent. A ce sujet, les Gramont ne firent pas exception à la règle.
Au Moyen-Âge en effet c'étaient de simples voleurs et à l'occasion des assassins, ainsi que tous les féodaux leurs semblables. "Arnaud-Guilhem de Gramont, écrit Mathieu Paris, était un vrai bandit de grand chemin. Son château était une caverne de voleurs. Du haut de ses tours dominant le pays et notamment la route conduisant à Compostelle, les pèlerins, les marchands, les habitants du pays eux-mêmes, ne pouvaient passer de ce côté sans être dépouillés et souvent égorgés par ces brigands de nuit".
En 1191, Richard-Coeur-de-Lion, duc d'Aquitaine, ayant épousé Bérengère, soeur du roi de Navarre Sanche le Fort, céda à son beau-frère tout le pays de Mixe, qui fut incorporé à la Navarre. Dès lors et pendant plus de deux cents ans, l'activité des Gramont se déploya en Navarre où on ne saurait les suivre. Il suffira de dire qu'en peu de temps, ils devinrent des seigneurs influents de ce royaume et furent investis des plus hautes charges ce qui ne contribua pas peu à augmenter leur fortune.
Cependant lorsque les Anglais eurent été chassés de la Guienne, les Gramont se rapprochèrent des rois de France qui comprirent l'intérêt qu'ils avaient à s'attacher ces seigneurs dont les domaines étaient limitrophes d'une grande influence. Aussi ne les oublièrent-ils pas dans la distribution de leurs faveurs.
En Août 1479 le roi Louis XI érigea en baronnies les seigneuries de Sames et de Came.
Le 28 Juillet 1485, Alain d'Albret fit donation à Roger de Gramont de la seigneurie de Guiche : "pour bons et agréables services que le dit Gramont lui avait rendus, tant pour le mariage d'iceluy d'Albret avec la reine de Navarre, que d'autres manières".
En 1495, Roger obtint la charge de maire-héréditaire de Bayonne que ses descendants conservèrent jusqu'en 1633. Ils la changèrent alors contre celle de gouverneur qu'ils remplirent jusqu'à la Révolution.
Par ces acquisitions successives, les Gramont devinrent les seigneurs les plus considérables du pays, lorsqu'une autre cause contribua encore à augmenter leurs richesses et leur influence.
En 1528, Jean II de Gramont mourut en Italie sans laisser d'héritier. Ses biens passèrent à sa soeur Claire, mariée à Menaud d'Aure d'Aster, gentilhomme bigourdan, dont le fils Antoine prit le nom de Gramont et commença la dynastie des Gramont d'Aster. Il joignit les biens considérables laissés par sa mère aux domaines qu'il tenait de son père dans la Bigorre et le Comminges.
Mais l'influence des Gramont s'étendit plus loin. Lorsque Ferdinand le Catholique se fut emparé de la Haute-Navarre, ne laissant à Jean d'Albret que la sixième mérindad de ce royaume, les Gramont restèrent fidèles à leur roi légitime et devinrent les hommes de confiance des souverains du Béarn. Antoine 1er resta toute sa vie à la dévotion de Jeanne d'Albret. S'il n'embrassa pas la Réforme, ce qui est douteux, il n'en fut pas moins son zélé défenseur et il ne s'opposa pas à son introduction dans ses états. La population de Bidache devint en partie protestante et la nouvelle religion y fut ouvertement tolérée jusqu'à la révocation de l'Edit de Nantes.
Pendant les longs séjours qu'Antoine fit à Pau, naquit en 1552 son fils Philibert, qui fut élevé avec les enfants de Jeanne d'Albret, Henri et Catherine de Navarre. Il y avait aussi avec eux une fillette, Diane d'Andoins, fille des barons d'Hagetmau qui devenue, en bas âge, orpheline de père et de mère, avait été recueillie par Jeanne d'Albret. Cette vie commune devint le point de départ d'une amitié qui persista toujours et c'est alors qu'Henri donna à Diane d'Andoins le surnom de "Belle Corisande", sous lequel elle est connue dans l'histoire.
PORTRAIT DE DIANE D'ANDOINS ET CATHERINE SA FILLE 1565 PAR SOFONISBA ANGUISSOLA |
Cette enfant fut mariée à Philibert en 1567, alors qu'elle n'avait que douze ans. Elle vécut peu avec son mari qui suivit Henri de Navarre dans ses chevauchées hors de son royaume et embrassa un peu plus tard le parti du roi de France. Il était au siège de La Fère, sous les ordres du maréchal de Matignon, lorsqu'un boulet lui enleva le bras, le 2 Août 1580. Il mourut peu après.
PHILIBERT DE GRAMONT COMTE DE GUICHE |
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