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mercredi 18 décembre 2024

LE TRAGIQUE DESTIN D'EUZKADI EN 1938 (onzième et dernière partie)

 

LE TRAGIQUE DESTIN D'EUZKADI EN 1938.


La guerre civile espagnole, du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939, contraint plusieurs centaines de milliers de Républicains et de Basques à l'exil dans le monde entier.


pais vasco antes guerra civil española
EXIL A HENDAYE SEPTEMBRE 1936



Je vous ai parlé dans un article précédent de la dixième publication de Pierre Dumas, au sujet 

des Basques dans la guerre civile espagnole.



Voici ce que rapporta Pierre Dumas, dans le quotidien La Petite Gironde, dans un onzième 

article, le 2 Septembre 1938 :



"VIII. — Pour l'Espagne de demain.



La guerre espagnole entre dans sa troisième année... C'est un fait, le seul peut-être sur lequel tout le monde soit d'accord. Qui l'eût dit, cependant, le 18 juillet 1936, quand elle se déclencha ?



Après ces deux ans, quels bilans d'épouvante. "L'United Press" vient de jeter quelques chiffres à la face du monde. Morts : 480 000. Dépenses, destructions de biens : 50 milliards de pesetas or. Emigrés à l'étranger ou dans d'autres provinces : 500 000. Individus actuellement maintenus en prison dans l'un et l'autre camp : 400 000.



Il n'est pas un Espagnol, pas un seul qui, dans sa vie, dans ses membres, dans sa famille ou dans ses biens, n'ai été victime de la guerre civile.



Or, à l'heure présente, malgré les succès militaires du général Franco, nul ne peut pronostiquer la durée du conflit. On n'a qu'une certitude, c'est la nécessité d'une campagne d'hiver. Le communiqué nationaliste du 8 août révèle qu'en 12 jours, l'aviation de Franco a exécuté, sur le seul secteur de l'Ebre, des raids de bombardement, de surveillance et de chasse mettant en ligne plus de 1 000 appareils qui ont déversé 45 000 kilos d'explosifs et 2 000 petites bombes de deux kilos. La mise en action de ces 1 000 avions, liée à une intervention d'infanterie, d'artillerie et de tanks proportionnée, a abouti à réduire de moitié seulement la boucle de l'Ebre créée par les gouvernementaux.



Je le répète, ce sera long. On pourrait pourtant accepter l'idée de la continuation du conflit, on pourrait laisser s'allonger le sinistre bilan, si, au bout de ces sacrifices, l'Espagne devait retrouver la paix intérieure et la dignité vis-à-vis de l'étranger. Hélas, il n'en sera rien. Quel que soit le vainqueur, celui qui, dans un nombre indéterminé de mois, sera maître de l'Espagne, même s'il extermine la moitié de ses concitoyens, aura une opposition.



En effet, en admettant qu'il n'y ait plus un républicain vivant après la victoire de Franco, ni un franquiste vivant après la victoire de Négrin, la guerre commencerait entre les équipes victorieuses. On n'ignore plus, à l'étranger, les profondes divergences de vues entre phalangistes et Navarrais, pas plus qu'on n'ignore les tiraillements, parfois sanglants, qui déchirent entre eux anarchistes, communistes, républicains et autonomistes.




Alors, puisque la guerre civile semble s'installer en permanence en Espagne, pourquoi les nations qui ne se sont jamais laissées entraîner dans le conflit, pourquoi les puissances neutres ne proposent-elles pas leur médiation pour une liquidation générale ?



Tout dernièrement, les journaux ont publié une bonne nouvelle :


Le gouvernement anglais, en plein accord avec le gouvernement français, a décidé d'envoyer sur place un délégué chargé de résoudre la question en demandant au pouvoir central le maximum de concessions et l'établissement de la plus large autonomie dans le cadre national pour ces provinces qui viennent de notifier si ouvertement leur désir d'indépendance par un plébiscite où les autonomistes ont groupé 80% de suffrages.



Ainsi, le Pays Basque s'étant déclaré autonomiste par 88% de ses habitants, l'Angleterre et la France vont s'occuper de faire entendre sa voix et d'obtenir pour lui, dans le cadre national, le maximum de liberté et de justice.



Mais non, chers lecteurs, modérez votre surprise, dans l'information ci-dessus il ne s'agit que des Sudètes et non du Pays Basque. Bien que les cas soient identiques, les puissances démocratiques s'occupent des uns et semblent se désintéresser des autres. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit cependant de gens maintenus, contre leur volonté, sous le joug d'un Etat centralisateur. Mais les Allemands qui, si bruyamment, réclament le droit pour les Sudètes à opter pour le régime de leur choix, sont les mêmes qui, sans titre ni qualité, "occupent" en ce moment l'Euskadi et font travailler plus de 5 000 Basques au fond des mines pour 0,35 pesetas par jour.



Il nous paraît pourtant que le conflit espagnol ne pourra être liquidé — quel que soit le parti victorieux et surtout s'il y a une médiation —  que par la liquidation préalable des autonomistes provinciaux.



La base, je pourrais dire la seule base solide que les médiateurs peuvent proposer aux Espagnols belligérants, c'est la décentralisation de l'Espagne.



Prenez l'exemple du Pays Basque. Les plébiscites ont donné la quasi-unanimité à ceux qui forment, aujourd'hui, le gouvernement d'Euskadi. Malgré l'occupation des troupes franquistes, les sentiments des gens de Bilbao, de Durango ou de Guernica, n'ont pas changé.



Cette partie de la péninsule est et demeurera à peu près unanimement autonomiste. La Navarre, en immense majorité, demeurera traditionaliste ; la Catalogne demeurera démocratique ; la vieille Castille, monarchiste, etc...



Proposez donc un Etat espagnol fédéral, qui groupera les divers pays jouissant d'une large liberté.



Pierre Dominique rappelait dernièrement, à propos de la Tchécoslovaquie et de l'ancienne Autriche, un mot du Tchèque Karl Kramarscn : 

"L'unique raison d'être d'un Etat aussi étrangement constitué, c'était d'assurer un refuge à des peuples trop petits pour être indépendants, mais assez forts pour défendre leur liberté".



Ceci s'appliquait bien à l'Autriche-Hongrie, s'applique aujourd'hui à la Tchécoslovaquie, s'applique aussi à l'Espagne de demain.



Il y a plus de différences ethniques, sociales et morales, entre un Basque et un Andalou qu'entre un Tchèque et un Slovaque.



En Espagne, dans les deux camps, tout le monde crâne. Le président Négrin a édicté un superbe programme en treize points... pour l'avenir, mais il est incapable de les faire respecter dans le présent.



JUAN NEGRIN
PRESIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES D'ESPAGNE
DU 17 MAI 1937 AU 5 MARS 1939


D'autre part, au congrès de Budapest, le cardinal Goma, après avoir affirmé la victoire prochaine de Franco et assuré qu'il ne pouvait y avoir d'autre pacification que celle des armes, dit, sur la fin de son discours : 

"Nous sommes dans une telle mêlée que nous ne savons pas comment en sortir..."



Ainsi, dans les deux camps, on avoue, ou on redoute, "ne pas savoir comment en sortir"... et vous ne voudriez pas qu'on propose de sérier les difficultés en compartimentant les dangers ?



Heureusement pour l'Espagne, des Espagnols éminents, réfugiés à l'étranger se sont tenus hors du conflit. Ils peuvent être les artisans de la restauration de l'Espagne de demain... je n'ose pas écrire de la réconciliation nationale.



Pour cette oeuvre, les Basques sont particulièrement qualifiés. Le jour où il quitta Santander avec ses derniers soldats, le président Aguirre déclara aux journalistes :

"Le gouvernement d'Euskadi régira son peuple jusqu'au moment où, interprétant les espérances de l'immense majorité des Basques, il retournera chez lui, la justice ayant été faite, et elle se fera, par les peuples et les consciences droites du monde entier".



pays basque autrefois euzkadi president gouvernement
JOSE ANTONIO AGUIRRE Y LESCUBE
PRESIDENT GOUVERNEMENT BASQUE 1936


C'est un appel, non seulement à la justice péninsulaire, mais bien à la justice du monde, à la justice des peuples et à la justice des consciences. Puisse-t-il être entendu.



J'ai sous les yeux de nombreux récits intitulés : "Comment les Basques savent mourir." Les larmes viennent aux yeux à la lecture de tels héroïsmes tranquilles. Beaucoup de ces Basques sont morts en pardonnant à leurs ennemis, mais combien nombreux furent les franquistes qui moururent en pardonnant à leurs bourreaux gouvernementaux !



Puisque tant de victimes sont mortes en pardonnant, pourquoi les fils de ces morts n'arriveraient-ils pas à pardonner ? 



Mais on pourra pardonner plus facilement après une médiation qu'après une victoire.



Non-Intervention militaire ?... Oui ! mais médiation pour la paix ! Ce n'est pas seulement l'intérêt des démocraties,  c'est leur devoir.



500 000 morts, 400 000 prisonniers, 600 000 exilés. Le peuple basque chassé de chez lui, avec ses enfants mutilés et ses familles sans foyers.



Quels chiffres faudra-t-il atteindre, quelles armées étrangères devront encore intervenir, quelles horreurs devront encore tomber du ciel pour que les peuples spectateurs et les hommes libres se mettent enfin à crier : "Assez !"




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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